En soi, cet arrêt n'est pas, sauf erreur, une nouveauté.

Il n'en demeure pas moins important.

Ce qui retient surtout l'attention, c'est cette leçon, qui n'est pas unique, que la Cour de cassation donne à l'avocat.

Un avocat, qui vraisemblablement n'avait pas fait l'acquisition de nouvel ouvrage qu'est Procédures d'appel, aux éditions Dalloz - j'ai bien le droit de faire un peu d'autopromotion après tout ! - avait remis son assignation à jour fixe au greffe de la cour au format papier.

Mais si la requête doit quant à elle être sur support papier, il n'en est pas de même de l'assignation signifiée après autorisation... autorisation donnée après une requête papier, comme je viens de le dire.

La Cour de cassation l'avait déjà dit - et im me semble me rappeler d'un commentaire de Corinne Bléry sur cette décision - , et je me rappelle avoir fait un post sur ce point de procédure. La Cour d'appel de Rennes avait également statué en ce sens, dans une affaire dans laquelle j'avais soulevé la caducité.

Pour la Cour de cassation, "dans la procédure avec représentation obligatoire par avocat en appel, le dépôt au greffe d’une copie établie sur support matériel de l’assignation à jour fixe délivrée aux intimés, en l’absence de cause étrangère ayant empêché le recours à la voie électronique, ne satisfait pas à l’obligation, imposée aux parties par l’article 930-1 du code de procédure civile, de remettre leurs actes par cette voie dans les conditions techniques fixées par un arrêté du garde des sceaux ; que cette obligation est dénuée d’ambiguïté pour un avocat, professionnel averti, et que sa sanction, par une irrecevabilité de l’acte qui n’a pas été transmis au greffe par la voie électronique, est proportionnée au but légitime que poursuit cette disposition, qui est d’assurer la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel, de sorte qu’elle ne procède, par elle-même, d’aucun formalisme excessif" (Civ. 2e, 9 janvier 2020, n° 18-24.513).

Et une tape sur le bac de ce professionnel averti qui devait savoir quelles étaient les règles applicables. Et c'est pas faux après tout...

La Cour avait déjà eu cette tendance à taper sur l'avocat, professionnel averti, qui est passé à côté de ses obligations procédurales. Rappelons par exemple l'arrêt du 1er décembre 2016, que nous devons à un confère rennais, lequel, gentiment, nous avait aussi donné l'arrêt du 19 décembre 2017 (de mémoire).

On sent un certain agacement des juges de cassation à l'égard de ces confrères qui se plantent bêtement sur des points de procédure aussi évidents.

Cela étant, il me semble que la Cour de cassation pourrait adopter le même style, lorsqu'elle casse un arrêt alors que, manifestement, le juge n'a pas été meilleur sur le plan procédural. Le juge aussi est un professionnel averti, et qu'il devrait aussi pouvoir faire application des textes dépourvus de toute ambiguïté.

Et il suffit de fréquenter ce blogue pour comprendre que les conseillers de la mise en état, et les cours d'appel sur déféré, rendent des décisions pour le moins exotiques en matière de procédure civile.

Et pour rester sur le jour fixe, et la communication électronique en la matière, il n'est pas sans intérêt de souligner que la Cour d'appel de Rennes, à plusieurs reprises, a admis qu'une requête puisse être remise au premier président par voie électronique, ce qui est incontestablement contraire à la jurisprudence dépourvue de toute ambiguïté de la Cour de cassation.

Nous verrons si la Cour de cassation adoptera un style équivalent pour rappeler au juge qu'il est un professionnel averti qui doit faire application des textes dépourvus de toute ambiguïté.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Cela risque de se répéter devant le désormais nommé Tribunal judiciaire, dans les nouvelles procédures orales avec représentation obligatoire, lorsque des confrères auront oublié de se constituer et penseront pouvoir le faire utilement à la barre pour soutenir leurs écritures orales....

Mon Cher Confrère, Je ne sais pas si je peux poser ma question ici … Je suis un professionnel qui voudrait être averti ! En bref, je suis postulante pour un confrère qui me demande d'interjeter appel pour un salarié + un syndicat contre une société. Il s'agit de la même affaire (on interjette appel contre un jugement du CPH). J'avais dans l'idée de ne faire qu'une seule DA (je crois qu'on peut faire "ajouter une partie" sur le RPVA) mais une consœur me conseille d'en faire 2, l'une pour le salarié et l'autre pour le syndicat. Par ailleurs, j'ai l'habitude de préciser l'organe qui représente légalement la personne morale (ex: Président pour une SA ). Là, j'ai un syndicat… quid ? J'imagine que la réponse se trouve dans les statuts que je dois recevoir. Merci pour vos lumières. J'ai des sueurs froides depuis qu'on m'a confié cette postulation pour une somme dérisoire compte tenu des difficultés qui se posent à moi. VBD

Mon cher confrère,

Faire deux DA est possible, mais ça complique inutilement la procédure, et va coûter plus cher. Cela exige par exemple de faire signifier deux fois la DA à l'intimé défaillant, régler deux timbres (pas ici, je sais, car c'est l'appel d'un CPh), etc.

Il faut se méfier des conseils, qui peuvent se révéler être des tuyaux percés. C'est manifestement le cas ici ! N'écoutez plus cette consoeur ;-)

Quant à l'organe représentatif, il faut effectivement aller voir dans les statuts, sachant qu'il n'y a pas de représentant légal d'un syndicat. Généralement, on arrive à trouver les statuts sur internet. Un petit tour sur le site du syndicat (c'est ainsi que je procède).

Bon courage,

VBD

CL

oh merci confrère pour cette réponse très claire et très complète. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? On a toujours tendance à se compliquer la vie …

Allez-vous sortir une édition actualisée (avec les derniers décrets) de votre livre ? Je le trouve très bien fait en tous cas.

VBD

Pour l'actualisation, la question est celle de savoir s'il faut élargir à la procédure civile de première instance alors que le thème est celui des procédures d'appel. A voir...