Quand on est mal, il faut être inventif.

On le rencontre souvent en procédure civile, la partie préférant dire n'importe quoi plutôt que de se taire.

C'est le syndrome dit du loto, ou du Jean-Claude Dusse, qui nous fait espérer que l'impossible peut arriver... sur un malentendu. Ben oui, on ne sait jamais, même si souvent on sait bien ce qui va arriver...

Un appelant se fait piéger en faisant appel dans des formes inadéquates, à savoir une LRAR.

Mais l'appelant se reprend, et comprend en ouvrant le petit livre rouge qu'il vient de recevoir en cadeau, que l'appel se fait par voie électronique. Mais c'est bien sûr !

Evidemment, sinon ça serait sans intérêt, le second appel est fait hors délai.

Et suite logique, l'irrecevabilité pour tardiveté lui est opposée.

C'est alors que le cerveau malin de notre appelant se met en branle : je connais la jurisprudence sous 2241 du Code civil, et je vais l'exploiter.

Et pour les besoins de mon raisonnement, je vais considérer que constitue un "vice de procédure", tout ce qui rend bancal ma procédure. Cela permet d'englober les nullités, dont nous savons qu'elles entrent dans l'application de 2241 du Code civil, mais surtout l'irrecevabilité.

Donc, l'irrecevabilité ayant vicié ma procédure, je bénéficie de l'interruption du fait de l'irrecevabilité du premier appel. Tel est le raisonnement tenu par l'appelant.

Mais la Cour de cassation, tout comme avant elle la Cour d'appel, ne s'en laisse pas compter conter.

Le vice de procédure dont il est question à l'article 2241 du Code civil s'entend au sens procédural, pas au sens du langage courant. Donc, l'interruption ne profite à la partie qu'en cas de nullité, qu'elle résulte d'une irrégularité de fond ou d'un vice de forme, comme nous l'a dit la Cour de cassation (Civ. 2e, 1 juin 2017, n° 16-15568, Publié au bulletin Rejet) :

 

 

Sur le moyen unique :

Attendu, selon arrêt attaqué (Paris, 16 février 2016), que la société Guillemin et la société Agep ont fait signifier à la société AG2R prévoyance, les 9 et 13 février 2015, un jugement d'un tribunal de grande instance déclarant recevable l'appel en garantie de la société Guillemin contre la société Agep et déboutant la société AG2R prévoyance de l'ensemble de ses demandes ; que cette dernière a interjeté appel du jugement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 mars 2015, puis formé un nouvel appel par la voie électronique le 19 mars 2015 ; que le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel irrecevable ;

Attendu que la société AG2R prévoyance fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme tardif l'appel formé le 19 mars 2015 alors, selon le moyen, qu'une fin de non-recevoir, si elle ne constitue pas un vice de forme ou de fond, constitue un « vice de procédure » au sens de l'article 2241, alinéa 2, du code civil ; qu'en l'espèce, l'irrégularité de l'appel formé par AG2R prévoyance le 3 mars 2015 par lettre recommandée constituait une fin de non-recevoir, de sorte que le délai de forclusion d'appel avait été interrompu par cet appel et que le second appel régulièrement formé par voie électronique le 19 mars 2015 était recevable ; qu'en décidant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement rappelé que le défaut de saisine régulière de la cour d'appel, sanctionné par l'article 930-1 du code de procédure civile, ne constitue pas un vice de forme ou de fond de l'acte d'appel sanctionné par la nullité de l'acte d'appel, mais une fin de non-recevoir de sorte que les dispositions de l'article 2241 du code civil, relatives à l'annulation de l'acte de saisine de la juridiction par l'effet d'un vice de procédure, ne sont pas applicables, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que la déclaration d'appel adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 mars 2015 n'avait pas interrompu le délai d'appel et que l'appel régularisé par voie électronique le 19 mars 2015 était irrecevable comme tardif ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

 

 

le défaut de saisine régulière de la cour d'appel, sanctionné par l'article 930-1 du code de procédure civile, ne constitue pas un vice de forme ou de fond  (...) mais une fin de non-recevoir

 

L'appelant a-t-il cru une seule seconde que cette argumentation aurait pu prospérer ?

Personnellement, je n'aurais pas misé dessus, et j'avoue que si j'avais été en difficulté, j'aurais fortement hésité à soutenir une telle argumentation. C'était tout de même faire une interprétation assez particulière de l'article 2241 du Code civil.

Heureusement que la Cour de cassation a statué dans ce sens. dans le cas contraire, nous pouvions craindre une certaine insécurité juridique.

Dommage pour notre appelant malheureux, mais tant mieux pour la procédure civile qui ne s'en porte que mieux.

 

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

On saluera bien volontiers cette défense de la procédure civile... dont la conception demeure pourtant à définir. Il faudrait peut-être avant que de s'autoriser pareille formule apprendre à ouvrir les portes et les fenêtres pour regarder dans le temps et dans l'espace. Il faut sans doute rappeler que la fin de non-recevoir qui sanctionne la substitution d'acte n'était - hier encore - qu'une irrégularité de fond. Vanité des vanités...
Je préciserai en outre pour conclure que l'interprétation toute particulière de l'article 2241 du code civil qui semble susciter votre étonnement est celle là même que défendait le représentant du ministère public à l'occasion de l'avis rendu par la deuxième chambre civile le 8 octobre 2015 sur interrogation de la chambre commerciale. Peut-être que notre magistrat du parquet s'était avisé de la dérive de la fin de non-recevoir laquelle conduit à transmuter en cause d’irrecevabilité de simples irrégularités de procédure.

Bonjour,

"la Cour de cassation, tout comme avant elle la Cour d’appel, ne s’en laisse pas compter" ou "conter" ?

Merci,

Bonjour,

Effectivement, oui.

Le problème des articles sur le blog, pas toujours relus... D'ailleurs, je crois qu'ils contiennent à peu tous des erreurs diverses et variées.

Je corrige et merci d'avoir appelé mon attention.

Cordialement,

CL

bonjour l'avocat de mon ex employeur a commis une erreur d'identité sur la personne dans l’entête,mais à l’intérieur du dossier parle bien de moi mais en mélangeant les deux dossier(nous sommes deux salarié victime de travail dissimulé),mon avocat a envoyé une requête sur incident mais que va t-il se passé,

Faucardage à tours de cass pour faire fondre les rôles sous-jaçants
A bon oyeur salut.