Le nouvelles dispositions issues du décret "Magendie" du 9 décembre 2009 ont installé un climat particulier, tout délai étant regardé avec une certaine angoisse... et tout manquement à un délai étant vu comme ze moyen de procédure à ne pas louper.
Il s'agit en l'espèce du délai pour former contredit.

L'article 82 du Code de procédure civile dispose que "Le contredit doit, à peine d'irrecevabilité, être motivé et remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les quinze jours de celle-ci".

La sanction est la même que celle qui fait peur, et que l'on trouve notamment au tant redouté article 909 du Code de procédure civile, à savoir l'irrecevabilité.

Mais qu'en est-il vraiment de cette irrecevabilité, et doit-on en avoir peur ?

Dans l'affaire qui nous intéresse, une partie adverse brandissait fièrement son moyen d'irrecevabilité, le contredit ayant été formé après le délai de quinzaine.

... ce qui du reste n'était pas totalement inexact.

Mais peu importe, et qui a connaissance de la jurisprudence bien établie en la matière ne pouvait voir ses nuits agitées du fait de ce moyen de procédure.

En effet, la Cour de cassation, qui évidemment a déjà eu l'occasion de se prononcer sur la question, a pu considérer que "le délai pour former contredit, ayant pour point de départ le prononcé du jugement, ne peut commencer à courir qu'autant que la date à laquelle le jugement devait être rendu a été portée à la connaissance des parties" (Civ. 2e, 20 mai 1974 ; Civ. 2e, 11 janv. 1978 ; Civ. 2e, 7 juill. 1983, Bull. civ. II, no 146 ; Civ. 2e,10 févr. 1993, Bull. civ. II, no 53 ; Civ. 2e, 11 juin 1997, Bull. civ. II, no 172 ; Civ. 2e, 19 mai 2005).

La Cour d'appel n'allait pas jouer les résistantes, dans un combat inutile. Est donc "confirmée" cette jurisprudence, si tant est que la cour ait eu à confirmer une jurisprudence non contestée (CA Rennes 28 avril 2015, n° 14/09142, réf. cabinet 100997).

Il ne ressort pas de cette mention que la date à laquelle le jugement devait être rendu ait été effectivement portée à la connaissance des parties par le président ; Le délai de contredit n’a, par conséquent, pas couru et le recours déclaré le 15 septembre 2014 doit être déclaré recevable ;

D'ailleurs, s'il est un moyen de procédure que nous ne soulevons jamais au cabinet, c'est bien celui-à tant il est impossible d'obtenir une irrecevabilité de contredit. Et nous préférons réserver nos moyens de procédure lorsqu'ils sont - de notre point de vue tout au moins - pertinents.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Bonjour !

Je lis toujours avec grand intérêt vos articles.

Celui-ci m'inspire une question : quel est le point de départ du délai de 15 j, ou plus exactement, comment prouve-t-on que le jugement a été porté à la connaissance des parties ?
Par signification ? ou la simple mention au jugement ("mis à disposition le...") suffit-elle ?

Merci de votre précision !

Bonjour, et tout d'abord merci.

Le délai de quinze jours court du jugement - c'est comme pour le déféré... la souplesse en moins... - mais en pratique, il est quasiment impossible de faire courir le délai de quinze jours du jugement.
Au regard de la jurisprudence, qui écarte à chaque fois le jugement comme pouvant constituer le point de départ du délai, j'avoue que je ne sais pas trop ce qui pourrait effectivement faire courir ce délai du jugement. Pourtant, il y a des moments où on se dit que manifestement, ce délai aurait dû courir... mais non ! Les décisions citées sous 82 CPC démontrent bien que c'est - en l'état, et jusqu'à ce que la Cour de cassation renforce sa jurisprudence, ce dont je doute toutefois - une irrecevabilité impossible.

En revanche, il en va différemment si le jugement a été notifié. Ainsi, plus de contestation possible, et l'irrecevabilité pourra être retenue si le contredit est formé plus de quinze jours après la notification... quand bien même ce délai de quinze jours ne serait mentionné dans l'acte, et là, on peut ne plus saisir la logique de la jurisprudence de la Cour de cassation...

Bien à vous,

CL

Merci beaucoup de votre réponse ; j'avoue que je m'y perds et que la position de la Cour de cassation me semble peu cohérente dans ce cas...
VBD

ND