Je ne vais pas faire un long commentaire de cet arrêt que je commente par ailleurs dans Dalloz actualité (Cass. 2e civ., 9 sept. 2021, n° 20-13.662, n° ...) :

« 9. En application de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le droit à l’accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d’accomplir les charges procédurales leur incombant. L’effectivité de ce droit impose, en particulier, d’avoir égard à l’obligation faite ou non aux parties de constituer un avocat pour les représenter.
10. Aux termes de l’article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret no 2017-891 du 6 mai 2017, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d’appel :
« La déclaration comporte les mentions prescrites par l’article 58. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision. »
11. A la différence de l’article 901 du même code, qui régit la procédure avec représentation obligatoire par avocat, l’article 933, de même que l’ensemble des autres dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d’appel, instaurent un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d’accomplir les actes de la procédure d’appel.
12. Il est déduit de l’article 562, alinéa 1er, figurant dans les dispositions communes de ce code et disposant que l’appel défère à la cour d’appel la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi no 18-22.528, publié). De telles règles sont dépourvues d’ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi no 19-16.954, publié).
13. Toutefois, dans la procédure sans représentation obligatoire, un tel degré d’exigence dans les formalités à accomplir par l’appelant constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n’est pas tenu d’être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d’appel ne serait pas de nature à y remédier.
14. Il en résulte qu’en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d’appel qui mentionne que l’appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d’appel, en omettant d’indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s’entendre comme déférant à la connaissance de la cour d’appel l’ensemble des chefs de ce jugement.
15. Ayant relevé que les déclarations d’appel formées par les sociétés indiquaient que leur appel tendait à l’annulation ou, à tout le moins, à la réformation de la décision déférée, sans mentionner les chefs du jugement critiqués, c’est sans encourir les griefs du moyen que la cour d’appel a réformé les jugements déférés et statué à nouveau sur les affaires.
»

La Cour de cassation fait preuve d'une grande clémence, quitte à prendre de grandes libertés avec le texte.

C'est ni plus ni moins qu'un retour à la version d'avant 2017 de l'article 562 auquel procède la Cour de cassation.

Si l'appel n'est pas limité, la dévolution opère sur l'ensemble des chefs du jugement.

En pratique, nous ne critiquerons pas cette décision, qui protège les droits de la partie non représentée.

Mais au lieu de distinguer procédure avec RO et procédure sans RO, ne fallait-il pas distinguer selon que la partie était effectivement représentée par un avocat ou non ?

C'eût probablement été plus logique.

Car la partie représenté par un professionnel du droit, en procédure sans RO, n'a aucune excuse pour ne pas avoir formé appel en mentionnant les chefs critiqués.

Sinon, je suis allé faire un ptit tour dans les bases de données de jurisprudence.

Et, effroi, les juges d'appel, en matière sociale, n'y sont pas allé de main morte !!!

C'est énorme le nombre d'arrêts rendu par les cours d'appel dans lesquels les juges considèrent que l'effet dévolutif n'a pas opéré. La cour d'appel la plus concernée est celle de Paris.

Ca risque de piquer un peu les renvois de cassation... et je pense que la Cour de cassation devrait renvoyer devant la même cour d'appel, sauf à noyer les cours d'appel limitrophes...

Auteur: 
Christophe Lhermitte