L’intimé peut parfois s’estimer sauvé, parce que ni le juge ni le confrère, celui-ci peut-être par « gentillesse », n’ont vu qu’il avait fauté.

Et on imagine alors cet intimé, qui sable le champagne ??, ayant vu accueilli son appel incident dont il savait qu’il avait été formé hors du délai 909.

Mais cette joie ? peut être de courte durée, le « court » correspondant au délai que l’affaire aura mis pour qu’un arrêt de cassation soit rendu. Et là, la déception peut être profonde… ?

Cet arrêt ne sera pas publié car ce qu’il dit, la Cour de cassation nous l’a déjà dit.

Mais je crains que cela soit un peu oublié (Cass. 2e civ., 30 sept. 2021, n° 18-24.061) :

« 6. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 125 et 909 du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :
7. Selon le premier de ces textes, les juges doivent relever d’office les fins de non-recevoir d’ordre public lorsqu’elles résultent de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.
8. Il résulte du second de ces textes que l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 du code de procédure civile pour conclure et former appel incident.
9. Après avoir énoncé que la cour d’appel était saisie de conclusions de la société Socodip tendant à voir réformer le jugement, ce qui constitue un appel incident, l’arrêt statue sur les chefs de dispositif du jugement dont la société a sollicité la réformation.
10. En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait de rechercher si l’appel incident avait été formé dans le délai prescrit par l’article 909 du code de procédure civile et, à défaut, de relever d’office l’irrecevabilité de l’appel incident tardif, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
»

Et oui ! Et c’est un des points que la Cour de cassation rappelle depuis quelques temps : un appel incident est un appel, et un appel est une voie de recours.

En conséquence, s’agissant de l’ouverture d’une voie de recours, le juge n’a pas la simple faculté de relever d’office un appel incident tardif. Il en a l’obligation !

Et s’il ne l’a pas fait, c’est un moyen qui pourra être soumis à la Cour de cassation dans le cadre d’un pourvoi.

En l’espèce, personne n’avait rien vu, et notre intimé avait obtenu satisfaction sur son appel incident pourtant tardif.

Et ça ne passe pas.

Vous aurez relevé au passage - ou pas - que la Cour de cassation souligne qu’il s’agit bien d’un appel incident puisque l’intimé demande la réformation.

Mais attentions aux conclusions hâtives !

Si tout ce qui tend à la réformation, par un intimé, est un appel incident, tout appel incident ne tend pas nécessairement pourtant à la réformation… ? Si vous n’avez bien compris, relisez plusieurs fois…

Il faut se méfier des interprétations a contrario, avec lesquelles on peut parfois faire dire des choses inexactes. Ce serait le cas ici.

Auteur: 
Christophe Lhermitte