Attention ! Arrêt important qui répond à une question guère évidente sur la qualification d’un jugement, ici un arrêt d’appel… qui est un jugement au sens procédural, ne l’oublions pas !

Pour la Cour de cassation, la réponse est celle-ci (Cass. 2e civ., 24 mars 2022, n° 19-25.033, Publié au bulletin) :

« 6. Il résulte de l’article 473 du code de procédure civile, rendu applicable devant la cour d’appel par l’article 749 du même code, qu’un arrêt rendu par une cour d’appel n’est réputé contradictoire qu’à la seule condition que la déclaration d’appel ait été signifiée à la personne de l’intimé défaillant, les modalités de signification des premières conclusions d’appelant étant sans incidence sur la qualification de la décision.
7. Ayant constaté que la signification de la déclaration d’appel avait été délivrée à personne à l’association, et retenu, à bon droit, que les dispositions de l’article 56, alinéa 2, du code de procédure civile n’ayant pas vocation à s’appliquer à la déclaration d’appel, celle-ci valait à elle seule citation de l’intimé défaillant au sens de l’article 473 précité, la cour d’appel en a exactement déduit que, quelle que soit la qualification qui lui avait été donné, l’arrêt du 16 octobre 2018 n’avait pas été rendu par défaut et que l’opposition était irrecevable.
»

Ce qui importe, ce n’est pas les conditions dans lesquelles les conclusions sont signifiées à la partie défaillante.

Ce sont les conditions de signification de l’acte d’appel.

Nous savons que lorsqu’un appel est formé, le greffe adresse la déclaration d’appel aux intimés.

Cet envoi, même s’il indique l’obligation de constituer avocat, ne vaut pas citation.

Si l’intimé est défaillant, le greffe invite l’appelant à faire signifier cette déclaration d’appel.

La Cour de cassation écarte l’article 56. En effet, l’assignation a disparu en cause d’appel, et la partie défaillante n’a pas à être assignée à comparaître.

Il suffit donc de signifier la déclaration d’appel, l’acte devant néanmoins contenir les mentions de l’article 902, propres à la procédure d’appel. C’est un peu le 56 de l’appel.

⚠️ Et c’est ici que l’appelant, et l’huissier, doivent t être vigilants.

L’appelant, qui a tout intérêt à ce que l’arrêt soit réputé contradictoire, si l’intimé ne se fait pas représenter, devra donc veiller à ce que la déclaration d’appel soit signifiée à la personne du destinataire, ou à personne habilitée pour une personne morale.

Peu importe si les conclusions sont de leur côtés signifiées à la personne du destinataire. Les conclusions ne valent pas citation.

En revanche, bien entendu, si l’acte d’appel est signifié avec les conclusions, cela vaudra citation, à condition cependant que l’acte contienne les mentions de l’article 902.

Il y a donc intérêt à ce que l’huissier signifie à personne ou à personne habilité.

À défaut, si l’intimé est non représenté, l’arrêt ne sera pas réputé contradictoire, ce qui ouvre la porte à l’opposition, laquelle a ici été déclarée irrecevable dans la mesure où l’acte d’appel avait été signifié à la personne du destinataire.

Sur l’opposition à arrêt d’un intimé défaillant, je renvoie au besoin à… ? Procédures d’appel, Dalloz coll. Delmas express, n° 41.209, p. 307 ?

Mais une question demeure. Comment qualifier un jugement à l’égard d’une partie qui n’a pas été assignée, et à laquelle la déclaration d’appel n’a pas été signifiée ? Je pense à la partie, intimé non représentée, à l’égard de laquelle un intimé se porte appelant incident provoqué en se contentant de lui signifier les conclusions sans l’assigner ? On peut imaginer que l’appelant a omis ou décidé de ne pas lui signifier l’acte d’appel.

? N’y aurait-il pas comme un ptit problème ? Nul ne peut être jugé sans avoir été cité, et nous pouvons constater alors que cette partie n’a pas été citée, alors que l’intimé appelant incident s’est conformé à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Une occasion encore de souligner une position jurisprudentielle non seulement contraire au texte, et plus précisément à l’article 68, mais également contraire aux droits de la défense. Mais cela, je crois l’avoir déjà relevé lorsque j’ai commenté cette aberrante décision de la Cour de cassation… C’est un appel du pied ?  pour envisager un revirement ?

Auteur: 
Christophe LHERMITTE