Dans un arrêt du 22 mai 2025 (n° 22-22.868, P), la Cour de cassation rappelle en toute logique que l’obligation de demander l’infirmation dans le dispositif des conclusions dépend de la date de l’appel, non de la déclaration de saisine sur renvoi de cassation :
«  (…) lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l’application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
8. Il résulte du deuxième que devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation. Par conséquent, c’est la même instance d’appel qui reprend et se poursuit devant la cour d’appel de renvoi.
9. Il découle de ce qui précède que la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation n’est pas une déclaration d’appel et n’introduit pas une nouvelle instance mais entraîne la poursuite de l’instance d’appel initiale. En conséquence, lorsque cette instance a été introduite par une déclaration d’appel antérieure à l’arrêt du 17 septembre 2020, la règle de procédure nouvelle énoncée pour la première fois par cet arrêt ne peut recevoir application, quand bien même la déclaration de saisine serait postérieure au 17 septembre 2020.
».
OK ! On est bien d’accord là-dessus et ce n’est pas moi qui irais contester cette position.
Sauf que…
… entre temps, les règles ont changé.
Ce qui était jusqu’alors une solution jurisprudentielle a été repris dans le décret du 29 décembre 2023, et intégré à l’article 954 : « Les conclusions comprennent (…) un dispositif dans lequel l'appelant indique s'il demande l'annulation ou l'infirmation du jugement ».
Et que nous dit l’article 16 du décret ? Que « Le présent décret entre en vigueur le 1er septembre 2024. Il est applicable aux instances d'appel introduites à compter de cette date et aux instances reprises devant la cour d'appel à la suite d'un renvoi après cassation lorsque la juridiction de renvoi est saisie à compter de cette même date. ».
En conséquence, cet arrêt est vrai... mais pour les saisines antérieures au 1er septembre 2024.
Mais depuis le 1er septembre 2024, on applique 954 dans sa nouvelle version en procédure sur renvoi de cassation de sorte que la partie qui demande l’infirmation doit le demander dans le dispositif de ses conclusions… alors même que la déclaration d’appel a pu être antérieure au 17 septembre 2020.
Et amusons encore : quid de la partie qui ne conclut pas sur renvoi de cassation ? La sanction de ne pas conclure est que « Les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé. ». Mais alors, si les conclusions ne contenaient pas une demande d’infirmation parce que la partie n’y était pas obligée, la cour d’appel pourra tout de même infirmer le jugement, en l’absence d’une demande en ce sens ?
De plus, compte tenu de la sanction, la partie qui s’est loupée dans ses premières conclusions pourra-t-elle corriger le dispositif de ses conclusions ?
Il semblerait que tel est le cas, si l’on considère qu’il n’y a pas de principe de concentration sur renvoi de cassation, et qu’il importe seulement de conclure dans son délai pour pouvoir conclure à tout-va.
Dans ce cas, le défendeur a tout intérêt à ne pas soulever cette difficulté de procédure, en espérant que la cour d’appel s’en saisisse d’office… ce qu’elle devrait faire a priori puisque, sinon, cela signifie qu’elle se prononce sur une demande dont elle n’est pas saisie, dépassant l’objet du litige.