Le titre est un peu long, mais il résume cet arrêt qui fait preuve d'une souplesse dans l'interprétation des textes.

Et cette souplesse paraît pleinement justifiée, une plus grande rigueur n'ayant pas vraiment de sens.

En l'espèce, une partie fait appel.

Peu après l'inscription de l'appel, et bien avant l'expiration du délai de trois mois de l'article 908, elle reçoit un avis 902, de sorte qu'elle signifie ses conclusions et la déclaration d'appel à l'intimé défaillant. Elle procède dans le délai d'un mois de l'article 902.

Puis, elle transmet la copie de cet acte de signification des conclusions et de la déclaration au greffe, et ce - certainement sans le faire exprès - dans le délai de trois mois de l'appel.

Le conseiller de la mise en état déclaré la déclaration d'appel caduque, au motif que l'appelant n'a pas remis ses conclusions dans le délai de trois mois de l'article 908. La Cour, sur déféré, confirme la caducité.

C'est la Cour de cassation qui va sauver la partie appelante qui avait certainement fait choix d'un avocat qui avait sauter quelques articles du Code de procédure civile.

Probablement sans le faire exprès, l'avocat postulant a procédé de télé sorte qu'il entrait dans le cadre posé par le décret dit "Magendie".

En effet, la Cour de cassation se prononce en ce sens (Civ 2e, 20 avril 2017, n° 16-14694, Publié au bulletin) :

 

 

Vu les articles 906 et 908 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Prometh'aux a interjeté appel le 17 mars 2015 d'un jugement rendu par un tribunal de commerce ; qu'avertie le 20 avril 2015 par le greffe de la cour d'appel que l'intimée, la société Yamazaki Mazak France, n'avait pas constitué avocat, la société Prometh'aux lui a signifié la déclaration d'appel ainsi que ses premières conclusions d'appel par un même acte d'huissier de justice en date du 19 mai 2015, dont elle a adressé la copie au greffe par un fichier joint à un message électronique du même jour ; que le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état et débouter la société Prometh'aux de sa requête en déféré tendant à la révocation de cette ordonnance, l'arrêt retient que la transmission des conclusions au fond sous la forme d'un dépôt d'acte contenant la justification de la signification à l'intimée de la déclaration d'appel et des conclusions ne peut être tenue pour équivalente ni à la remise au greffe ni à leur notification à l'avocat de l'intimée au sens des articles 908 et 911 du code de procédure civile ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant qu'avant l'expiration du délai de trois mois suivant la déclaration d'appel, les premières conclusions d'appel de la société Prometh'aux, contenues dans l'acte de signification du 19 mai 2015, avaient été remises au greffe, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

 

L'avocat avait certainement omis de remettre ses conclusions au greffe, et s'était focalisé sur l'avis 902 lui faisant obligation de signifier la déclaration à la partie défaillante.

Heureusement pour l'appelant, cet avis 902 est intervenu rapidement, de sorte qu'il a pu, dans le délai de trois mois, signifier la déclaration d'appel et les conclusions à l'intimé défaillant et, surtout, remettre copie de cet acte de signification au greffe.

Pour la Cour de cassation, cette transmission, évidemment faite par voie électronique, suffisait pour valoir remise.

Sauvé par le gong !

Mais l'appelant a joué un jeu dangereux.

C'est un miracle qu'il a pu faire autant de chose dans le délai de trois mois.

Il suffisait que l'huissier retarde un peu la délivrance de l'acte, ou que l'avocat ne transmette pas - ou pas immédiatement - copie de l'acte d'huissier pour que la caducité soit encourue. De même, cela ne marchait plus si l'acte transmis au greffe n'était pas compte, et ne contenait pas les conclusions.

Cette pratique est donc fortement à déconseiller.

L'appel a pu être sauvé, mais il s'en est fallu de peu.

Il convient de bien distinguer remise et notification des conclusions, et ne négliger ni l'un ni l'autre.

Tous n'aurons pas la chance de ce confrère.

Quoi qu'il en soit, cette décision mérite d'être approuvée.

Peu importe au passage sous quel intitulé est transmis l'acte par voie électronique. En l'espèce, il était intitulé "dépôt d'acte". L'envoi électronique est un envoi électronique, comme nous l'a déjà rappelé la Cour de cassation.

En l'espèce, il n'est pas discutable que, dans le délai de trois mois, l'avocat de l'appelant a bien transmis, par voie électronique, au greffe, un document contenant les conclusions.

Mais encore une fois, cette façons de faire est à proscrire, car si ça passé en l'espèce, ce ne sera pas toujours le cas. Ca n'est pas passé loin, et je suppose que la lecture de cet arrêt de cassation aura été un grand soulagement pour le confrère qui devra faire preuve d'une plus grande vigilance... ou alors confier sa postulation à un confrère qui maîtrise les règles particulières de la procédure d'appel.

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE