Il existe, dans le code de procédure civile, deux articles formidables, qui s'articulent entre eux.

Il s'agit de 552 :

  • En cas de solidarité ou d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé par l'une conserve le droit d'appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l'instance.
  • Dans les mêmes cas, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance.
  • La cour peut ordonner d'office la mise en cause de tous les co-intéressés.

 

et de 553 :

  • En cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance ; l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.

 

Cela permet à l'appelant, par exemple, de compléter sa déclaration d'appel lorsqu'il manque une partie, et alors que cette absence est une cause d'irrecevabilité de l'appel. Et bien entendu, sinon ça ne servirait à rien, cela est possible même après le délai d'appel. Et c'est ça qui est magique.

Rappelons à l'occasion que cette seconde déclaration d'appel, comme nous l'a dit la Cour de cassation - et c'était loin d'être une évidence - n'introduit pas une instance d'appel, mais s'incorpore à la première déclaration d'appel, irrégulière puisqu'elle encourt une irrecevabilité.

Dans l'affaire qui nous intéresse, la Cour de cassation nosu rappel ce qu'est l'indivisibilité, à savoir « l’absence d’impossibilité d’exécuter simultanément deux décisions concernant les parties au litige, » (Cass. 2e civ., 23 mars 2023, n° 21-15.723, Publié au bulletin).

Et dans cette affaire, l'indivisbilité n'est pas démontrée. 

En conséquence, « l’appel de l’une des parties ne peut pas produire effet à l’égard d’une partie, qui ne s’est pas jointe à l’appel. »

En définitive, pour la Cour de cassation :

« 13. Par conséquent, en l’absence d’indivisibilité au sens de l’article 553 du code de procédure civile, l’infirmation de la décision de condamnation sur l’appel formé par l’une des parties condamnées solidairement ne produit pas d’effet à l’égard des autres parties condamnées.
14. L’arrêt infirme le jugement en ce qu’il a condamné solidairement M. [LI], M. [H], M. [J], M. [G] [ZT], M. [X], M. [L], M. [N], M. [C], Mme [WD], M. [MO], M. [R], M. [U] [ZT], M. [BG], M. [T] [A], M. [V] [A] et Mme [B] à payer à la société CACL la somme de 79 674 euros en réparation de son préjudice ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
15. En statuant ainsi, alors qu’elle n’était saisie que du seul appel relevé par Mme [BN] et qu’aucune indivisibilité au sens de l’article 553 du code de procédure civile n’étant caractérisée, seule l’appelante pouvait profiter de l’infirmation de la décision de condamnation, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
»

Il en résulte qu'une partie, condamnée solidairement en première instance, qui omet d'intimer les codébiteurs solidaires, et qui obtient la réformation du jugement à son profit, verra rapidement disparaître le bénéfice de cet arrêt de réformation.

En effet, si le créancier perd un débiteur, il continue de bénéficier de la condamnation du ou des autres débiteurs condamnés solidairement, puisque ce chef de condamnation n'est pas touché par l'arrêt de réformation.

Et ces codébiteurs soldiaires pourrton naturellement se retourner contre cet appelant, pour qu'il règle la part à sa charge.

En d'autre stermes, cet appel n'aura servi à rien, ou alors à pas grand-chose. Il échappe à une exécution du créancier, mais sans pouvoir opposer cette réformation aux codébiteurs solidaires.

En d'autres termes, il y a boulette !

Et ce d'autant qu'il suffisait d'intimer toutes les parties, et le tout était joué.

La perte de chance est évidente, puisqu'une intimation correcte aurait immanquablement permis d'échapper à toute exécution.

Rédiger une déclaration d'appel n'est pas un acte anodin.

L'intimation doit se réfléchir.

Il faudt savoir quelles parties intimer, ou ne pas intimer. Et le cas échéant, il faut s'assurer qui est véritablement la partie à intimer.

Au regard de la complexité de la technique en appel je trouve qu'il serait bien de prévoir une spécialisation en procédure d'appel... ah oui ! j'oubliais qu'elle existe... mais que c'est chasse gardée par quelques happy few qui pourtant voudraient bien la partager, cette spécialisation en procédure d'appel...

 

 

Auteur: 
Christophe Lhermitte