Un dossier un peu particulier, qui a connu des épisodes curieux de procédure, et qui finit précisément sur un problème de procédure.

C'est un dossier à trois parties, dans lequel je postule pour un confrère parisien, pour une partie qui ne demande rien d'autre que la confirmation du jugement.

L'autre intimé, en cours de procédure, nous avait fait un petit courrier assez drôle que je reproduis ci-dessous :

"Dans ce dossier, l’ordonnance de clôture est prévue pour le 5 janvier 2016, et les plaidoiries le 22 mars 2016.
Les dernières diligences effectuées sont des conclusions que j’ai prises le 18 octobre 2013.
Depuis cette date, soit depuis plus de 2 ans, aucune écriture n’a été enregistrée.
L’avis de fixation ne me paraît pas constituer une diligence des parties.
Dans ces conditions, il me semble que la caducité de la procédure doit être relevée d’office, sans que l’affaire n’ait à être clôturée ou plaidée."

 

Je ne ferai pas de commentaires particuliers, ce courrier se suffisant à lui-même.

Mais cette même partie - qui donc soulevait donc par ailleurs la caducité par péremption d'office, ou la péremption par caducité d'office, je ne sais pas trop... - , invoquait dans ses conclusions au fond deux moyens de procédure : l'irrecevabilité de l'appel, et l'irrecevabilité des conclusions.

Sur l'irrecevabilité de l'appel, la Cour d'appel de Rennes, à laquelle n'avait pas échappé l'arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 2016, répond en ces termes, après avoir rappelé l'article 914 du Code de procédure civile (CA Rennes, 16 juin 2016, 13/00779, réf. cabinet 100444) :

"Par voie de conséquence la demande tendant à voir constater l'irrecevabilité de la déclaration d'appel, présentée par Madame D... et Monsieur L... devant la cour et sans saisine préalable du conseiller de la mise en état est irrecevable"

Normal ! Mais comment peut-on soulever un tel moyen de procédure sans en saisir le magistrat de la mise en état ? Cela, je ne le comprendrai jamais.

 

Mais l'intimé avait également soulevé l'irrecevabilité des conclusions sur le fondement des articles 960 et 961 du CPC, au motif que la profession n'est pas précisée.

Et là, par une motivation à mon avis incontestable, la Cour d'appel de Rennes déclare les conclusions irrecevables, et donc l'appel non soutenu.

Et là, je me demande comment l'appelant a pu laisser un tel moyen sans réponse ?

Il lui suffisait, par exemple, de régulariser des conclusions n° 2 contenant cette précision. C'était tout. Mais non ! Même pas peur, l'irrecevabilité passera pas par moi...

 

S'il fallait donner un conseil, ce pourrait être de soulever systématiquement ce moyen de procédure dans les conclusions au fond, car il manque toujours une mention obligatoire. Ca paraît idiot, mais lorsque l'on voit que ça peut passer, pourquoi s'en priver ?

Jamais je n'aurais pu croire que ce moyen contenu dans les conclusions de l'autre intimé aurait pu aboutir. C'était impensable.

Et si, comme en l'espèce, la partie adverse ne fait rien, c'est l'irrecevabilité assurée, étant au besoin précisé que la notion de grief est inexistante, ne s'agissant pas de soulever une irrégularité de forme aboutissant à une nullité.

Je pense que, désormais, je vais davantage y penser, car il m'est démontré que ça peut passer.

 

Il ne reste plus qu'au confrère à expliquer à son client pour quelles raisons la Cour d'appel ne s'est pas penchée sur le fond du dossier.

Cela doit être un moment difficile que je souhaite ne pas vivre.

J'ose seulement espérer pour le confrère qu'il n'avait plus de nouvelles de son client, ce qui explique qu'il n'ait pas complété ses conclusions. Mais en l'espèce, j'en doute... Pis, je soupçonne que l'appelant, compte tenu de sa date de naissance, était sans profession... trop bête...

 

 

 

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE