Avec la souplesse à laquelle fait preuve la chambre de la procédure civile, la question pouvait se poser de savoir si serait conservée la rigueur, désormais inscrite à l’article 954 alinéa 2 pour les appels formés à compter du 1er septembre 2024, concernant l’obligation d’indiquer dans le dispositif des conclusions qu’est demandée l’annulation ou l’infirmation du jugement dont appel.

Ceux qui pouvaient espérer un assouplissement repasseront (Civ. 2e, 11 septembre 2025, n° 23-10.426, P) :
« 7. Ces règles, qui s'appliquent dans les procédures dans lesquelles les parties sont nécessairement représentées par un avocat, professionnel du droit se devant d'être informé des évolutions de la jurisprudence, n'imposent aucun formalisme excessif de nature à priver les parties de leur droit d'accès au juge, l'application différée résultant de l'arrêt du 17 septembre 2020 aux seules déclarations d'appel postérieures à cette date ayant eu précisément pour objet de la rendre prévisible pour les parties et de ne pas les priver de ce droit.
« 8. Après avoir rappelé qu'en application des dispositions combinées des articles 542 et 954 du code de procédure civile, lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation, ni la réformation, ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, puis cité le dispositif des conclusions déposées le 4 février 2021 par l'appelante, l'arrêt relève que celle-ci n'a pas expressément indiqué dans les prétentions énoncées au dispositif de ses conclusions déposées dans le délai fixé par l'article 908 du code de procédure civile qu'elle sollicitait l'infirmation du jugement.
»

Il est intéressant de souligner que l’avocat est un « professionnel du droit se devant d'être informé des évolutions de la jurisprudence ». Cette qualification n’est pas nouvelle, mais à ma connaissance, il y a quelques temps que cela n’avait pas été rappelé.

Surtout, il est supposé connaître les évolutions de la jurisprudence. Alors, au passage, à ceux et celles qui ne font pas de la postulation en appel de manière habituelle, méfiance ! Si vous passez à côté d’une évolution, et il y en a, votre responsabilité sera engagée car vous n’avez pas le droit de ne pas savoir.

Ne revenant pas sur cette jurisprudence, estimant qu’elle ne résulte pas d’un formalisme excessif, tout laisse à penser que c’est la même solution qui sera donnée lorsqu’il s’agira de prendre position dans des procédures dans lesquelles c’est le nouvel article 954 qui s’appliquera, c’est-à-dire pour les appels à compter du 1er septembre 2024.

Et c’est peut-être là tout l’intérêt de cet arrêt publié.

La Cour de cassation annonce que si elle a pu revirer sur certains points, celui-ci est acquis et sera maintenu.

Autre question : cet arrêt préfigure-t-il ce que sera l’avis à venir quant à l’obligation d’indiquer les chefs critiqués dans le dispositif des conclusions, résultant de l’alinéa 2 de l’article 954 ?

On pourrait le penser dès lors que, en définitive, le problème se pose dans les mêmes conditions.

Il n’est pas très différent d’exiger de l’appelant d’indiquer dans le dispositif de ses conclusions qu’il demande l’infirmation, alors pourtant que cet objet est déjà indiqué dans son acte d’appel, que d’exiger qu’il indique les chefs critiqués alors que ces chefs figurent déjà dans la déclaration d’appel, en principe.

Cette obligation « n'imposent aucun formalisme excessif de nature à priver les parties de leur droit d'accès au juge », pour reprendre les termes de cet arrêt.

Il est effectivement aussi facile d’indiquer dans le dispositif des conclusions qu’il est demandé l’infirmation que d’indiquer l’étendue de cette demande d’infirmation.

De plus, ce n’est ni plus ni moins que le texte, lequel est dénué de toute ambiguïté.

Dès lors que la récente jurisprudence pourrait laisser penser que la deuxième chambre civile revient parfois au texte, il ne peut être exclu qu’elle fera une lecture stricte, et conforme, de l’article 954 alinéa 2.

Nous le saurons après novembre 2025, lorsque la deuxième chambre nous aura donné son avis…

Auteur: 
Christophe LHERMITTE