Comme vu dans un précédent post, l'arrêté du 20 mai 2020 (Arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel) a abrogé les deux arrêtés techniques régissant la communication électronique en appel.

Petit état des lieux avec ce nouveau texte... important.


Rappel :

Rappelons que la communication par voie électronique est entrée dans le Code de procédure civile en... 2005 (décret du 28 déc. 2005).

C'est à lui, et plus précisément à son article 73, que nous devons le titre XXI du CPC concernant la communication électronique, et donc les articles 748-1 et suivants du CPC.

Et oui, déjà 2005 !

En cause d'appel, c'est d'abord l'arrêté technique du 5 mai 2010 qui a fait son entrée, pour les procédures d'appel sans représentation obligatoire.

Son champ d'application ne concernait alors que l'acte d'appel et l'acte de constitution, lesquels pouvaient, sans en faire obligation, être effectué sous forme électronique.

La Cour de cassation avait pu nous dire que ce la ne concernait QUE l'acte d'appel et l'acte de constitution, ce qui excluait notamment les conclusions. Je renvoie à cet arrêt de cassation, de mémoire de novembre 2016, qui avait prouvé la Cour d'appel d'avoir déclaré irrecevables les conclusions remises par voie électronique en matière d'expropriation.

Ce texte, relativement en avance, puisque la procédure avec représentation obligatoire n'avait pas encore son arrêté technique (sauf erreur), n'a toutefois jamais connu d'évolution (il me semble avoir écrit dans Dalloz Avocats pour demander une évolution de cet texte).

Pour la procédure d'appel avec représentation obligatoire, c'est l'arrêté technique du 30 mars 2011 qui s'appliquait.

Il en souvent été fait état sur ce blog.

Ce texte, initialement, concernait la seule déclaration d'appel. Cette remise par voie électronique avait été imposée dans certaines cours d'appel dès le 1er septembre 2011, à plein d'irrecevabilité. Avant le 1er septembre 2011, il était possible de le faire devant certaines cours, pour s'entraîner...

Pour les autres actes de procédure, il faudra attendre. C'était le cas pour les conclusions. D'ailleurs, sans se rendre compte du risque qu'ils prenaient, de nombreux confrères ont remis leurs conclusions par voie électronique alors que le texte ne le permettait pas encore.

Cet arrêté du 30 mars 2011 a donc connu des évolutions pour étendre les actes de procédure concernés.

Et dès le 1er janvier 2013, ce sont tous les actes de procédure, sans exceptions, qui relevaient obligatoirement de la communication électronique.

Je vous donne la version courte. C'est juste pour situer un peu, avant d'aborder les changements opérés avec l'arrêté du 20 mai 2020.

Disparition de "l'auxiliaire de justice"

Cela a fait l'objet d'un précédent post.

L'arrêt concerne l'avocat.

C'est le seul auxiliaire de justice qui communique de manière électronique avec la cour d'appel.

N'est pas concerné par cet arrêté le défenseur syndical qui continuera d'acheter des ramettes de papiers et des timbres. Faut bien faire marcher La Poste !

Nouveautés concernant la procédure d'appel avec représentation obligatoire

De ce que j'ai pu voir, l'arrêté du 20 mai 2020 est en gros une espèce de copié-collé de l'arrêté du 30 mars 2011.

Il n'y a pas de révolution concernant la procédure d'appel avec représentation obligatoire.

On fait donc comme avant.

Nouveautés concernant la procédure d'appel sans représentation obligatoire

Alors que l'arrêté de 2010 ne concernait que la déclaration d'appel et l'acte de constitution, il est désormais possible de remettre tous les actes de procédure par voie électronique.

C'est donc une grosse évolution

Mais attention, il n'y pas d'obligation de procéder de cette manière dans ces procédures.

Je rappelle que dans les procédures d'appel avec représentation obligatoire, c'est l'article 930-1 qui impose la communication électronique pour tous les actes de procédure, à peine d'irrecevabilité, non l'arrêté du 30 mars 2011.

La procédure d'appel sans représentation obligatoire n'a pas l'équivalent du 930-1.

Cela permettra dès aujourd'hui de remettre tout acte par voie électronique, qu'il s'agisse des écritures, d'une déclaration de saisine, d'un acte d'assignation, d'une requête, etc.

Cela aura des conséquences dans nos pratiques car j'avait l'habitude, au cabinet, de dire à mes assistantes de remettre les actes de procédure au format papier, notamment pour les appels "TASS" ou plus exactement provenant du pole social des TGI/TJ.

C'est un confort pour nous.

Et cela permet aussi de remettre les déclarations de saisine par voie électronique lorsque la déclaration d'appel initiale est antérieure au 1er août 2016, ce qui n'était pas le cas jusqu'alors.

