⚠️Attention à ne pas lire trop vite cet arrêt, qui ne dit pas nécessairement ce que l’on pourrait croire qu’il dit ? (Cass. 2e civ., 9 sept. 2021, n° 20-17.263) :

 

« 4. En application de l’article 908 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour conclure.

5. Les conclusions d’appelant exigées par cet article 908 sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte, qui déterminent l’objet du litige porté devant la cour d’appel.

6. L’étendue des prétentions dont est saisie la cour d’appel étant déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du même code, dans sa rédaction alors applicable, le respect de la diligence impartie par l’article 908 s’apprécie nécessairement en considération des prescriptions de cet article 954.

7. Selon cet article 954, pris en son alinéa 2, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif, la cour d’appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il résulte de ce texte, dénué d’ambiguïté, que le dispositif des conclusions de l’appelant remises dans le délai de l’article 908, doit comporter, en vue de l’infirmation ou de l’annulation du jugement frappé d’appel, des prétentions sur le litige, sans lesquelles la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement frappé d’appel. Cette règle poursuit un but légitime, tenant au respect des droits de la défense et à la bonne administration de la justice.

8. Il résulte de la combinaison de ces règles que, dans le cas où l’appelant n’a pas pris, dans le délai de l’article 908, de conclusions comportant, en leur dispositif, de telles prétentions, la caducité de la déclaration d’appel est encourue.

9. Cette sanction, qui permet d’éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur, poursuit un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice.

10. Par ailleurs, cette règle ne résulte pas de l’interprétation nouvelle faite par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626), imposant que l’appelant demande dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation du jugement. Il en résulte que cette règle n’entre pas dans le champ du différé d’application que cet arrêt a retenu en vue de respecter le droit à un procès équitable.

11. L’arrêt constate que les conclusions d’appelant, prises dans le délai prévu à l’article 908, comportaient un dispositif se bornant à demander de confirmer pour partie le jugement et pour le surplus, de faire droit à l’ensemble des demandes, de condamner la société à lui verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens et d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

12. En l’état de ces constatations, dont il résultait que le dispositif des conclusions de l’appelante, qui procédait par renvoi, ne comportait pas de prétentions déterminant l’objet du litige, c’est à bon droit, sans faire preuve d’un formalisme excessif, que la cour d’appel a prononcé la caducité de la déclaration d’appel.

13. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé. »

 

Bon, cet arrêt me convient ?‍?

Il me convient d’autant qu’il confirme ? la lecture que je pouvais faire de l’arrêt du 30 janvier 2019 après l’arrêt du 17 septembre 2020 par lequel la Cour de cassation s’était livré à une « interprétation nouvelle » (j’adore la formulation ?)

Dans un commentaire du 4 juin 2021 pour Dalloz, j’écrivais ceci :

« Il ne nous apparaît pas que l’arrêt du 17 septembre 2020 constitue véritablement un revirement de jurisprudence par rapport à l’arrêt du 31 janvier 2019, lequel continue de s’inscrire, dans une certaine mesure, dans cette jurisprudence concernant la nature des
conclusions qui doivent déterminer l’objet du litige (Civ. 2e, 26 juin 1991, JCP 1992. II. 21821, note Estoup ; Cass., avis, 21 janv. 2013, n° 12-00.016 P, RTD civ. 2015. 199, obs. N. Cayrol
; BICC 1er avr. 2013, p. 8, rapp. de Leiris et obs. Lathoud ; JCP 2013. 135, obs. Gerbay ; Gaz. Pal. 17-19 févr. 2013, p. 10, obs. Travier et Guichard ; ibid. 24-26 févr. 2013, p. 12, obs. Dary et d’Arjuzon ; ibid. 8-9 mars 2013, p. 25, note Pellerin). Ce qui était alors reproché en l’espèce n’était peut-être pas tant l’absence de demande d’infirmation ou d’annulation que l’absence de toutes prétentions.

Lorsque les conclusions ne contiennent aucune prétention, et qu’elles ne sont pas des conclusions au fond, et ce sera le cas si une partie se contente de demander le sursis à statuer par exemple, alors la partie ne satisfait à son obligation de conclure « au fond » dans son délai, et la sanction doit pouvoir être la caducité de la déclaration d’appel s’agissant d’un appelant.

Mais dès lors que les conclusions contiennent des prétentions, et sont véritablement des conclusions au fond, mais que l’appelant a (seulement) omis de demander l’infirmation ou l’annulation, la sanction ne peut qu’être la confirmation du jugement.

De cette manière, les deux arrêts se comprennent davantage, et celui du 31 janvier 2019 demeure d’actualité pour sanctionner la partie n’ayant pas régularisé des conclusions au fond. ».

Et c’est bien ce que nous dit ici la Cour de cassation.

Le problème posé, comme le souligne l’arrêt, n’est pas celui de la présence de la demande d’infirmation dans le dispositif.

Le problème était l’appelant qui manifestement avait de gros soucis avec la procédure ?, et venait certainement de sortir d’hibernation après quelques années de sommeil ?

Le problème est celui du dispositif, qui est récapitulatif depuis déjà quelques temps (depuis le décret du 9 décembre 2009 en vrai).

La cour d’appel qui est saisi d’un appel doit pouvoir vider sa saisine.

Et pour cela, il faut bien qu’elle soit saisie de prétentions.

Et avec la rédaction de l'article 954, ces prétentions, elles doivent être contenues dans le dispositif.

Alors, quand un appelant se contente de demander de « faire droit à ces demandes » ?, et bien, ça coince ?

Ce n’est pas du formalisme excessif. C’est de la procédure assez basique, étant rappelé que ce dispositif récapitulatif ne concerne pas que les conclusions d’appel.

Donc, cet arrêt est rassurant ?‍? en ce que, pour les procédure avant le 17 septembre 2020, les parties n’ont pas à s’inquiéter outre mesure si elles ont omis de demander l’infirmation.

En revanche, qu’elles s’inquiètent si leur dispositif est tout-pourri et ne contient pas de prétentions.

Mais ça, on le savait, non ?

Auteur: 
Christophe Lhermitte

Commentaires

Est-ce qu'il n'aurait pas été

Est-ce qu'il n'aurait pas été plus simple, pour éviter de chipoter sur le détail de la formulation du dispositif des conclusions, de retenir un critère chronologique ?

Défaut de prétentions déterminant l'objet du litige dans les premières conclusions => caducité de la DA
Défaut de prétentions déterminant l'objet du litige dans les conclusions ultérieures => confirmation du jugement

Portrait de Christophe Lhermitte

? Ça aurait pu être une

? Ça aurait pu être une option, effectivement. Mais est-ce-que cela aurait plus simple ? Pas sûr.
La procédure d’appel devient de plus en plus complexe, je trouve.
Et il a fallu supprimer les avoués pour la rendre encore plus compliquée ? Il y a vraiment là une subtilité qui m’échappe ?