Un appelant se plante dans son délai pour conclure 908, et encourt la caducité.

L'intimé, que l'on devine content de pouvoir en terminer de cette manière, saisit alors le conseiller de la mise en état d'un incident de caducité.

Tout devait bien se passer, sauf qu'il y a eu un accroc dans le plan... et l'appelant sauva son appel, de manière inespéré, au grand dam de l'intimé déconfit... encore que...


Je vous livre l'arrêt (Cass. 2e civ., 17 sept. 2020, n° 19-18.884) :

« Vu les articles 905 et 914 du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure au décret no 2017-891 du 6 mai 2017 :

  1. Selon ces textes, dès qu’une affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre saisie en cas d’urgence ou si l’affaire est en état d’être jugée, le conseiller de la mise en état est dessaisi.
  2. Pour dire la déclaration d’appel caduque en application de l’article 908 du code de procédure civile, l’arrêt retient que l’affaire n’a pas initialement été orientée en circuit court, cette orientation ayant été décidée par le président de la chambre 6-4 le 12 octobre 2017 et consécutivement à la demande formulée le 15 septembre 2017 par l’appelant. Il ajoute qu’à défaut d’orientation de l’affaire en circuit court, antérieurement à cette date conformément aux dispositions de l’article 905 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au litige, le délai prévu par l’article 908 du code de procédure civile était applicable à l’instance de sorte que M. X disposait d’un délai de trois mois pour conclure à compter de sa déclaration d’appel à peine de caducité de celle-ci relevée d’office, que son appel ayant été interjeté le 9 février 2017, il devait déposer ses conclusions au plus tard le 9 mai 2017. Elle constate que ses conclusions ont été notifiées au greffe le 14 septembre 2017, soit hors délai.
  3. Il précise que l’orientation en circuit court n’a eu aucun effet sur le délai dans lequel M. X pouvait conclure, ce calendrier ayant fixé seulement la clôture, la date de plaidoirie et le délai pour conclure de l’intimé, et qu’en tout état de cause, le délai fixé par l’article 908 du code de procédure civile qui était expiré, ne pouvait pas être remis en cause de manière rétroactive.
  4. Il en déduit que la désignation d’un conseiller de la mise en état par ordonnance du 10 septembre 2018 dans le cadre des dispositions de l’article 907, n’a pas eu pour effet de modifier le délai dans lequel M. X devait conclure et de rendre applicable à cet égard à une instance en circuit court les dispositions de l’article 908 du code de procédure civile.
  5. En statuant ainsi, alors que la demande de caducité formée par conclusions du 13 novembre 2017 était irrecevable pour avoir été présentée postérieurement à l’orientation de l’affaire en circuit abrégé, le 12 octobre 2017, et sans que de nouvelles conclusions d’incident de caducité aient été remises lors de la désignation, le 10 septembre 2018, d’un conseiller de la mise en état, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
    PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le moyen, la Cour :
    CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 4 avril 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
    Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;
    »

L'appelant qui a failli dans ses obligations procédurales a demandé l'orientation du dossier en 905 après son délai pour conclure.

Mais l'intimé a commis l'erreur de saisir le conseiller de la mise en état, lequel était dessaisi depuis l'orientation de l'affaire en circuit court.

En effet, pour rappel, il n'y a pas de CME en bref délai.

Et le moyen de caducité est présenté à la cour. En effet, le président ne semble pas avoir la possibilité de statuer sur une caducité 908, l'article 905-2 ne visant évidemment pas cette disposition (voir Cass. 2e civ., 27 févr. 2020, n° 19-11.310).

Cependant, l'intimé pouvait-il utilement soulever la caducité ?

La question reste ouverte.

S'il ne peut saisir le CME, dessaisit, ni le président, qui n'a pas le pouvoir juridictionnel, la sanction doit néanmoins pouvoir être prononcée par la cour d'appel.

En effet, il existe un évènement attendu qui n'est pas survenu, et la caducité doit alors tomber. Il faut juste la demander au bon juge.

En conséquence, cette cassation avec renvoi risque finalement d'être une bonne nouvelle pour l'appelant, mais qui ne durera pas.

Sur renvoi de cassation, l'intimé initial, qui ne sera peut-être pas celui qui saisira la juridiction de renvoi, devrait pouvoir conclure à titre principal à la caducité de l'appel.

Et l'appelant répondra alors que les parties étaient en circuit court, de sorte qu'il y a eu purge au motif que la caducité n'a pas été constatée, ni même utilement soulevée, avant l'orientation de l'affaire en circuit court.

Les parties vont donc se trouver à nouveau à discuter procédure, l'arrêt de cassation n'ayant pas donné toutes les réponses utiles pour que la cour d'appel prennent position.

Rien n'exclut par conséquent que les parties aillent de nouveau devant la Cour de cassation pour savoir cette fois si l'orientation en circuit vaut ou purge, et si l'intimé, en circuit court, peut se prévaloir d'une caducité 908, et si oui dans quelles conditions.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE