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L'expert doit respecter le principe de la contradiction.
S'il manque à cette obligation, son rapport encourt la nullité.
Cela n'est pas discuté.
Mais quid de la portée de cette nullité ? Le rapport est-il nécessairement anéanti dans son intégralité ?
C'est à cette question que la Cour d'appel de Rennes apporte une réponse (CA Rennes 4e ch., 28 mai 2015, n° 12/04810, réf. cabinet 100209).

Relevant que l'avis du sapiteur n'avait pas été porté à la connaissance des parties, la Cour retient le manquement de l'expert au principe du contradictoire, et le non respect de l'article 282 du Code de procédure civile.

Cependant, et c'est en ce la que l'arrêt est intéressant sur le plan procédural, les juges d'appel limite la casse, estimant que "En ne respectant pas l’article 282 du code de procédure civile, faute d’avoir joint l’avis de son sapiteur à son rapport définitif, l’expert M... a enfreint le principe du contradictoire, sans que cependant cela affecte de nullité l’ensemble de l’expertise, l’article 177 du code de procédure civile permettant en effet, une régularisation si le vice qui entache les opérations d’expertise peut être écarté".

l’expert M... a enfreint le principe du contradictoire, sans que cependant cela affecte de nullité l’ensemble de l’expertise

Vous me direz : rien de nouveau ! Et c'est pas faux.

En effet, la Cour de cassation a déjà jugé que les juges avaient la possibilité de ne pas annuler l'intégralité du rapport d'expertise en cas de violation du principe du contradictoire (Civ. 2e, 12 juin 2003, Bull. civ. n° 189), et qu'ils pouvaient alors rouvrir les débats et demander à l'expert, sur le fondement de l'article 177 du Code de procédure civile, de reprendre la partie de ses opérations qui n'avaient pas été effectuées au respect du contradictoire (Civ. 2e, 24 juin 2014, Bull. civ. n° 317).

C'est précisément ce qu'a fait la Cour d'appel de Rennes.

Cette jurisprudence peut se comprendre compte tenu des raisons pour lesquelles l'expertise était viciée. On refait tout à partir du moment où ça a commencé à être limite, de sorte que le vice disparaît. Les parties qui n'avaient pas pu s'expliquer sont désormais admises à faire valoir leur position. Pourquoi jeter la pomme s'il suffit d'enlever la partie sur laquelle le petit vers s'est fait les dents ?

Cette position est donc logique, et évite de reprendre de zéro une partie des opérations qui était irréprochable. C'est un gain de temps, et d'argent.

C'est donc de bon sens, même si l'on peut concevoir que la partie qui poursuit la nullité d'un rapport a bien souvent en tête d'obtenir un rapport qui aille davantage dans son sens.

Cet arrêt méritait sa place dans ce blog de procédure civile dès lors que ces décisions sont plutôt rares. Et c'est l'occasion de faire le point sur la jurisprudence de la Cour de cassation sur des points parfois négligés, mais qui peuvent avoir leur importance.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE