Appel en matière d'exception d'incompétence.

L'appelant, méconnaissant la jurisprudence qui est celle de la deuxième chambre de la Cour de cassation, remet une requête premier président, sans respecter les modalités imposées.

A titre principal, donc, est soulevée par l'intimé l'irrecevabilité de l'appel.

Mais c'était sans compter sur le fait que les chambres prud'homales peuvent parfois rencontrer quelques difficultés avec les règles de procédure. Et c'est ainsi qu'un appelant est sauvé... provisoirement à tout le moins...

Je vous livre la motivation de l'arrêt (CA Rennes, 7e ch. prud., 2 octobre 2019, RG n° 18/05275) :

"Conformément aux dispositions de l’article 930-1 du code de procédure
civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont
remis à la Cour d’appel par voie électronique.
Par requête transmise au greffe par voie électronique, Monsieur RIOU a
saisi le Premier président de la Cour d’appel de Rennes aux fins d’être
autorisé à assigner à jour fixe conformément aux dispositions de l’article 84
al.2 du code de procédure civile ; par ordonnance du 5 octobre 2018, le
Président de chambre délégué par le Premier président a autorisé l’appelant
à assigner à jour fixe conformément à la requête.
Si en l’état du droit applicable, la requête aux fins d’être autorisé à assigner
à jour fixe peut être adressée au Premier président de la Cour d’appel sur
support papier, seule la Cour d’appel étant visée par les dispositions légales
précitées, la requête adressée au Premier président de la Cour d’appel par
voie électronique reste toujours possible au visa des dispositions de l’article
748-1 du code de procédure civile, s’agissant d’une procédure avec
représentation obligatoire.
Il y a lieu en conséquence de dire recevable la requête contenant
conclusions sur la compétence et visant les pièces justificatives jointes de
Monsieur RIOU aux fins d’être autorisé à assigner à jour fixe, transmise au
greffe par voie électronique le 30 juillet 2018.
"

Sauf à ce que je n'aie rien compris - ce que je n'exclus pas - de la position de la deuxième chambre de la Cour de cassation, le premier président est distinct de la cour d'appel. Il en fait partie mais sans pour autant être la cour d'appel.

Or, devant le premier président, il n'existe aucun arrêté technique pour la communication électronique.

L'arrêté du 30 janvier 2011 concernant les procédures d'appel avec représentation obligatoire devant les cours d'appel. L'arrêté du 5 mai 2010 concerne quant à lui les procédures d'appel sans représentation obligatoire devant les cours d'appel.

Les deux arrêtés techniques concernent la cour d'appel, non le premier président.

C'est, semble-t-il, le raisonnement de la deuxième chambre pour justifier sa jurisprudence.

Et avouons que, d'un point de vue procédural, ça se tient, même si cela semble peu logique a priori.

Je veux bien que, dans l'arrêt, soit visé l'article 748-1 du CPC. Mais il ne peut être oublié néanmoins qu'un peu plus loin, il existe un article 748-6 du CPC qui suppose que soit pris un arrêté technique.

Or, il n'existe pas d'arrêté technique pour la communication électronique devant le premier président de la cour d'appel.

Dès lors que l'on sait que la deuxième chambre tient à sa jurisprudence, même si en pratique elle n'est pas toujours aisée à mettre en place, il est permis de s'interroger si l'appelant a été sauvé ou s'il lui a seulement été accordé un sursis...

... j'ai ma petite idée là-dessus...

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Un très joli article !