Il s'agit de projets.

Rapidement, je mets ce qui affecte la procédure civile, et je graisse ce qui me paraît important.


Projet d’ordonnance portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété

L’ordonnance adapte la procédure civile pour permettre autant que possible le maintien de l’activité des juridictions civiles, sociales et commerciales malgré les mesures d’urgence sanitaire prises pour ralentir la propagation du virus Covid-19.

A cette fin, l’ordonnance permet à la juridiction de statuer à juge unique en première instance comme en appel dès lors que l’audience de plaidoirie, la clôture de l’instruction ou la décision de statuer selon la procédure sans audience aura eu lieu pendant la période et mentionnée à l’article 1 .

Cette règle ne sera pas applicable devant le tribunal de commerce où les affaires relèveront d’un juge chargé de l’instruction de l’affaire, qui rapportera à la formation collégiale (ce qui est déjà possible dans le contentieux général du tribunal de commerce et qui se trouve étendu aux procédures collectives). Elle ne sera pas non plus applicable devant le conseil de prud’hommes, qui pourra néanmoins statuer en formation restreinte de deux conseillers, l’un appartenant au collège salarié, l’autre au collège employeur (article 5).

L’ordonnance simplifie les modalités d’échange des écritures et des pièces des parties et prévoit que le président de la juridiction peut décider que les débats se dérouleront en publicité restreinte et, si nécessaire, en chambre du conseil, c'est-à-dire hors la présence du public (article 6).

L’article 7 prévoit la possibilité d’audiences dématérialisées. Ainsi, les audiences pourront, en première instance comme en appel, avoir lieu par visio-conférence. En cas d’impossibilité de recourir à un tel moyen, le juge pourra décider d’entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique. Dans tous les cas, le moyen utilisé devra permettre de s’assurer de l’identité des parties et garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats.

Lorsque la représentation par avocat est obligatoire ou que les parties sont représentées ou assistées par un avocat, la juridiction pourra également statuer sans audience et selon une procédure écrite ; les parties ne pourront pas s’y opposer lorsque la procédure est urgente (article 8).

Pour éviter l’engorgement des audiences de référé maintenues, la juridiction pourra en outre, par ordonnance non contradictoire, rejeter une demande irrecevable ou qui n’en remplit pas les conditions (article 9).

Les décisions rendues pourront être portées à la connaissance des parties par tout moyen (article 10), sans préjudice des règles de notification des décisions.


Ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période

La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 du 23 mars 2020 habilite le Gouvernement à prendre dans un délai de trois mois à compter de sa publication, toute mesure relevant du domaine de la loi pouvant entrer en vigueur à compter du 12 mars 2020, afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation du covid-19 et des mesures pour limiter cette propagation (titre II art. 11, I, 2°).

Le projet d’ordonnance joint au présent rapport porte sur l’aménagement des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et sur l’adaptation des procédures pendant cette même période.

Le titre Ier est consacré aux dispositions générales sur la prorogation des délais.

L’article 1er précise quels délais sont concernés par les dispositions de l’ordonnance : ceux qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, et le cas échéant prorogé, sur le fondement des articles L. 3131-20 à L. 3131-22 du code de la santé publique.

Sont exclus de ce périmètre : les délais applicables en matière pénale, procédure pénale, ainsi qu’en matière d’élections régies par le code électoral, ceux encadrant les mesures privatives de liberté, les délais concernant les procédures d’inscription à une voie d’accès de la fonction publique ou à une formation dans un établissement d’enseignement, les obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier ainsi que les conventions conclues dans le cadre d’un système de paiement et systèmes de règlement et de livraison d'instruments financiers mentionné à l’article L. 330-1 du même code, ainsi que les délais et mesures aménagés en application de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie.

L’article 2 explicite le mécanisme de report de terme et d’échéance : pour les actes, actions en justice, recours, formalités, inscriptions, déclarations, notifications, ou publications prescrits par la loi ou le règlement, à peine de nullité, sanction, y compris désistement d’office, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui devaient être réalisés dans la période mentionnée à l’article 1 , les délais sont prorogés à compter de la fin de cette période, pour la durée qui était légalement impartie, mais dans la limite de deux mois.

Il en est de même pour les paiements prescrits par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit.

Ainsi, l’ordonnance ne prévoit pas de supprimer la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans la période visée ; elle permet simplement de considérer comme n’étant pas tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti.

La précision selon laquelle sont concernés par les dispositions de cet article les actes « prescrits par la loi ou le règlement » exclut les actes prévus par des stipulations contractuelles. Le paiement des obligations contractuelles doit toujours avoir lieu à la date prévue par le contrat. S’agissant des contrats, néanmoins les dispositions de droit commun restent applicables le cas échéant si leurs conditions sont réunies, par exemple la suspension de la prescription pour impossibilité d’agir en application de l’article 2224 du code civil, ou encore le jeu de la force majeure prévue par l’article 1218 du code civil.

Enfin, n’entrent pas dans le champ de cette mesure :

- les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020 : leur terme n’est pas reporté ;

- les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire : ces délais ne sont ni suspendus, ni prorogés.


A retenir, rapidement, la possibilité pour les juridictions de continuer à fonctionner malgré le confinement.

