Ce n’est pas moins de deux arrêts que la Cour de cassation a rendu sur la question de la demande d’infirmation dans le dispositif des conclusions.
Évidemment, la deuxième garde le cap : il faut demander l’infirmation, faute de quoi c’est la confirmation ou la caducité.
Mais cet arrêt apporte des éléments intéressants (Civ. 2e, 11 septembre 2025, n° 23-10.333, P) :
« 9. Il est jugé, depuis un arrêt du 17 septembre 2020, qu'il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié).
(…)
11. Il est encore jugé que l'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954 et qu'il résulte de ce dernier texte, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel.
(…)
13. Ces règles, qui s'appliquent dans les procédures dans lesquelles les parties sont nécessairement représentées par un avocat, professionnel du droit se devant d'être informé des évolutions de la jurisprudence, n'imposent aucun formalisme excessif de nature à priver les parties de leur droit d'accès au juge, l'application différée résultant de l'arrêt du 17 septembre 2020 aux seules déclarations d'appel postérieures à cette date ayant eu précisément pour objet de la rendre prévisible pour les parties et de ne pas les priver de ce droit.
(…)
15. Il ajoute qu'en vertu des dispositions de l'article 910-1 du code de procédure civile, seules les conclusions notifiées par les parties dans le délai de trois mois qui leur est imparti par l'article 908 du même code déterminent l'objet du litige devant la cour d'appel, les appelants n'étant pas fondés à soutenir que leurs conclusions ultérieures ont valablement saisi la cour d'appel d'une demande de réformation, pas plus qu'ils ne peuvent prétendre que la demande de réformation était implicitement contenue dans leurs premières conclusions.
16. Il retient ensuite que le droit des appelants d'accéder au juge n'a pas été entravé. »
Il n’est peut-être pas inutile de souligner que « le dispositif des conclusions de l'appelant (…) doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation ».
Le « expressément » exclut toute demande implicite. Et on pense alors à ces formulations curieuses, qui fleurissent depuis peu consistant à demander de « confirmer le jugement sauf en ce qu’il a (…) », lorsqu’il s’agit d’un appel incident.
L’apparition de cette formulation est étonnante et a surgi subitement, pour être reprise par les uns et pas les autres.
Mais d'où sort-elle ? Qui a eu la bonne idée de conseiller cette formulation ? Et pour quelle raison a-t-elle été reprise bêtement ?
Mais le « sauf en ce que » ne peut pas être regardé comme une demande expresse d’infirmation.
Au surplus, cette formule s’adapte peut-être à une demande reconventionnelle, pour laquelle elle peut opportunément être reprise, mais pas pour un appel incident.
L’autre point intéressant est que cette erreur ne se corrige pas avec des conclusions ultérieures.
Les conclusions qui déterminent l’objet du litige, régularisées dans le délai pour conclure, doivent contenir cette demande.
Passé le délai pour conclure, c’est trop tard !
Et les confrères et consœurs qui constatent que l’appelant a commis cette erreur veilleront à le soulever seulement lorsque le délai pour conclure aura expiré.
Et à ce propos, il ne faut négliger les éventuels délais de distance.
Donc, il faut éviter de dégainer trop tôt, ce qu’en pratique, on peut constater.
Je l’ai vu récemment avec une consœur mise en difficulté sur ce point, et un adversaire qui a voulu se faire plaisir prématurément, laissant à la consœur la possibilité de se refaire… avec comme conséquence que la responsabilité passe d’un côté à l’autre : si initialement, c’est l’appelant qui pouvait voir sa responsabilité engagée pour avoir omis cette mention, c’est désormais l’avocat de l’intimé qui engage sa responsabilité pour avoir saboté un excellent moyen de procédure. Dans ce cas, la perte de chance sera facile à déterminer : si l’intimé avait soulevé son moyen de procédure de manière efficace, la cour d’appel n’aurait pas réformé le jugement…
Par ailleurs, cette demande d’infirmation est contenue dans le dispositif et lui-seul : il est indifférent que l’appelant l’ait demandé dans les motifs de ses conclusions.
Personne n’a à deviner ce que veut l’appelant, même si cela ne fait aucun doute.
Il faut demander, dans le dispositif des conclusions remises dans le délai pour conclure, l’infirmation ou l’annulation, et c’est tout !