Nous savions que lorsqu'il y a indivisibilité du litige, l'appelant peut compléter sa déclaration d'appel si une partie concernée par l'indivisibilité n'a pas été intimée.

Ainsi, par exemple, pour un litige concernant la nullité d'une vente immobilière par des héritiers, si l'un des héritiers est oublié, une declaration d'appel peut être faite pour intimer cet oublié.

Evidemment, et c'est logique, cette déclaration d'appel peut être faite alors même que l'appelant ne serait plus dans le délai d'appel.

Pour la Cour de cassation, l'objet de cette déclaration est de coirriger l'irrégularité qui affecte la première déclaration d'appel.

Pour cette raison, cette déclaration d'appel n'introduit pas une instance d'appel, mais elle s'incorpore à la précédente déclaration d'appel. Les deux actes de procédure forment un tout, et il y a bien un seul appel, même s'il existe deux actes de procédure.

Jusqu'alors, nous pouvions nous interroger dans quel délai devait être effectuée cette seconde déclaration d'appel.

Personnellement, j'avais tendance à considérer qu'elle devait être faite dans le délai pour conclure.

Cela pouvait être cohérent, puisque la partie appelante devait bien conclure dans son délai contre l'ensemble des parties. C'est au demeurant la thèse qui avait été celle de la cour d'appel de Reims : « dans la mesure où les deux déclarations d’appel ne forment qu’un et se complètent, la seconde doit être formée dans le délai de 3 mois pour conclure offert à l’appelant par les dispositions de l’article 908 du code de procédure civile et courant à compter de la déclaration d’appel, ».

Mais la Cour de cassation ne me donner raison, et elle a bien raison de faire preuve d'un peu de clémence (Cass. 2e civ., 23 mars 2023, n° 21-19.906, Publié au bulletin) :

« Vu les articles 552 et 553 du code de procédure civile :8. Il résulte de ces textes qu’en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, d’une part, l’appel dirigé contre l’une d’elles réserve à l’appelant la faculté d’appeler les autres à l’instance, d’autre part, l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance. L’appelant dispose, jusqu’à ce que le juge statue, de la possibilité de régulariser l’appel en formant une seconde déclaration d’appel pour appeler en la cause les parties omises dans sa première déclaration.9. Pour déclarer irrecevable l’appel de la société Mat Isa dirigé contre M. [R] [A], M. [H] [A], Mme [B] [A], M. [S] [A], Mme [U] [A] et Mme [N] [O] veuve [A], propriétaires indivis de la parcelle AI [Cadastre 7], l’arrêt retient que dans la mesure où les deux déclarations d’appel ne forment qu’un et se complètent, la seconde doit être formée dans le délai de 3 mois pour conclure offert à l’appelant par les dispositions de l’article 908 du code de procédure civile et courant à compter de la déclaration d’appel, et que la seconde déclaration d’appel ayant été faite à Mme [U] [A] le 9 mars 2021, l’appel est irrecevable, le délai de 3 mois ayant couru à compter du 18 juin 2020.10. En statuant ainsi, alors que par déclaration formée avant l’audience du 23 mars 2021, l’appelante avait régularisé la procédure, la cour d’appel, qui ne pouvait déclarer l’appel irrecevable, a violé les textes susvisés. »

Les deux thèses, à mon avis, étaient entendables.

La Cour de cassation pouvait fort bien, à mon avis, rejeté le pourvoi.

Après, on dira que la Cour de cassation est sévère. On oublie ce genre de décisions qui facilitent la vie de l'avocat qui a buggé à un moment de la procédure.

Mais c'est comme toujours, on voit ce qui ne va pas, mais on ne voit pas ce qui va.

 

Auteur: 
Christophe Lhermitte