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Par une ordonnance de mise en état du 19 juin 2013, le Conseiller de la mise en état de la 4e chambre de la Cour d'appel de Rennes (CA Rennes 4e OCME 19 juin 2013 , RG 12/03276, réf. cabinet 100168) a considéré que "les dispositions des articles 908 et 909 du Code de procédure civile ne peuvent avoir pour effet de faire obstacle aux dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile, qui permettent à une partie de soumettre à la Cour une nouvelle prétention née de la survenance ou la révélation d'un fait".

En l'espèce, ni la partie appelante, ni la partie intimée, n'avaient conclu dans son délai imparti respectivement par les articles 908 et 909 du CPC, à l'encontre de l'assureur d'une autre partie, lequel assureur était déjà présent devant le tribunal.

Suite à la mise en liquidation judiciaire de l'assuré postérieurement aux délais pour conclure, l'appelant et un intimé avaient conclu à l'encontre de l'assureur, et ce pour la première fois en appel.

L'assureur soutenait que les parties ne pouvaient conclure pour la première fois en appel à son encontre, et que rien ne s'opposait à ce que ces demandes soient formées avant la liquidation judiciaire de son assuré.

La Cour d'appel de Rennes n'a pas suivi cette argumentation, considérant que les demandes étaient recevables. La procédure collective, en l'espèce la liquidation judiciaire, constitue, pour le Conseiller de la mise en état, la survenance d'un fait qui oblige les parties à agir directement contre l'assureur, et rend recevables les demandes nouvelles.

La solution ainsi adoptée n'est pas évidente.

Elle oppose deux notions, à savoir la survenance d'un fait, visée à l'article 564 du CPC, et l'évolution du litige, visée à l'article 555 du même code.

La Cour de cassation a pu préciser "que la notion d'évolution du litige est étrangère à la recevabilité des demandes nouvelles formées en appel contre une personne qui était partie au procès devant le Tribunal" (Civ. 3e, 30 mars 1994, Bull. civ. III, no 70 - Civ. 3e, 25 janv. 1995, Bull. civ. III, no 25). L'arrêt d'appel (Civ. 3e, 25 janv. 1995) avait été cassé en ce qu'il avait déclaré recevable des demandes contre un assureur, au motif que la liquidation judiciaire de l'intimé n'avait été connue qu'au cours de la procédure d'appel. Pour les juges d'appel, censurés par la Cour de cassation, cette évolution du litige justifiait cette demande.

Certes, en l'espèce, la liquidation judiciaire était antérieure au jugement dont appel. Mais la solution mérite-t-elle d'être différente que la liquidation judiciaire soit intervenue avant ou après ?

Il n'en demeure pas moins que l'assureur était partie au procès dès la première instance, et que des demandes pouvaient en tout état de cause être formées à son encontre, que son assuré soit in bonis ou qu'il fasse l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

La liquidation judiciaire d'une partie semble constituer une "évolution du litige" ne permettant qu'une intervention forcée d'un tiers à la procédure. Si cette personne n'est pas un tiers, mais qu'elle était partie à la procédure, il doit être considéré que cette liquidation judiciaire ne permettrait pas de former contre elles des demandes qui auraient dû être formées dès la première instance.

Par conséquent, il n'est pas certain que la Cour de cassation fasse sienne la position rennaise.

 

Pour terminer, il est précisé que le demandeur a l'incident, pour rendre compétent le Conseiller de la mise en état, avait subtilement soulevé cette difficulté pour conclure à la caducité de la déclaration d'appel. Cela était contestable, mais aucune partie intéressée n'avait (assez curieusement) contesté la recevabilité d'un tel incident aux fins de caducité.

En effet, il est rappelé que l'irrecevabilité de prétentions est une fin de non-recevoir . Or, il n'est pas (plus ?) discutable que, sauf dispositions spécifiques, le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour statuer sur une fin de non-recevoir (Cass., avis, 13 février 2012, BICC 15 mars 2012). Aucune disposition ne prévoit que le CME peut soulever une irrecevabilité de prétention en raison de son caractère nouveau.

En réalité, le moyen de procédure invoqué par l'assureur ne pouvait tendre à la caducité de la déclaration d'appel mais uniquement à l'irrecevabilité des prétentions à son encontre.

C'est donc la formation collégiale de la cour d'appel qui aurait dû être saisie de ce moyen d'irrecevabilité des prétentions en ce qu'elles étaient nouvelles.

La partie devrait donc pouvoir reprendre ce moyen dans ses conclusions au fond.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE