Nous savons tous que l'appel en matière de jugement statuant sur une exception d'incompétence est devenu un exercice périlleux.

La faute n'est jamais loin.

Et les conséquences peuvent être désastreuses, la question de l'iincompétence n'étant pas toujours anodine.

En effet, par exemple, en matière prud'homale, cela pourrait revenir à ne plus pouvoir contester l'inexistence du contrat de travail.

Donc, il faut être vigilant et respecter toutes les étapes.


Ici, notre appelant avait bien saisi le premier président d'une requête.

Il avait formé un appel.

Mais, détail, il n'avait pas remis ses conclusions au greffe... lesquelles conclusions avaient été en revanche transmises au premier président.

La Cour de cassation nous rappelle que toutes les étapes sont essentielles dans cette procédure d'appel version usine à gaz (Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 19-12.257) : 

« 6. Il résulte de la combinaison des articles 85 et 126 du code de procédure civile que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire, par le dépôt au greffe, avant l’expiration du délai d’appel, d’une nouvelle déclaration d’appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d’appel.
7. Ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en l’occurrence la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, la compétence du juge appelé à connaître d’une affaire pouvant être définitivement déterminée dans les meilleurs délais. Elles ne constituent pas une atteinte au droit à l’accès au juge d’appel dans sa substance même. Elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à l’accès au juge d’appel, la faculté de régularisation de la déclaration d’appel restant ouverte à l’appelant.
8. Ayant constaté que M. X… s’était borné à déposer au greffe, dans le délai de l’appel, une requête à fin d’être autorisé à assigner à jour fixe les consorts Y…-X…, qui, bien que contenant ses conclusions sur le litige, était adressée au premier président, la cour d’appel a, à bon droit, retenu que l’appel formé par M. X…, qui n’a pas, dans le même délai, régularisé la déclaration d’appel en déposant devant la cour d’appel des conclusions portant sur la motivation de l’appel, était irrecevable.
9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.
»

Notre appelant récolte une irrecevabilité de son appel.

Soulignons au passage que la Cour de cassation souligne que « Ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en l’occurrence la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, la compétence du juge appelé à connaître d’une affaire pouvant être définitivement déterminée dans les meilleurs délais. Elles ne constituent pas une atteinte au droit à l’accès au juge d’appel dans sa substance même. Elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à l’accès au juge d’appel, la faculté de régularisation de la déclaration d’appel restant ouverte à l’appelant ».

Il faut statuer rapidement, car il faut être fixé rapidement sur la compétence du juge. Je veux bien, mais l'absence de conclusions ou des conclusions tardives ne changent pas grand chose quant à la célérité qui de toute manière dépend de l'encombrement de la juridiction.

Cela dit, cela me convient. Que la procédure soit rigoureuse ne me pose pas de problème particulier. Mais j'avoue que les motifs de célérité et d'efficacité ne sont pas ceux que je mettrai en avant, car je n'y crois pas plus que ça.

Les cours d'appel ne sont pas plus efficaces ni plus rapides depuis Magendie 1 et 2. D'ailleurs, on constate même une baisse significative et inquiétante de l'efficacité sur le plan procédural, avec des magistrats qui semblent de plus en plus avoir du mal à suivre les évolutions jurisprudentielles de la Cour de cassation, et les réformes de procédure. Il y a quelque chose qui cloche à cet égard, et le niveau se dégrade.

La Cour de cassation, dans cet arrêt, souligne également que l'accès au juge est respecté, puisqu'il suffit que l'avocat ne se plante pas. C'est pas faux !

Un conseil, si je peux me permettre, car nous constatons tout de même pas mal de loupés dans cette procédure d'appel : si vous ne savez pas faire, faites faire ! Il y a (encore) des spécialites en p^rocédure d'appel ou à tout le moins des avocats rompus à ces techniques. Utilisez leur compétence pour vous éviter de passer par la case "déclaration de sinistres".

 

Auteur: 
Christophe Lhermitte