Ce n'est pas la deuxième chambre qui nous donne l'occasion de cet article, mais la première chambre civile de la Cour de cassation, ce qui est nettement plus rare.

Le point principal en discussion concernait l'action d'une victime contre les héritiers d'un kinésithérapeute décédé, et dont ils avaient cédé les parts de la SCP dont il était associé.

Mais ce n'est évidemment pas de cela dont il s'agit en l'espèce, même si cet arrêt est très intéressant sur le plan du droit de la responsabilité.

La Cour d'appel avait écarté un rapport d'expertise au motif qu'il n'était pas contradictoire. Elle avait estimé que la responsabilité éventuelle du praticien décédé ne pouvait être examiné en tenant de ce rapport qui n'était pas opposable à la SCP.

Il est vrai que la Cour de cassation a fixé sa jurisprudence concernant les expertises, et notamment celles amiables, lesquels sont appréciées différence selon qu'elles sont contradictoire ou non.

Les juges d'appel en avaient apparemment retenu qu'une expertise amiable ne valait rien.

C'était faire une application inexacte de la jurisprudence.

Pour la Cour de cassation, le caractère non contradictoire d'un rapport ne permet pas au juge de s'appuyer uniquement sur cet élément de preuve pour fonder sa décision.

Mais dès l'instant que cette expertise est communiquée, et donc soumise à la libre discussion, elle constitue un élément de preuve comme un autre.

Il n'est pas suffisant en soi, et mérite d'être corroboré par d'autres éléments de preuve.

L'arrêt est donc cassé au visa de l'article 16 du CPC (Civ. 1re, 11 juillet 2018, n° 17-17.441 et 17-19.581) :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que, si un rapport d'expertise judiciaire n'est opposable à une partie que lorsqu'elle a été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut cependant refuser de prendre en considération ce rapport, dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties ; qu'il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. C à l'encontre de la SCP, après avoir relevé que cette dernière contestait la responsabilité de J, l'arrêt retient que les constatations du rapport d'expertise n'étant pas opposables à la SCP, il ne peut être statué sur sa responsabilité au regard de ce rapport ;

 

Le rapport amiable non contradictoire n'est donc pas un élément inutile dans un procès. Mais il n'est pas suffisant.

Cet arrêt résume en partie l'état de la jurisprudence, bien établie, sur cette question particulière de l'opposabilité d'un rapport d'expertise.

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE