La Cour de cassation admet que la requête remise par voie électronique est possible avant le 1er septembre 2020 (Cass. 2e civ., 8 déc. 2022, n° 21-14.144) :

« Vu les articles 748-1, 748-6, 917 du code de procédure civile et l’article 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
5. D’une part, selon la Cour européenne des droits de l’homme, le droit d’accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire ».Toutefois, le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l’État, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation. Cette réglementation par l’État peut varier dans le temps et dans l’espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l’article 6, § 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que si elles poursuivent un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Zubac c/Croatie, requête n° 40160/12, 5 avril 2018).
6. La Cour européenne des droits de l’homme précise, dans cet arrêt, qu’elle a accordé à plusieurs reprises une importance particulière au point de savoir si les modalités d’exercice du recours pouvaient passer pour prévisibles aux yeux du justiciable. La Cour examine ce point pour établir si la sanction du non-respect de ces modalités a méconnu le principe de proportionnalité (Mohr c. Luxembourg, n° 29236/95, 20 avril 1999, Lanschützer GmbH c. Autriche, n° 17402/08, 18 mars 2014, Henrioud c. France, n° 21444/11, 5 novembre 2015). En principe, une pratique judiciaire constante au niveau national et l’application cohérente de celle-ci satisfont au critère de prévisibilité d’une restriction à l’accès à la juridiction supérieure (Levages Prestations service c. France, n° 21920/93, 23 octobre 1996, Brualla de la Torre C. Espagne, n° 155/1996/774/975, 10 décembre 1997).
7. D’autre part, il résulte des dispositions de l’article 930-1, alinéa 1er, du code de procédure civile, qu’en matière de procédure avec représentation obligatoire, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.
8. Selon l’article 748-1 du code de procédure civile, figurant dans le titre vingt et unième du livre premier relatif aux dispositions communes à toutes les juridictions sur la communication par voie électronique, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectuées par voie électronique dans les conditions et modalités fixées par ce titre du code de procédure civile. Cette faculté d’effectuer ces actes par voie électronique est notamment subordonnée, en application de l’article 748-6 du même code, à l’emploi de procédés techniques garantissant, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, la fiabilité de l’identification des parties, l’intégrité des documents, ainsi que la confidentialité et la conservation des échanges et la date certaine des transmissions.
9. L’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel prévoit, à l’article 2, que peuvent être effectués entre auxiliaires de justice et la juridiction, les envois et remises des déclarations d’appel et des actes de constitution faits en application des articles 901 et 903 du code de procédure civile ainsi que des pièces qui leur sont associées. Sans les exclure expressément, cet arrêté ne visait pas les actes devant être remis au premier président d’une cour d’appel et c’est l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel qui prévoit désormais la transmission des actes de procédure au premier président de la cour d’appel par la voie électronique.
10. Saisie de la question de savoir si une partie appelante pouvait ou non valablement saisir un premier président par remise d’une requête établie sur support papier en vue de la fixation de l’affaire par priorité, la Cour de cassation a jugé que c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu la validité d’une telle remise et dit l’appel recevable (2e Civ., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-19.336, publié). Par cet arrêt, elle n’a pas été appelée à trancher le point de savoir s’il était possible de saisir le premier président d’une requête par voie électronique et quelle serait la sanction éventuelle dans cette procédure avec représentation obligatoire où la déclaration d’appel, devait, quant à elle, être nécessairement transmise par voie électronique.
11. Ce n’est que par un arrêt du 14 avril 2022 que la Cour de cassation a jugé que ce mode de saisine du premier président par une requête à jour fixe présentée avant le 1er septembre 2020, date de l’entrée en vigueur de l’arrêté du 20 mai 2020, était prohibé (2e Civ., 14 avril 2022, pourvoi n° 19-19.059).
12. Il en résulte qu’à défaut d’une règle dépourvue d’ambiguïté et d’une jurisprudence précise se prononçant sur la possibilité du recours au mode électronique pour la remise d’une requête à jour fixe au premier président d’une cour d’appel avant le 1er septembre 2020, la sanction de l’irrecevabilité de l’appel, au motif que la requête tendant à voir fixer une date d’audience par le premier président a été remise par voie électronique et non sur support papier, constitue une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge.
13. Dès lors, l’appelant, qui a formé appel contre un jugement d’orientation avant le 1er septembre 2020 et sollicité l’autorisation du premier président d’assigner à jour fixe en lui remettant sa requête par voie électronique, n’encourt pas pour ce motif l’irrecevabilité de son appel.
14. Pour déclarer l’appel irrecevable, l’arrêt retient qu’à la date du litige, les modalités techniques permettant le recours à la transmission électronique de la requête à fin d’être autorisé à assigner à jour fixe, adressée au premier président d’une cour d’appel, n’ont pas été définies par un arrêté du garde des Sceaux et en déduit que la requête prévue à l’article 917 du code de procédure civile devait être présentée au premier président ou à son délégataire sur support papier.
15. Le prononcé d’une telle sanction résultant de l’interprétation de la réglementation alors applicable mais insuffisamment prévisible, aboutit à priver la société Fujitsu d’un procès équitable au sens de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
16. L’arrêt doit, dès lors, être annulé
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Auteur: 
Christophe Lhermitte