Cet arrêté concerne aussi les appels en matière d'expropriation, les appels en matière disciplinaire, mais également le recours en matière d'INPI, etc.

Saluons donc cette avancée qui aura mis du temps.

Le premier président

Grosse révolution que cet arrêté concernant le premier président.

De nombreuses cours d'appel, dont la Cour d'appel de Rennes (notamment les chambres prud'homales) n'avaient toujours pas compris, alors que la Cour de cassation l'a dit et répété (notamment en novembre ou juin 2017, de mémoire), que la communication électrique n'existait pas devant le premier président, de sorte que c'est le papier qui s'imposait.

Ainsi, lorsqu'il s'agissait de remettre un acte de procédure au premier président, il fallait passer par la papier. Nous pensons à la requête premier président pour obtenir un jour fixe, à la remise de l'acte d'assignation devant le premier président, au recours devant le premier président en matière de taxation.

L'arrêté du 20 mai 2010 constitue donc l'arrêté technique qui régit désormais la communication électronique devant le premier président.

D'ailleurs, le seul fait que l'arrêté vise le premier président confirme bien, s'il le fallait, que le premier président n'avait pas son arrêté technique jusqu'alors.

En pratique, il était difficilement concevable de devoir passer par le papier lorsqu'il s'agissait de communiquer avec le premier président. Mais sur le plan procédural, j'avais fini par accepter cette position de la Cour de cassation qui se tenait, même si cela nous embêtait.

Mais attention, cela n'est aps encore possible.

Le texte prévoit une application au 1er septembre 2020.

Si d'ici là vous devez remettre une requête premier président, ou exercer un recours, il faudra penser au papier.

L'entrée en vigueur

Il est précisé à l'article 24 que le texte s'applique immédiatement, et concernera dons les instances en cours.

Mais il ne s'applique pas rétroactivement. Si donc vous avez remis vos conclusions en matière d'expropriation par voie électronique, c'est cuit si le délai pour conclure est expiré.

Et pour les actes de procédure remis au premier président, il faudra attendre le 1er septembre 2020.

Pourquoi ?

J'en sais rien.

Mais il s'agit peut-être du temps nécessaire pour créer les adresses électroniques spécifiques à cette communication électronique.

Je suis convaincu que l'explication de ce différé est purement technique, le temps de s'organiser.


Voici donc, a priori, et après une lecture rapide, mes quelques réflexions sur cette communication électronique en appel.

Il faudra s'habituer à une nouvelle numérotation, et il faudra oublier de faire référence aux précédents arrêtés abrogés.

Je vais donc faire entrer dans ma petite tête d'avocat ce nouvel arrêté.

Nous pouvons nous réjouir que cette communication électronique ait un texte technique unique pour toutes les procédures en appel, qu'elles soient avec ou sans représentation obligatoire, qu'elle concernent une procédure d'appel ou une procédure devant le premier président.

Ca n'a l'air de rien, mais pour cette raison, ce texte est un texte important.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Bonjour,

Dans un futur proche, il sera désormais possible de transmettre des actes de procédure au premier président par voie électronique. Mais pas avant le 1er septembre 2020.

Cordialement,

CL

Bonjour,
L'arrêté du 20 mai 2020, pour reprendre l'expression de Corinne Bléry, a ouvert les tuyaux.
Mais rien n'oblige à y passer puisque l'article 930-1 concerne la cour d'appel, non le premier président.
Donc, il est toujours possible de passer par les sous-bois, sans être obligé de prendre la nationale.
CL

Enfin, ne le sera plus au 1er septembre, droit transitoire oblige.

Bonjour,

En ce qui concerne le 1er président, cela veut dire que l'arrêt qui interdisait de le saisir d'une récusation par voie électronique (Cass. 2ème civ., 6 juillet 2017, n°17-01695) n'est plus de droit positif ?

Merci pour ce topo synthétique sur l'arrêté !

Bonjour,
Si, suite à un jugement du JEX en matière immobilière, une banque, après avoir effectué une déclaration d'appel par voie électronique le 2 septembre 2020 a ensuite transmis le 7 septembre 2020 au Premier Président de la cour d'appel en version papier les actes de procédure, notamment une requête aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe, laquelle a reçu à la même date du 7 septembre 2020 le cachet du secrétariat du Premier Président de la cour d'appel, ne croyez-vous pas utile, au regard de l'article 24 de l'arrêté du 20 mai 2020 qui exige la transmission des actes de l'espèce au Premier Président près la cour d'appel à compter du premier septembre 2020 de soutenir l'irrecevabilité de l'appel ? Je vous remercie.