Ce n'est pas un arrêt publié.

Mais il est l'occasion de répondre à une problématique qui peut se poser : l'absence d'une pièce dans le dossier remis à la juridiction.

Cela peut arriver à tout le monde, et cet arrêt est assez rassurant quant aux risques encourues.

La reproduction de cette décision suffira, sans qu'il y ait lieu à de longs commentaires (Civ. 2e, 17 mai 2018, n° 17-12499, non publié au bulletin) :

 

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 29 décembre 2011, Mme Z..., propriétaire d'une maison endommagée par un incendie survenu le 26 février 2010, et son assureur, la société Aviva assurances, ont fait assigner en indemnisation la société ERDF et la société Moulard et fils ; qu'un jugement du 11 avril 2014 a condamné la société ERDF à payer une certaine somme à l'assureur, débouté Mme Z... de toutes ses demandes et débouté l'assureur et la société ERDF de toutes leurs demandes à l'égard de la société Moulard et fils ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande en garantie formée par la société ERDF à l'encontre de la société Moulard et fils, l'arrêt retient que c'est le 22 avril 2010, à l'occasion de l'expertise diligentée à l'initiative de l'assureur, que la société ERDF a eu connaissance de ce que l'incendie avait pris naissance dans la ventilation mécanique contrôlée, que pour écarter la prescription triennale prévue à l'article 1386-17 du code civil, la société ERDF explique que c'est dans des conclusions du 29 juin 2012 que pour la première fois elle a formé une demande de partage de responsabilité à l'encontre de la société Moulard et fils, soit dans les trois ans s'étant écoulés depuis le 22 avril 2010, que cependant, la pièce n° 16 qu'elle vise au soutien de cette affirmation est un jeu de conclusions émanant de l'assureur et de Mme Z..., que le jugement entrepris fait état de conclusions de la société ERDF du 3 mai 2013 et qu'en conséquence, faute pour cette dernière de justifier qu'elle a formé des demandes à l'encontre de la société Moulard et fils, au travers de conclusions devant les premiers juges, avant le 22 avril 2013, elle est prescrite en son action ;

Qu'en statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier d'une pièce qui figurait au bordereau annexé aux dernières conclusions de la société ERDF, sous la mention « pièce n° 16 - conclusions régularisées le 29 juin 2012 en perspective de l'audience de mise en état du 17 septembre 2012 », et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en garantie formée par la société ERDF à l'encontre de la société Moulard et fils sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil, l'arrêt rendu le 26 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

 

En conséquence, si le juge s'aperçoit qu'il manque une pièce, qui pourtant est visée, et pour laquelle l'adversaire n'a émis aucune contestation quant à la communication, il doit la demander à la partie concernée.

Et ce n'est que si la partie néglige de la transmettre qu'il pourra en tirer les conséquences qui s'imposent en terme d'administration de la preuve..

Mais ce préalable consistant à demande cet élément de preuve est impératif.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE