Alors, là, on est tombé sur des champions ? !

Je suis dépité et révolté lorsque je lis ce genre de décision ? (Cass. 2e civ., 3 mars 2022, n° 20-19.149) :

« Vu l’article 748-6 du code de procédure civile, l’article 1er du décret n° 2010-434 du 29 avril 2010 relatif à la communication par voie électronique en matière de procédure civile, applicable jusqu’au 30 décembre 2018, et les articles 18 et 20 de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel :
5. Il résulte du deuxième de ces textes, que vaut signature, pour l’application des dispositions du code de procédure civile aux actes que les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties notifient ou remettent à l’occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés, l’identification réalisée, lors de la transmission par voie électronique, selon les modalités prévues par les arrêtés ministériels pris en application de l’article 748-6 du code de procédure civile.
6. Selon le premier de ces textes, dans sa version alors applicable, les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l’identification des parties à la communication électronique, l’intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d’établir de manière certaine la date d’envoi et celle de la réception par le destinataire.
7. Aux termes du troisième, la sécurité de la connexion des auxiliaires de justice au RPVA est garantie par un dispositif d’identification. Ce dispositif est fondé sur un service de certification garantissant l’authentification de la qualité de l’auxiliaire de justice personne physique, au sens des décrets des 30 mars 2011 et 29 avril 2010 susvisés. Le dispositif comporte une fonction de vérification de la validité du certificat électronique. Celui-ci est délivré par un prestataire de services de certification électronique agissant au nom du Conseil national des barreaux, autorité de certification.
8. Selon le quatrième, l’adresse de la boîte aux lettres sécurisée de l’auxiliaire de justice est hébergée par un serveur de messagerie. L’utilisation de cette adresse de messagerie couplée à l’utilisation du certificat électronique permet de garantir l’identité de l’auxiliaire de justice en tant qu’expéditeur ou destinataire du courrier électronique.
9. Pour déclarer irrecevables les conclusions remises par les appelants, l’arrêt retient notamment qu’un document dépourvu de signature n’a pas valeur de conclusions, et que le document notifié via le RPVA le 20 décembre 2017 ne comporte pas la signature de l’avocat des consorts [M] [O] et qu’il ne peut donc valoir conclusions.
10. En se déterminant ainsi, alors que ces conclusions, qui avaient été notifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 20 décembre 2017, devaient être regardées comme signées par l’avocat à l’origine de cette notification, la cour d’appel a violé les principes susvisés.
»

Il s’est donc trouvé trois juges d’appel pour déclarer des conclusions d’appel au motif que… les conclusions ne sont pas signées… ??

Déjà, pour commencer, la Cour de cassation a précisé il y a quelques années de cela qu’un défaut de signature sur des conclusions relève de la nullité, pour vice de forme. De mémoire, il y a bien de cela une quinzaine d’années ? !!!

Surtout, et surtout, les conclusions ont été remises et notifiées par le RPVA ?

La signature est donc bien évidemment numérique.

Pas besoin de mettre un p’tit grigri ✍️ sur les conclusions comme le font bien inutilement certains confrères et consoeurs.

C’est peut-être beaucoup plus zoli, mais c’est de la manipulation sans le moindre intérêt sur le plan procédural.

J’imagine l’avocat qui a essuyé l’irrecevabilité, qui a dû expliquer à soin client pas content que la cour d’appel n’avait rien compris, et qu’il devait en conséquence se pourvoi en cassation ?, pour ensuite revenir devant les juges d’appel qui, enfin, pourtant se prononcer sur le fond de l’affaire. C’est un coup à perdre le client, qui se dit que son avocat est nul et qu’il se charge les juges pour ne pas assumer son erreur !!!

Vous allez rire, mais l’appel remonte à septembre 2017, et la cour d’appel avait mis près d’un an et demi pour rendre cet arrêt d’irrecevabilité.

Le problème de clôture (car au fond, c’est juste un problème de clôture) sera réglé fin 2023 si tout se passe bien.

Non, il n’y a aucun problème de dysfonctionnement…

Dire que tout cela serait évité si les juges d’appel n’avaient pas méconnu une règle de procédure qui est tout de même très très basique… ?

Auteur: 
christophe LHERMITTE