L'effet dévolutif et les chefs critiqués, le sujet à la mode depuis quelques mois déjà.

La Cour de cassation rend un arrêt qui ne apprend rien que nous ne sachions déjà (Cass. 2e civ., 20 mai 2021, n° 20-13.638) :

« Vu les articles 546, 562 et 901 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
6. Selon le troisième de ces textes, la déclaration d’appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
7. Il résulte de ce texte et des deux premiers, interprétés à la lumière de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que la déclaration d’appel, nulle, erronée ou incomplète, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai pour conclure, une seconde déclaration d’appel pouvant ainsi venir étendre la critique du jugement à d’autres chefs non critiqués dans la première déclaration, la seconde déclaration s’incorporant à la première.
8. Pour déclarer irrecevable l’appel formé par déclaration du 10 avril 2019, l’ arrêt retient que cette déclaration s’ajoute à celle du 11 mars 2019, formée par les mêmes parties contre la même intimée à l’encontre de la même décision, et que la cour d’appel est régulièrement saisie du premier appel de sorte que celui formé le 10 avril 2019 est irrecevable, faute d’intérêt à interjeter appel.
9. En statuant ainsi, alors que l’appelant est en droit d’étendre son appel, par une déclaration complétant les chefs de dispositifs critiqués par la précédente, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure, de telle sorte que le point de départ pour conclure qui court à compter de la première déclaration n’en est pas modifié, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 janvier 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;
»

De manière inattendue, pour moi à tout le moins, la Cour de cassation avait accepté qu'une seconde déclaration d'appel puisse étendre la dévolution fixée par une première déclaration. En effet, et il s'agissait d'un revirement par rapport à ce qui avait pu être dit sous l'ère ante-Magendienne, la limitation de la première ne valait pas acquiescement des chefs non mentionnés.

Cette seconde DA complète la précédente, sans intoduire une nouvelle instance d'appel. Cet acte de procédure, rectificatif ou plus exactement complétif, s'incorpore au premier qui est celui qui a saisi la cour d'appel. Pour cette raison, le délai 908 court de l'acte de saisine, qui est le premier.

Cette notion de "seconde déclaration d'appel" est un peu subtil, et n'est pas toujours compris... il est même trop rarement compris...

Il est pourtant important de bien le comprendre, car de cela découle une compréhension d'autres problèmes de procédure.

Pour cette raison, à n'en pas douter, la Cour de cassation aura encore l'occasion de se prononcer sur cette question de la seconde déclaration d'appel qui n'introduit pas nécessairement une instance d'appel, mais qui peut aussi avoir cet objet (et là, je parle "objet" au sens de l'article 54), car c'est de cela qu'il semble s'agir.

Trop souvent, pour soulever une irrecevabilité, il est sorti le "appel sur appel ne vaut", comme si cela ressortait du code.

Mais on fait dire à ces quelques mots ce qu'ils ne dient pas.

Il n'est pas toujours interdit (pour cause d'irrecevabilité) de refaire un acte d'appel.

Il faut regarder plein de choses : la DA n° 1 est-elle menacée de caducité ? a-t-elle été déclarée irrecevable ? est-elle irrègulière, et cette irrégularité a-t-elle donné lieu à une sanction ? les intimés sont-ils les mêmes sur la DA n° 2 ? exite-t-il une indivisibilité ? etc.

Auteur: 
Christophe Lhermitte