La procédure d’appel et les décrets dits « Magendie » de 2009 et 2017

Le décret du 9 décembre 2009, aussi appelé « décret Magendie », et celui du 6 mai 2017, ont introduit de nouvelles dispositions régissant la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile.

Ces deux décrets sont inspirés du rapport « célérité et qualité de la justice devant la cour d’appel » du 24 mai 2008 de Monsieur MAGENDIE, alors Premier Président de la Cour d’appel de Paris.

Le décret de 2009 est entré en vigueur le 1er janvier 2011, et a très profondément bouleversé la procédure en appel. Celui de 2017 est allé encore plus loin dans la rigueur instaurée par la réforme de 2009.

La procédure devant les cours d’appel se rapproche désormais de celle devant la Cour de cassation, la rendant beaucoup plus complexe et périlleuse. Ces décrets ont imposé de nouveaux délais et des obligations nouvelles, assortis de nouvelles sanctions.

La procédure d’appel est désormais sans filet, tout erreur pouvant être fatale.

Procédure d'appel

Délais impératifs et sanctions sévères

Le décret de procédure du 9 décembre 2009 et celui du 6 mai 2017 ont imposé de nouveaux délais, relativement courts, et de nouvelles contraintes, telle la régularisation des actes de procédure par voie électronique, avec des sanctions sévères (caducité de la déclaration d’appel, irrecevabilité des conclusions).

L’application de ces nouvelles dispositions suppose un suivi strict des procédures en appel, la moindre erreur ayant des conséquences extrêmement préjudiciables à la partie, et au représentant qui engage alors sa responsabilité en cas de défaillance.

Les risques de responsabilité professionnelle se trouvent accrus depuis l’entrée en vigueur de ce décret.

Ainsi, notamment, l’absence de conclusions par l’appelant dans le délai imparti de trois mois ne sera plus sanctionnée par une radiation (ancien article 915 du Code de procédure civile), avec possibilité pour l’appelant de remettre l’affaire au rôle de la cour, mais par la la caducité de la déclaration d’appel, laquelle caducité est relevée d’office par le conseiller de la mise en état (article 908 du Code de procédure civile). Des délais plus courts, avec des sanctions identiques, existent en circuit court.

La déclaration d’appel doit en outre être signifiée sous peine de la même sanction (article 902 du Code de procédure civile).

D’autre part, l’intimé, qui concluait habituellement sur injonction, sans véritable sanction en cas de non-respect de cette injonction, se voit aujourd’hui contraint de conclure dans un délai fixé à trois mois, avec irrecevabilité de ses conclusions relevée d’office par le conseiller de la mise en état (article 909 du Code de procédure civile), et dans le délai d’un mois en circuit court.

L’intimé doit former tout appel incident et appel provoqué dans le même délai, la sanction étant la même, à savoir l’irrecevabilité soulevée d’office (article 909 du Code de procédure civile).

L’intimé sur un appel incident ou sur un appel provoqué doit conclure dans le même délai de trois mois (article 910 du Code de procédure civile).

L’intimé sur cet appel incident ou cet appel provoqué peut dans certains cas être l’appelant principal, de sorte que l’appelant qui aura déjà conclu pourra voir ses conclusions déclarées irrecevables s’il ne répond pas à cet appel incident ou provoqué formé contre lui dans le délai de trois mois.

L’intervenant forcée, qui par définition découvre cette procédure au stade de l’appel, dispose d’un délai de trois mois pour conclure (article 910 alinéa 2 du Code de procédure civile), à peine d’irrecevabilité.

L’article 906 du Code de procédure civile prévoit une communication simultanée des pièces avec les conclusions.

Le rôle renforcé du conseiller de la mise en état

Les pouvoirs du conseiller de la mise en état sont renforcés depuis le décret de 2009.

Ainsi, les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel ou sur la caducité de celui-ci ont autorité de la chose jugée au principal » (article 914 alinéa 2 du Code de procédure civile), ce qui signifie qu’il ne sera plus possible de soumettre à la formation collégiale de la cour d’appel un moyen d’irrecevabilité qui aura été tranché par le conseiller de la mise en état.

