Cet arrêt confirme, comme nous le pensions, que le président de chambre en circuit court n'a pas le pouvoir de se prononcer sur l'irrecevabilité de l'appel pour défaut de qualité (Cass. 2e civ., 12 avr. 2023, n° 21-12.852, Publié au bulletin.) :
« Vu les articles 905-2 et 916 du code de procédure civile :
6. Lorsque l’affaire est fixée à bref délai, l’étendue des pouvoirs juridictionnels du président de chambre étant délimitée par le premier de ces textes, celui-ci ne peut, dès lors, statuer sur l’irrecevabilité de l’appel pour défaut de qualité de l’appelant.
7. Il résulte du second de ces textes que, saisie par le déféré formé contre l’ordonnance du président de chambre, la cour d’appel ne statue que dans le champ de compétence d’attribution de ce dernier.
8. Pour déclarer irrecevable l’appel relevé par la société OFPI, l’arrêt retient que, dès lors qu’elle est saisie dans une procédure de « circuit court » ne supposant pas l’intervention du conseiller de la mise en état, de la question de la recevabilité de l’appel de la société OFPI, il appartient bien à la cour d’appel de trancher cette question, fût-ce sur saisine en déféré.
9. En statuant ainsi, alors que saisie par le déféré contre une ordonnance d’un président de chambre, la cour d’appel, qui, statuant dans le champ de compétence d’attribution de ce dernier, ne pouvait pas statuer sur l’irrecevabilité de l’appel pour défaut de qualité de l’appelant, a violé les textes susvisés. »
Et comme la cour d'appel, sur déféré, est liée par les pouvoirs du président, elle ne peut pas davantage trancher cette question de recevabilité, qui relèvera donc du pouvoir de la cour d'appel, en ce qu'elle juge au fond.
Comme cela fait longtemps, j'en profite pour faire un peu de pub' pour mon ouvrage Procédures d'appel 2022-2023, Dalloz collection delmas express.
J'y écrivais ceci :
- 52.22 Président et irrecevabilité de l’appel et des actes de procédure en application de l’article 930-1.
Les articles 905-1 et 905-2 semblent limiter les pouvoirs juridictionnels du président aux seules obligations procédurales mises à la charge des parties par ces articles. Cela concernera donc la caducité de la déclara-tion d’appel et l’irrecevabilité des conclusions découlant du manquement à ces articles.
Toutefois, l’article 905-2 in fine précise que « les ordonnances du président ou du magistrat désigné par le premier président de la chambre saisie statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application du présent article et de l’article 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal ».
Sont visées l’irrecevabilité de l’appel et l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en ap-plication de l’article 930-1 (il est redondant de viser « les conclusions et les actes de procédure » puisque les conclusions sont des actes de procédure), alors même qu’aucun texte ne prévoit qu’il a compétence pour trancher ces questions de procédure.
Cependant, la Cour de cassation, avant le décret du 6 mai 2017, avait admis cette compétence pour le conseiller de la mise en état, estimant « que l’article 930-1 du code de procédure civile se bornant à fixer les modalités selon lesquelles les diligences prescrites par les articles 908 à 910 du même code doivent être exécutées, le conseiller de la mise en état était compétent pour déclarer irrecevables les conclusions qui n’avaient pas respecté le formalisme prescrit » .
Le même raisonnement permet donc de considérer que le président pourra se prononcer sur l’application de l’article 930-1 dès lors qu’il s’agit d’apprécier si les parties ont accompli les diligences mises à leur charge à l’article 905-2. Il statuera donc sur la caducité de l’appel ou l’irrecevabilité des conclusions si la partie ne les a pas remises conformément aux modalités fixées à l’article 930-1.
Cependant, cela ne permet pas de donner compétence au président pour prononcer l’irrecevabilité de l’appel, quand bien même cet appel n’aurait pas été inscrit conformément aux dispositions de l’article 930-1. En effet, ni l’article 905-1 ni l’article 905-2 ne donne compétence au président pour statuer sur la recevabilité de l’appel.
Il semblerait que l’ordonnance du président qui statue sur l’irrecevabilité de l’appel, dont il est question à l’article 905-2 in fine renvoie aux articles 963 et 964 du code de procédure civile, et qui donne compétence au président de la chambre – en circuit ordinaire et en circuit court – pour prononcer l’irrecevabilité de l’appel pour non-acquittement du droit prévu à l’article 1635 bis P du code général des impôts.
Le président ne devrait donc pouvoir prononcer une irrecevabilité d’appel que dans ce seul cas, et cela explique l’apparente contradiction entre l’article 905-2 in fine et l’article 916 qui n’ouvre pas le déféré à l’ordonnance présidentielle qui statue sur la recevabilité de l’appel.
Mais le déféré de l’ordonnance présidentielle qui statue sur l’irrecevabilité pour non-acquittement du timbre fiscal est susceptible de déféré, en application de l’article 964 qui renvoie à l’article 916.
Bref, je n'avais pas tort...
Cela ne résout pas une aute difficulté, évoquée en point 52.23 de l'ouvrage : comment soulever une caducité qui dépend de la nullité d'un acte de procédure ?
Pour connaître la réponse, il faudra qu'elle soit soumise à la Cour de cassation.
En attendant, on peut juste faire des suppositions, voire des suggestions.