On pourrait y voir une confirmation pleine et entière d’une jurisprudence déjà affirmée par ailleurs, et que j’ai contesté car je la trouvais contestable.

Cet arrêt me convient davantage (Cass. 2e civ., 9 juin 2022, n° 21-12.974, Publié au bulletin) :

« Vu les articles 909 et 911 du code de procédure civile :

5. Selon le premier de ces textes, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour former le cas échéant appel incident. Aux termes du second, les conclusions sont signifiées, au plus tard dans le mois suivant l’expiration des délais prévus aux articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, aux parties qui n’ont pas constitué avocat. Cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à avocat.

6. Il en résulte que l’appel incident formé par un intimé contre un co-intimé défaillant est valablement formé par la signification de conclusions et n’a pas à revêtir la forme d’une assignation.

7. Pour déclarer irrecevable l’appel incident formé par M. [R] contre le chef du jugement l’ayant débouté de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la société [H], l’arrêt retient que les articles 68 et 551 du code de procédure civile prévoient, à peine d’irrecevabilité, que l’appel incident ou provoqué doit être formé par voie d’assignation lorsqu’il est dirigé contre une partie défaillante, que la société [H], partie intimée dans l’acte d’appel principal, a constitué avocat le 9 décembre 2019 et que l’appel incident dirigé contre elle, partie défaillante à l’appel incident, et formé par conclusions remises au greffe le 14 novembre 2019, doit être déclaré irrecevable.

8. En statuant ainsi, alors que la société [H] avait été régulièrement intimée par l’appelant, et que M. [R], qui formait un appel incident contre elle, n’était donc tenu que de lui signifier ses conclusions d’appel incident dans les délais requis et non de l’assigner à comparaître, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré irrecevable l’appel incident formé »

 

Mais marque-t-il une rupture avec le précédent arrêt de cassation ?

On pourrait le penser car il est publié, ce qui démontre qu’il apporte autre chose, non ?

Pour ma part, j’y vois une précision qui a son importance, et qui précisément pourrait répondre à la critique que je formulais.

Il y est indiqué que l’intimé a été régulièrement intimée par l’appelant.

On peut penser que cette régularité signifie que l’intime est régulièrement cité par l’appelant.

Il lui a donc déjà été dit qu’il devait constituer avocat, et quel risque il prenait.

Cela étant, nous savons aussi que parfois, l’intimation est large, trop large. L’appelant intime donc, régulièrement, un intimé à qui il ne demande rien.

Les conclusions lui sont néanmoins signifiées, mais l’intimé ne bouge pas, car il n’a rien à dire.

Mais ce même intimé, sur appel principal, peut avoir intérêt à bouger sur un appel incident. Et la Cour de cassation vient de nous dire, ce même 9 juin 2022, que son délai 910 (réponse à l’appel incident) n’est pas lié à son délai 909 : il peut ne pas respecter celui-ci, alors qu’il pourra conclure en réponse à l’appel incident.

Mais alors, si nous revenons à notre intimé de tout à l’heure, il recevra des conclusions d’appel incident, sans que l’acte de l’huissier ne l’invite à comparaître, et sans que ne soit indiqué son délai pour conclure.

Bien entendu, il a été précédemment cité, mais ses droits sont-ils véritablement respectés ?

Perso, j’en doute un peu, et je reste critique sur cette position de la Cour de cassation qui, à mon avis, s’assoit sur l’article 68 qui prévoit une « assignation ».

Je campe donc sur ma position. J’estime qu’une assignation est préférable.

J’invite donc les confrères, consoeurs, huissiers, à envisager la signification de conclusions contenant un appel incident contre un intimé défaillant à procéder par assignation, ce qui au surplus correspond à un acte d’huissier au coût moins élevé.

C’est pas que je fais ma mauvaise tête, mais je n’arrive à être convaincu que cette position s’impose.

Ah oui ! L’intimé devra s’assurer que l’intimé a été régulièrement intimé… N’est-il pas plus simple de prévoir une assignation ???

Auteur: 
Christophe LHERMITTE