En revanche, un « recours » (qui en réalité n’en est pas un) existe à l’encontre de ces ordonnances statuant sur l’irrecevabilité d’appel ou sur la caducité, à savoir le déféré (article 916 du Code de procédure civile).

Cependant, le conseiller de la mise en état ne dispose pas de pouvoir d’appréciation pour prononcer la caducité de l’appel ou l’irrecevabilité de conclusions, réserve faite de l’appréciation de la force majeure de l’article 910-3.

Par exemple, il ne dispose pas de l’appréciation qui est la sienne pour prononcer la radiation de l’affaire sur le fondement de l’article 526 du Code de procédure civile pour non-exécution du jugement dont appel.

Le moyen d’irrecevabilité d’appel ou de caducité ne peut pas être soumis à la formation collégiale de la cour d’appel, le conseiller de la mise en état ayant une compétence exclusive (article 914 alinéa 1er du Code de procédure civile).

Il est prévu qu’à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant l’expiration des délais pour conclure, c’est-à-dire en principe dans le délai de 6 mois et 15 jours après la déclaration d’appel, le conseiller de la mise en état examine l’affaire (article 912 du Code de procédure civile).
Le conseiller de la mise en état, après consultation des représentants des parties, apprécie si l’affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions. Il fixe la date de clôture et d’audience. Ces nouvelles dispositions et cette accélération de l’instruction s’accommodent difficilement aux délais d’audiencement devant certaines chambres.
Cela explique que, en pratique, cette disposition n’est pas appliquée.

Depuis le décret du 11 décembre 2019, le conseiller de la mise en état, à l’instar du juge de la mise en état devant le tribunal judiciaire, a vu ses pouvoirs étendus puisqu’il a désormais compétence exclusive pour se prononcer sur les fins de non-recevoir, comme le prévoit le 6° de l’article 789 auquel renvoie l’article 907 du Code de procédure civile. Mais pour autant, cette extension concernant les fins de non-recevoir ne sera pas totale, et ne sera pas véritablement comparable à celle du juge de la mise en état.

Les conclusions en appel

Emprunté à la rédaction du jugement qui énonce la décision sous forme de dispositif » (art. 455 al. 2 CPC), les conclusions contenaient de manière habituelle un dispositif dans les conclusions, ce que toutefois aucun texte n’imposait… jusqu’au décret dit Magendie du 9 décembre 2009. D’ailleurs, jusqu’à cette réforme, et même si cela peut paraître invraisemblable, aucun texte ne faisait jusqu’alors référence au « dispositif » des conclusions, lequel dispositif n’avait donc aucune valeur contraignante puisqu’il n’existait pas au sens procédural. Il s’agissait juste d’une (bonne) pratique.

De longue date d’ailleurs, la jurisprudence avait considéré que le juge devait se prononcer sur l’ensemble des prétentions et moyens contenus dans les conclusions, alors même que ces moyens et prétentions n’étaient pas repris dans le dispositif.

Le « décret Magendie » a consacré la pratique du dispositif, en lui donnant une portée comparable à celle du jugement, à ceci près que l’erreur ou l’omission matérielle dans le dispositif connaîtra une sanction bien plus sévère. En effet, l’article 954 al. 2 du CPC en sa rédaction issue du décret de 2009 précise que « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ». C’est le dispositif récapitulatif des prétentions.

La rédaction du dispositif des conclusions méritera donc qu’un soin particulier lui soit apporté. Toutefois, l’excès de prudence aboutit parfois, et trop souvent, à la rédaction de dispositifs dans lesquels figure bien plus que les seules prétentions.

Cela étant, la distinction entre prétentions et moyens n’est pas toujours bien appréhendée, ce qui aboutit à insérer dans le dispositif non seulement les prétentions, mais de simples moyens, voire des éléments de fait.

