Comme cela arrive souvent, je dois attendre mon tour avant de pouvoir plaider.

En effet, la date retenue pour l'ancienneté au barreau des anciens avoués est celle de notre prestation de serment comme avoué. Et il est vrai qu'il était plus courant de devenir avoué entre 30 et 35 ans qu'avant 30 ans.

J'ai donc moins d'ancienneté que certains confrères pourtant plus jeunes... mais c'est certainement aussi que je fais très jeune...

Je dois donc attendre, et il n'est pas rare que je passe en dernier.

Et pendant que j'attends, j'entends et surtout j'écoute.

Et lorsqu'il s'agit de l'audience de la chambre des déférés, c'est souvent intéressant.

En l'espèce, deux consoeurs plaidaient avant moi. Le problème est celui d'un sursis à statuer.

Rien de très passionnant me direz-vous. Et c'est vrai que ce n'était pas d'un grand intérêt.

Ca l'est devenu lorsque le président a interrogé les consoeurs, après qu'elles aient plaidé.

"Votre appel, il est limité ?".

Gros blanc... Les consoeurs ne savaient pas trop. Et pour le savoir, elles regardent... les conclusions... Un coup d'oeil sur la déclaration d'appel aurait peu-être été davantage intéressant.

Le président poursuit :"L'appel est général. Mais le sursis à statuer, il a été refusé par le premier juge ? Donc, vous faites une demande de sursis devant la Cour et devant le conseiller de la mise en état ?".

Les consoeurs, penaudes, balbutient. Manifestement, elles ne voient pas trop où le président veut en venir.

Je commençais à sourire car je comprenais bien ce qu'il avait en tête.

Le président précise que cela pose peut-être un problème de compétence du conseiller de la mise en état.

Toujours rien...

L'une sort un "le juge de la mise en état (oui, en plus, il y avait confusion entre CME et JME) peut se prononcer sur une exception de procédure...".  "BZZZ ! Mauvaise réponse, vous ne reviendrez pas en deuxième semaine !".

Le président demande aux consoeurs de s'expliquer sur cette difficulté de procédure.

Mais non ! Et les consoeurs de demander la possibilité de faire... une note en délibéré, le temps de réfléchir à cette épineuse question qui va demander des heures et des heures de recherches... sauf que...

... c'est le genre de question qui pourrait être posée dans le cadre d'un oral en procédure civile.

Il n'y a pas de pièges, et la seule logique permettait de s'emparer de la difficulté.

La consoeur en défense sur la demande de sursis à statuer n'avait qu'un mot à dire, sans avoir à faire de longs développement sur l'intérêt ou pas d'ordonner le sursis à statuer.

Il suffisait juste de rappeler que le conseiller de la mise en état n'est pas juge d'appel. Tout était dit et c'était plié !

Et par conséquent, il ne peut donc lui être demandé, à ce CME, de se prononcer sur des chefs sur lesquels le premier juge s'est prononcé.

A défaut, c'est donner la possibilité à un juge du provisoire de revenir sur ce qu'un tribunal a décidé, par une décision qui a autorité de la chose jugée. La simple logique s'y oppose.

C'est pour cette raison d'ailleurs qu'il n'est pas possible de saisir le CME d'une demander d'expertise dès lors que cette demande d'expertise a écarté rejeté par le jugement dont appel.

Donc, évidemment que le conseiller de la mise en état ne pouvait pas être saisi de la question. Il n'en a pas le pouvoir.

Par ailleurs, et au surplus, il est acquis que le conseiller de la mise en état, s'il a compétence pour se prononcer sur les exceptions de procédure, ne peut se prononcer que sur celles qui affectent la procédure d'appel, sans pouvoir se prononcer sur celles qui concernent la procédure de première instance. Ainsi, c'est le CME qui se prononcera sur la régularité de l'acte de signification du jugement dont appel, mais c'est la cour qui devra se prononcer sur l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, alors même que l'argumentation procédurale serait la même.

C'est assez frustrant de voir des confrères sécher sur un point de procédure, sans pouvoir dire quoi que ce soit.

Lorsque les consoeurs sont sorties de l'audience, elles n'avaient manifestement pas compris ce qui était arrivé, ni ce que le président souhaitait.

Et j'ai cru voir que le président était assez étonné qu'il ne puisse lui être donné réponse à l'audience, sans avoir à faire une note en délibéré. C'est la raison pour laquelle il peut avait demandé de s'expliquer à l'audience, et il n'envisageait certainement pas une note en délibéré.

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

... pratiques qui ne seront pas les miennes.

Quel intérêt pour le cabinet d'envoyer de cette manière au casse-pipe des collaborateurs ?

De plus, c'est une mauvaise image qui est donnée du cabinet au magistrat.

M'enfin !

VBD

CL

Je viens de lire votre chronique et je suis surprise de votre commentaire. Vous savez très bien que certains Cabinet envoient de jeunes collaborateurs plaider des dossiers dont ils ne connaissent pas forcément toutes les ficelles ou parce qu'ils savent que leur action est erronée et qu'ils n'assument pas leurs erreurs. Ils préfèrent envoyer un jeune collaborateur qui se ridiculisera.

Vous faites part de votre frustration au motif que vous ne pouviez pas intervenir, vous auriez pu peut être lui suggérer oralement votre conseil.