Cet arrêt, publié, nous apporte une précision intéressante, qui n’était pas si évidente (Cass. 2e civ., 17 nov. 2022, n° 21-13.524, Publié au bulletin) :

« 9. Si l’article 911-1 du code de procédure civile interdit, en son alinéa 3, à l’appelant, dont la déclaration a été frappée de caducité ou dont l’appel a été déclaré irrecevable, de réitérer un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie, et prohibe, en son alinéa 4, à l’intimé qui n’a pas formé d’appel incident ou provoqué dans les délais requis ou dont l’appel incident ou provoqué a été déclaré irrecevable de former un appel principal, il ne fait pas obstacle à ce que l’appelant, dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité, devenu intimé sur un appel principal limité du même jugement, de critiquer à nouveau la disposition du jugement lui faisant grief, en formant un appel incident.
10. Cependant, il résulte des articles 548 et 550 du code de procédure civile que lorsqu’un jugement contient plusieurs chefs distincts et qu’une partie interjette appel de l’un d’eux, l’intimé ne peut appeler incidemment des autres chefs contre un autre intimé que s’il existe, quant à l’objet du litige, un lien juridique entre toutes les parties.
»

Qu’un appelant qui a vu sa déclaration d’appel tomber par caducité, puisse se porter appelant incident, cela nous paraissait acquis.

Mais sauf erreur, c'est la 3e chambre de la Cour de cassation qui nous l'avait précisé. Il ne me semble pas que la Cour de cassation avait eu l'occasion de se prononcer dans le même sens. C'est désormais chose faite, et c'est donc cet arrêt de la deuxième chambre que nous pourrons citer.

Nous ne critiquerons pas cette solution, qui nous paraît de bon sens.

Mais prenons garde de ne pas faire dire à cet arrêt ce qu'il ne dit pas.

En l'espèce, c'est une caducité qui a frappé l'acte d'appel, non une irrecevabilité.

La solution sera-t-elle identique lorsque la déclaration d'appel aura succombé par irrecevabilité ?

J'en doute fort, mais alors très fort !

Rappelons, en effet, que quand il s’est agi de se prononcer sur l’application de l’arrêt du 17 septembre 2020 à l’intimé appelant incident, la Cour de cassation nous a rappelé qu’un appel incident est un appel à part entière. Il en est de même lorsqu’il s’agit d’un appel incident tardif, que les juges doivent relever d’office car il s’agit de l’exercice d’une voie de recours.

Nous pouvions donc considérer que l’irrecevabilité de l’appel (principal) entraîne l’irrecevabilité de l’appel (incident).

Nous verrons ce qu'en dira la Cour de cassation lorsqu'elle sera saisie, mais je suis prêt à miser sur une irrecevabilité de l'appel incident de la partie dont l'appel a été déclaré irrecevable (je ne suis pourtant pas joueur).

Mais attention, par ailleurs. Lorsque cette possibilité existe, elle a ses limites : il faut un lien juridique entre toutes les parties.

Hors de question de se rattacher à l’importe quel appel pour se porter appelant incident à tout-va. Et cela, ce n’est pas spécialement nouveau. L’appel incident, l’appel incident provoqué, sont enfermés dans certaines conditions.

J’ai d’ailleurs sur le feu un incident en ce sens. J’attends seulement que l’intimé appelant incident soit forclos pour saisir de cet incident d’irrecevabilité d’appel provoqué… en attendant ?

 

Auteur: 
Christophe Lhermitte