Encore un arrêt que nous attendions, et il est arrivé plus vite que prévu.

Mais la Cour de cassation devait réparer au plus tôt la précédente rédaction, malheureuse, d’un arrêt du 30 septembre 2021 qui a déjà commencé à faire des dégâts.

En substance, l’arrêt du 30 septembre 2021 dont il est question laissait entendre que la partie devait lister dans le dispositif de ses conclusions les chefs dont il demande l’infirmation.

Il n’en était rien, et l’arrêt, non publié, du 30 septembre ne l’exigeait pas.

L’arrêt qui corrige le précédent est rédigé en ces termes on ne peut plus clairs (Civ. 2e, 3 mars 2022, n° 20-20.017, P) :

« Vu l'article 954, alinéas 1, 2 et 3 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 applicable au litige :

4. Selon l'alinéa 1er, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

5. Aux termes des alinéas 2 et 3, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

6. Pour confirmer le jugement, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l'alinéa 1er de l'article 954, énonce en substance qu'elles imposent à la cour de ne statuer que sur les prétentions expresses, récapitulées dans le dispositif des conclusions et que l'absence dans le dispositif des conclusions d'une partie appelante de la demande expresse d'infirmation de dispositions du jugement clairement mentionnées ne la saisit pas de cette demande et ne l'autorise pas à infirmer le jugement.

7. Il ajoute qu' en l'absence d'infirmation préalable de ce qui a déjà été jugé, la cour ne peut pas statuer sur les prétentions figurant dans le dispositif des conclusions des appelants, auxquelles il a été déjà répondu par un jugement qui subsiste à défaut d'infirmation et que la circonstance que des prétentions claires, précises et motivées figurent dans le dispositif des conclusions n'est pas de nature à combler cette absence, dès lors que la cour ne peut y faire droit, ou les rejeter, que si dans le même temps elle infirme, ou confirme, le jugement critiqué sur des dispositions clairement visées.

8. Il relève que la société Bonnevie et fils, appelante principale, sollicite dans le dispositif de ses conclusions d'« infirmer la décision dont appel sur les chefs du dispositif critiqués » mais ce dispositif n'indique nullement les dispositions du jugement dont il est sollicité la réformation de sorte que la cour d'appel n'est pas saisie de demande d'infirmation par l'appelant principal.

9. En statuant ainsi, alors que l'appelante, dans le dispositif de ses conclusions, ne se bornait pas à demander à la cour de réformer la décision entreprise, mais formulait plusieurs prétentions, et qu'elle n'était pas tenue de reprendre, dans celui-ci, les chefs de dispositif du jugement dont elle demandait l'infirmation, la cour d'appel a violé le texte susvisé. ».

N'y voyez pas un revirement de jurisprudence. La Cour de cassation avait commis une maladresse de rédaction, mal interprétée du fait que l'on oublie qu'un arrêt de cassation ne se comprend qu'au regard de pleins d'autres éléments. Cet arrêt s'inscrivait dans une construction jurisprudentielle cohérente, dont le texte fondateur est l'arrêt du 17 septembre 2020, et lui seul.

J’avais pu compléter le manuscrit de l’ouvrage Procédures d’appel 2022-2023 (oui, oui, vous allez en manger de l’autopromotion, mais je vous avais prévenu) en ces termes :

« Un arrêt, au demeurant non publié, laisse à penser que l’appelant doit impérativement mentionner les chefs critiqués dans le dispositif des conclusions (Civ. 2e, 30 sept. 2021, n° 20-15.674, NP). Mais il suffit de demander l’infirmation, sans obligation de mentionner les chefs du dispositif dont il est demandé l’infirmation. La formule « Infirmer le jugement en toutes ses dispositions » est donc suffisante. D’ailleurs, il peut être dangereux de mentionner les chefs dans le dispositif, car, en cas d’oubli, la cour d’appel ne serait pas saisie du chef dont il n’est pas demandé l’infirmation. » (Procédures d’appel 2022-2023, Dalloz coll. delmas express, n° 23-95).

Je suis heureux de voir que je n’étais pas à côté de la plaque.

Pour la petit histoire, un ptit rigolo m’a opposé une caducité sur ce motif ?  J’adore !

Je vais pouvoir compléter mon argumentation par cet arrêt qui met fin à un débat qui n’aurait pas dû avoir lieu.

Auteur: 
Christophe Lhermitte