D'aucuns souffleront - de soulagement - à la lecture de cet arrêt de cassation qui sera publié (Cass. 2e civ., 10 juin 2021, n° 20-10.522, Publié au bulletin) :

« Vu l’article 930-1 du code de procédure civile :
4. Il résulte de ce texte que si, dans la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d’appel, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique, l’irrecevabilité sanctionnant cette obligation est écartée lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, l’acte étant en ce cas remis au greffe sur support papier.
5. Pour déclarer irrecevable la déclaration de saisine après renvoi de la Cour de cassation, l’arrêt retient qu’elle a été remise au greffe sur support papier le 22 mars 2018 sans qu’il ne soit établi que le conseil de la société Kalam ait été dans l’impossibilité d’avoir accès au réseau professionnel virtuel des avocats, dès lors qu’il n’est fait état d’aucune panne affectant sa clé RPVA, laquelle pouvait être utilisée sur tout autre poste informatique disposant d’un accès internet, notamment à l’ordre des avocats ou dans un cabinet d’un de ses confrères qu’il ne prétend pas même avoir sollicités.
6. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que le conseil de la société Kalam justifiait que la société Xtronique Micro Sud était intervenue durant trois jours, du 19 au 23 mars 2018, aux fins de rechercher la panne touchant son matériel informatique, laquelle rendait impossible la navigation sur internet et avait pour origine la défectuosité du câble RJ 11 de la live box, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
»

Du bon sens, me direz-vous. Assurément !

Cependant, il ne faut peut-être pas ériger la solution donnée comme le sésame, ou l'excuse que l'on peut sortir systématiquement.

Déjà, il est bien que le dysfonctionnement n'affecte pas nécessairement  e-barreau ou la clé - sur laquelle je ne m'étendrai pas, mais que je considère comme un foutage de guangryle - mais peut concerner le matos. Ici, il s'agissait en définitive d'un malheureux cable qui avait dû se faire coincer dans la porte du placard. Bon, trois jours pour trouver cette panne, j'veux pas dire, mais on peut s'interroger sur le prestataire. Surtout que les pannes les plus fréquentes sont les plus bêtes : cable débranché par exemple.

Donc, si le dysfonctionnement touche le hardware, comme on dit, ça peut passer. Ouf !

La même indulgence aurait-elle été retenue si la panne se situait dans le fait que l'avocat utilisait un ordinateur qui aurait davantage sa place au musée ? Alors, là, on peut peut-être en douter. Est-il imprévisible, et extérieur, qu'un PC tout pourri lâche au moment où on a besoin de lui ?

Je pense que tout est affaire d'espèce, dans une certaine mesure.

Attardons-nous un peu sur la thèse de la cour d'appel : l'avocat pouvait prendre sa clé et aller chez le copain avocat !

Mais c'est tout de même n'importe quoi !!!

L'avocat va débarquer chez son confrère, installer sa clé -  car la clé, il ne suffit pas de la mettre dans le bitogno, il faut tout de même une petite démarche de la part du prestataire informatique - sur un ordinateur, et utiliser cet ordinateur et avoir potentiellement accès aux données confidentielles qui y sont hébergées.

Manifestement, les juges d'appel ne savent pas trop comment ça fonctionne ces clés (archaïques) !

Et puis, un avocat ne peut aller se promener sur les ordinateurs du confrère, même si c'est un pote. La confidentialité, ça parle à quelqu'un ?

Allez, au passage, soulignons que ces clés USB, habituellement utilisées en stockage, sont à durée limitée pour l'avocat, lequel doit les renouveler régulièrement, et à cette occasion passer au tiroir-caisse... Pour quelle raison ? Je veux dire : pour quelles raisons techniques ? Car les raisons financières, je les comprends, puisqu'il faut payer à chaque pour un truc qui techniquement n'est pas usé.

Et pourquoi une clé USB ? Si tous les organsimes utilisaient un tel système archaïque, il nous faudrait des hub pour y mettre toutes les clés contenant un certificat d'authenticité.

Sérieux, je ne suis pas du tout convaincu que cette clé USB s'impose. Il existe d'autres moyens tout aussi sécurisé.

Allez, je ferme la parenthèse.

Saluons cet arrêt de cassation, de bon sens, qui évite à l'avocat débranché sans que cela soit de son fait de devoir faire une déclaration de sinistre.

Mais tout de même, trois jours pour trouver la panne, quand même !!!

Et un truc : tous les téléphones maintenant font de la connexion partagée, non ?

Personnellement, et nous l'avons déjà prévu au cabinet, au cas où, si notre connexion internet tombe en rade, de pouvoir passer, ne serait-ce que pour les déclarations d'appel et les actes dernier jour, par la connexion partagée d'un téléphone.

Finalement, ce qui est irrésistilbe pour l'un, ne le sera pas nécessairement pour l'autre.

Et cela démontre toute la difficulté qu'il y a à apprécier ce qu'est une cause étrangère, car elle dépend de bien des choses.

 

Auteur: 
Christophe Lhermitte