La sanction de l’omission d’une prétention dans le dispositif récapitulatif sera particulièrement redoutable dès lors que la Cour ne se prononcera pas sur cette prétention. Cette sanction impose donc une rigueur particulière pour éviter toutes difficultés en terme de responsabilité. Le décret du 6 mai 2017 a davantage encadré la rédaction des conclusions, prévoyant que les écritures contiennent une partie « discussion » récapitulative des moyens et prétentions. Et si un moyen ne figure pas dans cette partie, la cour n’y répondra quand bien même le dispositif contiendrait la prétention.

Les conclusions en appel sont donc extrêmement encadrées, et il faut retenir qu’elles doivent nécessairement contenir une partie discussion récapitulative des moyens et prétentions outre un dispositif récapitulatif des prétentions.

Mais il n’est pas (encore ?) prévu le nombre de pages, la police de caractère, la typographie, l’espacement des interlignes voire la couleur des titres.

Les délais d’instruction en appel

Le titre du rapport à l’origine des décrets de 2009 et 2017(« célérité et qualité de la justice devant la cour d’appel ») pouvait laisser espérer la mise en place effective d’une instruction plus rapide pour une réduction des délais devant les cours d’appel.

Il n’en est rien.

Il est certain que ces dispositions permettent une mise en état plus rapide des dossiers, les dossiers étant souvent en état sur le plan procédural (conclusions, significations, assignations), sauf aide juridictionnelle, en moins de six mois, voire en neuf mois en cas d’appel incident.

Pour autant, ni le décret de 2009 ni celui de 2017 n’ont permis de réduire les délais actuels devant les cours d’appel.

En revanche, ces décrets de 2009 et 2017 ont permis à la procédure d’appel de passer comme première cause de sinistre, et donc de responsabilité, pour la profession d’avocat.

Devant les cours d’appel, les délais ne résultent pas d’une lenteur de l’instruction, mais plus vraisemblablement d’un manque de moyen, et notamment de magistrats et de personnels de greffe.

Les dossiers sont mis en état beaucoup plus rapidement, mais ces dossiers, en état procédural, ne sont pas audiencés avant plusieurs mois, voire plusieurs années.
Ce décret n’a donc eu aucune influence sur la durée globale des procédures d’appel.
Mais il est vrai néanmoins que ponctuellement, pour un dossier ayant subi une caducité d’appel ou une irrecevabilité d’appel, le délai en appel a pu se trouver réduit dans des conditions satisfaisantes pour la partie intimée qui ne verra alors que des bénéfices à cette réforme des procédures en appel.

La communication électronique en appel

Le décret du 9 décembre 2009 prévoit, à peine d’irrecevabilité, la remise des actes de procédure à la juridiction par voie électronique (art. 930-1 du CPC).
Depuis le 1er septembre 2011, et sous peine d’irrecevabilité, les déclarations d’appel et les actes de constitution d’avocat sont effectués par voie électronique. Cette obligation de communiquer par voie électronique s’est élargie à tous les actes de procédure au 1er janvier 2013.

Sauf cause étrangère, et sauf exceptions, la remise papier n’est pas recevable, et la sanction est l’irrecevabilité.
Pour tous les autres actes de procédure, cette obligation – sous peine d’irrecevabilité – existe depuis le 1er janvier 2013.
C’est l’arrêté du 30 mars 2011, modifiés à plusieurs reprises, qui constitue l’arrêté technique pour la communication électronique lorsque la procédure en appel est avec représentation obligatoire.

En savoir davantage sur la procédure en appel…

Il ne s’agit pas, dans le cadre de ce site internet, d’être complet sur la procédure en appel, ou plus exactement sur les procédures d’appel (circuit ordinaire, circuit court ou bref délai, renvoi de cassation, appel en matière d’exception d’incompétence).

Pour des précisions sur ces procédures, vous pouvez contacter le cabinet, ou acquérir un guide comme le Procédures d’appel, édité par Dalloz dans la collection Delmas express.

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