Voilà un cas pratique que l’on pourrait proposer à l’entrée au centre de formation des avocats, concernant une nullité, pour irrégularité, et le moment pour la couvrir (Civ. 2e, 11 septembre 2025, n° 23-10.564) :

« 7. Selon le second, dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

8. Il en découle que l'irrégularité d'un acte introductif d'instance devant une juridiction peut être couverte jusqu'au moment où le juge saisi de cette instance statue.

9. Pour confirmer l'ordonnance ayant constaté la régularité de l'assignation, l'arrêt retient, d'une part, par motifs adoptés, que l'assignation devant le tribunal judiciaire de Libourne précise que les requérants ont pour avocat constitué M. Ballade, avocat au Barreau de Bordeaux et pour avocat plaidant, M. Duffort, avocat au Barreau de Tarbes, et, d'autre part, par motifs propres, qu'au jour de l'audience tenue devant la cour d'appel, Mme Lindagba Mba, avocate inscrite au barreau de Bordeaux, est seul conseil intervenant, donc maître de l'affaire et plaidant, qu'ainsi la procédure a été régularisée.

10. En statuant ainsi, alors que l'irrégularité de l'assignation devant le tribunal judiciaire ne pouvait être régularisée au cours de l'instance d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Que dire de plus ?

L’irrégularité affectait la première instance, de sorte que le juge a statué par le jugement dont appel.

En conséquence, l’irrégularité ne pouvait plus être couverte en appel.

Il était trop tard.

Ce n’est que l’application de l’article 121.

Au-delà, cet arrêt appelle notre attention sur un autre point.

Il se trouve que devant le juge des référés, devant lequel il existe désormais une représentation obligatoire, et une territorialité de la postulation, il y avait deux avocats : un avocat plaidant, du barreau de Tarbes dépendant de la cour d’appel de Pau, et un avocat postulant, du barreau de Libourne, dépendant du barreau de Bordeaux. Le juge saisi était celui de… Bordeaux.

Alors, oui, le postulant était dans le ressort de la cour d’appel de Bordeaux.

Mais il n’était pas, au sens de la loi de 1971, maître de l’affaire, puisqu’il était postulant.

S’il avait eu le mandat de représentation, et le mandat exclusif d’assistance, cela n’aurait posé aucun problème.

Seulement, lorsque l’avocat postulant n’est pas du barreau de la juridiction, ce mandat d’assistance ne peut pas se partager avec le postulant… même si dans le même temps, temps l’article 413 nous dite que le mandat de représentation emporte celui d’assistance et que l’article 414 admet la multi assistance.

Mais la loi de 1971 pose un principe qui ne repose sur aucune logique, quelle qu’elle soit : l’avocat postulant doit soit être du barreau de la juridiction, en l’espèce celui de Bordeaux, soit être maître de l’affaire.

C’est absurde, mais c’est ainsi.

Ainsi, je ne peux pas postuler devant le tribunal judiciaire de Quimper pour un confrère parisien, mais le confrère quimpérois peut postuler devant la cour d’appel de Rennes pour le même confrère parisien.

En revanche, la loi de 1971 ne prévoyant de territorialité que pour le tribunal judiciaire, je peux donc représenter une partie devant le tribunal de commerce de Quimper.

Pour rappel, en passant, le cabinet postule devant toutes les cours d’appel en matière prud’homale. Et je remercie les nombreux confrères et consœurs qui nous font confiance, et pour lesquels nous intervenons devant toutes les cours d’appel.

Pour en revenir à nos moutons bordelais, il importait peu que devant la cour d’appel, de Bordeaux, l’avocat représentant la partie était maître de l’affaire.

Pour souligner l’incohérence de l’usine à gaz, l’avocat de Libourne, qui ne pouvait pas postuler pour l’avocat de Tarbes devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aurait pu, en revanche, postuler devant la cour d’appel de Bordeaux pour cet avocat de Tarbes. C’est profondément absurde…

Auteur: 
Christophe Lhermitte