Alors là, on est tombé sur des bons.

Une partie saisit la cour de renvoi, par une déclaration de saisine ne faisant pas mention des chefs critiqués.

On sait depuis peu, car la cour de cassation nous l'a dit, que cette mention est obligatoire. Mais nous savons aussi que cette mention n'a pas de conséquences sur l'étendue de la saisine qui est déterminé par l'arrêt de cassation, pas par les mentions qui figurent dans l'acte de saisine.

Bref, cette mention ne sert à rien, et n'entraîne aucune conséquence procédurale.

Ici, la partie en défense, qui n'avait certainement pas bien lu le CPC, avait tout de même argué de la caducité pour défaut des mentions. Bravo l'artiste ! Mais tout de même ! Devant les cours d'appel, le défaut de mention n'a jamais conduit à une caducité. La caducité concerne le manquement de certaines diligences, lesquelles sont attendues pour consolider un acte de procédure.

Mais les juges d'appel, qui a priori devaient être trois, ont eux-mêmes réussi à retenir une irrecevabilité de la déclaration de saisine... no comment ! Au moins, l'avocat était tout seul pour sortir sa bêtise...

Je me dis que ce sujet pourrait bien tomber à l'examen d'entrée pour les écoles d'avocat...

La cour de cassation remet un peu d'ordre dans tout cela (Cass. 2e civ., 15 avr. 2021, n° 19-20.416, P) :

« 6. L’obligation, prévue à l’article 1033 du code de procédure civile, de faire figurer dans la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi après cassation, au regard des chefs de dispositif de l’arrêt attaqué atteints par la cassation, les chefs critiqués de la décision entreprise, s’impose même dans l’hypothèse d’une cassation partielle d’un seul chef de dispositif de l’arrêt attaqué. A défaut, la déclaration de saisine encourt la nullité.
7. Ayant à juste titre retenu que la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi devait contenir les mentions exigées pour la déclaration d’appel par l’article 901, alinéa 1er , 4o, du code de procédure civile et constaté que la déclaration de saisine du 15 janvier 2018 ne mentionnait aucun chef du jugement entrepris susceptible de réformation consécutivement au renvoi après cassation, la cour d’appel en a exactement déduit que la sanction d’une telle irrégularité était la nullité de la déclaration de saisine.
8. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
9. Mme Y fait le même grief à l’arrêt, alors « que la nullité d’un acte de procédure ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité ; qu’en prononçant la nullité de la déclaration de saisine, sans rechercher si l’irrégularité constatée, tenant à l’absence de précision des chefs de dispositif attaqués, avait causé un grief à M. X, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 114 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 114 du code de procédure civile :
10. Il résulte de ce texte qu’affectant le contenu de l’acte de saisine de la juridiction et non le mode de saisine de celle-ci, l’irrégularité des mentions de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation ne constitue pas une cause d’irrecevabilité de celle-ci, mais relève des nullités pour vice de forme, la nullité ne pouvant être prononcée que s’il est justifié d’un grief.
11. Pour prononcer la nullité de la déclaration de saisine, dire que la cour n’est pas valablement saisie et déclarer irrecevables la déclaration de saisine
ainsi que les demandes de Mme Y, l’arrêt retient qu’au regard de l’irrégularité avérée entachant cet acte de procédure, la déclaration de saisine en cause est nulle et la cour d’appel n’étant pas valablement saisie, il y a lieu consécutivement de la déclarer irrecevable et, par conséquent, de déclarer irrecevables les demandes de Mme Y.
12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si le vice de forme affectant la déclaration de saisine avait causé un grief à M. X, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
»

A retenir, donc, qu'il faut mentionner les chefs critiqués, du jugement dont appel, dans la déclaration de saisine.

Mais cela ne sert strictement à rien, puisque la dévolution est fixée par l'acte d'appel, et limitée sur renvoi par l'étendue de la cassation.

Et en cas de difficulté, la sanction est la nullité de l'acte de saisine -  sanction qui n'est pas anodine depuis que l'on sait que l'effet interruptif de l'article 2241 du Code civile ne joue pas. Mais nullité pour vice de forme, ce qui empêche de saisir le president, mais oblige à justifier d'un grief... qui sera impossible à démontrer.

Car qui aurait à se plaindre d'une absence des chefs dans la déclaration de saisine ???

Le plus simple, à mon avis, était de dire que la déclaration de saisine n'a pas à mentionner les chefs critiqués.

C'était plié, on n'en parlait plus, et tout le monde était content.

 

Publication à venir, en principe...

Auteur: 
Christophe Lhermitte