Ainsi, notamment, la possibilité pour toute juridiction, lorsque la représentation est obligatoire, ou que les parties sont effectivement représentées (ou assistées) par un avocat, de passer par une procédure sans audience.

Rappelons au passage que la procédure sans audience est déjà entrée dans le code de procédure civile, en première instance, avec le décret du 11 décembre 2019.

Il est également possible de prévoir une audience dématérialisée d'un genre nouveau, avec même la possibilité de plaider... par téléphone.

Tout cela est opportun en ce que ça laisse la possibilité aux juridictions de continuer à fonctionner, tout en permettant au juge et à l'avocat de respecter les règles de distanciation.

Le "baveux" n'ira donc pas contaminer le juge par sa plaidoirie.

C'est une bonne chose !


Concernant les délais, c'est un peu plus difficile à comprendre.

La certitude est que le point de départ est rétroactivement fixé au 12 mars 2020. Et bien évidemment, le terme est à ce jour inconnu mais il est fixé à un mois de la fin de la crise... que nous espérons au plus tôt...

"(...) pour les actes, actions en justice, recours, formalités, inscriptions, déclarations, notifications, ou publications prescrits par la loi ou le règlement, à peine de nullité, sanction, y compris désistement d’office, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui devaient être réalisés dans la période mentionnée (...)".

Perso, j'y comprends rien à cette rédaction !

J'essaie donc d'en comprendre l'esprit, et je suppose que toute diligence procédurale susceptible d'entraîner une nullité, une caducité, une irrecevabilité, il y a un report de la date à laquelle cette diligence devait être effectuée.

Mais cela suppose que la diligence procédurale devait perte effectuée dans le délai de crise. En d'autres termes, par exemple si un appel est inscrit ce jour, et que la crise (mois supplémentaire compris) est inférieure à trois mois, l'appelant disposera d'un délai de trois mois pour conclure, sans report de date. Il en va de même de l'intimé qui reçoit ce jour notification des conclusions de l'appelant.

Si un délai de péremption tombe dans la période de crise, il y a un report du terme. Il faudra y penser pour les péremptions qui tomberont en mars 2022, et voir si la diligence procédurale de ce jour fait courir le même délai de deux ans, ce que je crois.

Mais attention, la prorogation est limitée dans le temps, car elle ne peut dépasser deux mois.

Un appel formé le 11 mars a pour date de "908" le 11 juin 2020.

Il est aujourd'hui impossible de savoir s'il sera concerné par une prorogation.

Si un appel devait être formé au plus tard le 12 mars, ce délai est prorogé durant la crise. Mais jusqu'à quand ? A priori, comme en matière d'interruption, la partie bénéficiera du même délai d'un mois à l'issue de la crise pour faire son appel.

Mais "l’ordonnance ne prévoit pas de supprimer la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans la période visée ; elle permet simplement de considérer comme n’étant pas tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti", de sorte qu'il est possible (et même conseillé) de procéder à la formalité durant la période de crise : appel du jugement, notification et remise des conclusions, etc.

Le déféré de l'ordonnance de mise en état est également concerné, ce qui est important car le délai est de quinze jours impératif et qu'il ne s'agit pas d'un recours.

Voilà en vrac ce que nous pouvons retenir en l'état.

Immanquablement, tout cela sera source d'interprétation. Il y aura des loupés, probablement.

Le mieux, dans la mesure du possible, est de continuer à procéder aux diligences procédurales.

C'est la raison pour laquelle, nonobstant ces mesures, nous continuons à remettre et à notifier les conclusions, à inscrire les appels, à régulariser les actes de constitution.

Bon courage à vous, et prenez soin de vous et de vos proches.


Mise à jour de 13 heures :

Mesures de procédure civile en Covid-19 : interruption ou suspension ??? 🤔

Mesures de procédure civile en Covid-19 : interruption ou suspension ???

On peut s'interroge sur les raisons pour lesquelles le projet d'ordonnance ne fait pas état de l'interruption ou de la suspension, qui sont des termes que nous connaissons bien en procédure.

J’en entends pester 🤬

Une suspension est un peu raide, en ce que le délai ne court alors que pour le temps restant : la clepsydre, momentanément mise à l'horizontale, est retournée !

Quant à l'interruption, il s'agit du même délai qui court alors.

Mais alors, ce qui est dérangeant, c'est cet article 372 du CPC.

Qui a envie que ces actes de procédures effectués durant la crise soient non avenus 😱 ?

Pas moi en tous les cas.

Donc, ne râlons pas !

Il est heureux qu'il ne s'agisse ni d'une interruption, ni d'une suspension.

Il faut retenir que c'est le terme pour accomplir la diligence procédurale qui est prorogé.

Une interruption Canada Dry !

Ce qui est curieux, c’est que l’on va pouvoir se retrouver probablement, avec des délais 908 très différents selon que la déclaration d’appel aura été formée le 11 mars ou le 12 mars.

Tout dépendra de la durée de la crise.

Pas simple tout ça… 🤯

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Excellente synthèse à ce jour ... plus qu'à surveiller la fin du délai de prorogation puisque le départ de celle-ci est assez bien fixé ...