J’avais bien vu qu’il y avait un petit problème de rédaction à l’article 911-1.

Mais franchement, je m’attendais tout de même à ce que la Cour de cassation, comme elle nous y a habitué, ajoute au texte.

Mais non ! Pas cette fois… va savoir pourquoi, Charles !

La Cour de cassation se colle au texte. On pourrait presque croire que c’est une manière de dire à quel point elle n’aime pas cet article 911-1 qui au demeurant est contraire à ce que la Cour de cassation avait considéré, mais à juste titre lorsqu’il fallait faire application de l’article 385.

Je vous livre tout de même l’arrêt, commenté par moi-même pour Dalloz actualité (Cass. 2e civ., 19 mai 2022, n° 21-10.422, Publié au bulletin) :

« Vu les articles 83, 85, 911-1, alinéa 3 du code de procédure civile et R. 1461-2 du code du travail :
6. Selon l’article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues notamment par l’article 85 du même code. Aux termes de ce dernier texte, nonobstant toute disposition contraire, l’appel est instruit ou jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d’appel imposent la constitution d’avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l’article 948.
7. En application de l’article R. 1461-2 du code du travail, l’appel porté devant la chambre sociale de la cour d’appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire, prévue par le code de procédure civile.
8. Il résulte de l’article 911-1, alinéa 3 du code de procédure civile, que la partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie.
9. Pour déclarer l’appel irrecevable, l’arrêt retient que l’article 85 du code de procédure civile, figurant au rang des dispositions qui instituent une voie de recours particulière pour les jugements ayant statué exclusivement sur la compétence, se réfère certes à la procédure à jour fixe pour ce qui est des règles d’instruction et de jugement applicables à cette affaire, mais que cette voie de recours n’est pas une procédure à jour fixe et n’exclut en rien les règles de la procédure ordinaire avec représentation obligatoire devant la cour d’appel, auxquelles il se réfère expressément, s’agissant du respect des prescriptions de l’article 901 qui ouvre la sous-section 1 et donc, implicitement, des articles suivants.
10. En statuant ainsi, alors que la caducité de la déclaration d’appel avait été prononcée sur le fondement des articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, non visés par l’article 911-1, alinéa 3, précité, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
»

Pour la petite histoire, j’ai été confronté à cette difficulté dans un dossier dans lequel l’adversaire a fait appel d’un jugement statuant sur la compétence. A priori, l’appel semblait plutôt opportun, car l’incompétence retenue était très discutable...

J’avais un moyen de caducité à soulever.

Mais le problème est que le greffe n’avait pas notifié.

Je ne pouvais donc pas soulever ma caducité en l’état.

J’ai donc fait signifier par huissier… mais quand ça va mal, ça va mal, et l’huissier n’avait pas indiqué les modalités de l’appel. J’ai donc fait à nouveau signifier… et là, l’appelant a vu qu’il y avait peut-être un petit souci… et il a (enfin mais trop tard) remettre une requête au premier président.

J’ai tout de même soulevé cette caducité, puisque cette requête a été remise au-delà du délai de huit jours. Et sur ce point, nous avons de la jurisprudence de la Cour de cassation sur l’appel du jugement d’orientation.

Donc, dans cette affaire, j’espère bien obtenir une caducité, et l’appelant ne pourra pas refaire un appel.

C’est ce que l’intimé a négligé dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de cassation.

Il a tout saccager l’excellent moyen de procédure qu’il avait à sa disposition.

Son erreur de stratégie engage sa responsabilité, à mon avis.

Je le dis souvent, mais il faut être vigilant pour invoquer un moyen de procédure.

C’est de la stratégie, de l’horlogerie, pas un jeu de bourrins. Il faut réfléchir à comment soulever utilement et efficacement le moyen de procédure, pour éviter qu’il tombe à l’eau, comme on le voit trop souvent.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE