Il est rare qu'il soit fait application de l'article 549 du CPC, dont l'existence même a certainement échappé à bon nombre d'entre nous concernant la partie qui nou sintéresse ici.

D'ailleurs, dans ma pratique, je n'ai pas souvenir l'avoir déjà invoqué...

Pour rafraîchir, la mémoire, l'article 549 prévoit que "L'appel incident peut également émaner, sur l'appel principal ou incident qui le provoque, de toute personne, même non intimée, ayant été partie en première instance".

Le texte est court, mais il est tout de même complexe.

Il permet à une partie non intimée, donc un tiers à l'instance d'appel, de se porter néanmoins appelant.

Ce n'est pas un appelant lambda, mais un appelant provoqué.

Il devient appelant car cet appel est provoqué.

Une fois que j'ai dit ça, c'est toujours aussi incompréhensible, et l'on devine difficilement les cas concernés.

Et c'est vrai que l'on peut s'interroger dans quelle mesure une paryie qui n'est pas concernée par l'instance d'appel, n'étant intimée, pourrait se retrouver menacée par l'appel sur lequel elle n'est pas intimée.

Mystère...

Et ne comptez pas sur moi pour lever le brouillard.

Concrètement, aucun exemple ne me vient à l'idée.

Si cette partie n'est aps contente du jugement, elle en fait appel, à titre principal. Et on n'en parle plus !

Mais encore faut-il que cet appel soit fait dans le délai d'appel.

Si ce délai est dépassé, la partie peut alors songer à se rattraper par cet appel dit provoqué.

Mais il ne sera pas toujours possible de se prévaloir de l'article 549 pour se dégager d'une tardiveté d'appel.

Car cet appel, qui n'est pas principal, devra être provoqué.

Il est provoqué par un appel principal, ou incident/provoqué, qui menace la situation de cette partie.

Imaginons peut-être que le sort d'une partie de première instance peut être aggravée si l'appel (principal ou incident) d'une autre partie prospère (c'est terrible le pouvoir de la pub, car je ne peux utiliser ce mot sans penser à "you pa bloum"...). Cette menace ouvrira cet appel.

Il y a donc des conditions à remplir, ce qui explique que ce texte ne prenne pas souvent l'air.

C'est ce qui est arrivé à notre appelant provoqué (Cass. 3e civ., 3 déc. 2020, n° 19-23.577) :

« 8. La société C D et le syndicat des copropriétaires font grief à l’arrêt de déclarer irrecevable « l’appel incident » formé par le syndicat des copropriétaires, alors « que l’appel incident ou provoqué peut émaner de toute personne ayant été partie en première instance, quand bien même elle n’aurait pas été intimée en appel ; qu’en l’espèce, la société Y et la société Z ont, par acte du 1er juin 2018, interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Tours du 15 mai 2018 ; qu’en cet état, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé […], partie en première instance, était recevable à former un appel provoqué par voie de conclusions, sollicitant de voir ordonnée, sous astreinte, la dépose du système de climatisation installé sur le toit, peu important qu’il n’ait pas été intimé par l’appel des sociétés Y et Z ; qu’en jugeant l’appel incident du syndicat des copropriétaires irrecevable faute pour ce syndicat d’avoir été intimé par les sociétés Y et Z, la cour d’appel a violé les articles 549 et suivants du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. Il résulte des dispositions de l’article 549 du code de procédure civil que, pour être recevable, un appel incident formée par une personne non intimée ayant été partie en première instance doit avoir été provoqué par un appel principal ou incident.
10. La cour d’appel a relevé que le syndicat des copropriétaires n’avait pas la qualité d’intimé. Par ailleurs, la demande formée par celui-ci était sans lien avec celle formée par les appelantes, de sorte que son appel incident n’avait pas été provoqué par l’appel principal.
11. Il en résulte que l’appel incident formé par le syndicat des copropriétaires était irrecevable.
»

J'en profite pour rappeler qu'une partie non intimée, qui voudrait aller en appel, est limitée dans sa marge de manoeuvre.

Si elle n'a pas succombé, l'appel principal ne lui est pas ouvert, faute d'intérêt (CPC, art. 546).

Elle ne peut évidemment pas "intervenir", ce qui est souvent oublié. En effet, l'intervention en appel ne suppose pas d'être un tiers à l'instance d'appel, mais un tiers à l'instance, ce que n'est aps celui qui était partie devant le premier juge.

Lui reste donc seulement l'appel provoqué, ce qui suppose qu'il soit effectivement "provoqué".

Ainsi, une partie qui profite d'un jugement de condamnation non revpetu de l'exécution provisoire, devra attendre la fin d'une instance d'appel à laquelle elle est étrangère.

Cet arrêt était l'occasion de parler rapidement de cette notion d'appel incident et d'appel provoqué (qui est une forme d'appel incident).

Ces notions sont souvent incomprises. Très souvent, on s'en tient à des définitions partielles, et même partiellement inexactes.

Il est par exemple faux d'affirmer qu'un apppel provoqué est nécesairement dirigé contre un tiers à l'instance d'appel. De même, un appelant principal peut lui-même être appelant provoqué, contre un intimé mais également contre une partie qui n'était pas intimée sur son propre appel.

Les procédures peuvent alors devenir assez complexes. Mais c'est ça qui est bien, non...

Auteur: 
Christophe Lhermitte