Cet arrêt ne donne pas une solution nouvelle, la Cour de cassation s'étant déjà prononcée en ce sens par un arrêt dont j'ai pu faire un commentaire pour Dalloz (Cass. 2e civ., 9 sept. 2021, n° 20-13.371) :

« 6. Pour dire que la déclaration de saisine des sociétés Ipanema et Possible est dépourvue d’effet dévolutif et, en conséquence, que la cour d’appel n’est saisie d’aucun litige, l’arrêt rappelle, d’abord, que l’article 901 du code de procédure civile, tel qu’il résulte de l’article 13 du décret susvisé du 6 mai 2017, prévoit que la déclaration d’appel contient, à peine de nullité, « les dispositions du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible », que l’article 562 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 10 du même décret dispose que « L’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs du jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent », que l’article 1032 du même code dispose que « La juridiction de renvoi est saisie par déclaration au greffe de cette juridiction » et que l’article 1033 précise que « La déclaration contient les mentions exigées pour l’acte introductif d’instance devant cette juridiction ». L’arrêt ajoute que selon l’article 1er du décret du 2 août 2017, « les dispositions des articles 7 à 21 des second, cinquième et sixième alinéas de l’article 22, des articles 23 à 29, de l’article 31, du 2o de l’article 32 et des articles 34, 41 et 42 s’appliquent aux appels formés à compter du 1er septembre 2017. Ces dispositions et celles de l’article 40 s’appliquent aux instances consécutives à un renvoi après cassation lorsque la juridiction de renvoi est saisie à compter du 1er septembre 2017. »
7. L’arrêt retient, en outre, que parmi les mentions exigées de l’acte introductif d’instance devant la cour d’appel figurent notamment celles des articles 562 et 901 du code de procédure civile précitées, issus respectivement des articles 10 et 13 du décret et exigeant que l’acte d’appel énumère les chefs du jugement expressément critiqués. Il en déduit que, depuis le 1er septembre 2017 et sauf à priver l’article 1033 du code de procédure civile et l’article 1er du décret du 2 août 2017 de toute portée, l’acte de saisine de la juridiction de renvoi doit énumérer les chefs du jugement de première instance qui sont critiqués afin que l’effet dévolutif opère, et qu’à défaut, si l’appel initial était suffisant pour opérer effet dévolutif, suivant l’article 625 du code de procédure civile qu’elles visent, pour démontrer que les parties n’ont pas besoin d’énumérer les chefs du jugement qu’elles critiquent puisqu’elles se trouvent dans l’état où elles se trouvaient avant la décision cassée, ces dispositions seraient inutiles.
8. Enfin, l’arrêt énonce qu’il n’est pas soutenu et qu’il n’apparaît pas dans l’acte de saisine que le litige est indivisible ou que la saisine tend à l’annulation du jugement, retient que seul l’acte d’appel, en l’occurrence l’acte de saisine, opère dévolution à l’exclusion des conclusions des parties, et constate que cet acte de saisine se contente de formuler les prétentions des sociétés Ipanema et Possible, sans énumérer les chefs du jugement que ces sociétés critiquent.
9. En statuant ainsi, alors que la cour d’appel de renvoi était investie par l’arrêt de cassation de la connaissance de l’entier litige tel qu’il avait été déféré au juge d’appel, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
»

Mais il démontre une chose.

Il démontre, et c'est fort regrettable que les cours d'appel, même lorsque les juges s'y mettent à plusieurs, peuvent rendre des décisions aberrantes sur le plan procédural. Et ça, ce n'est pas très rassurant ? !

Comment un magistrat et l’avocat qui a soulevé ce moyen pouvaient imaginer que la déclaration de saisine pouvait emporter dévolution ? ? Il y en a qui ont séché procédure civile à la fac !

Il peut exister des thèses méritant la discussion, et dont l’issue est loin d’être évidente.

Mais là, franchement, le doute était-il permis ? Ben non !

Pour la petite histoire, j’ai subi une telle décision de la part de la chambre commerciale de la cour d’appel de Rennes. No comment...? J’attends l’arrêt de cassation sur lequel je n’ai aucun doute…? L’affaire reviendra devant la cour d’appel de Rennes après cassation, après que nous ayons perdu plusieurs années, et cette fois-ci, la cour devra se prononcer sur le fond, enfin !

Bien entendu, avocats et magistrats ne peuvent tout connaître. Et continuellement, nous nous interrogeons. J’ai pour ma part plein de doutes, de questions, alors même que je ne pense pas être le plus mauvais en procédure. Et je me trompe aussi, J’en ai le droit, d’autant qu’elle est complexe, cette procédure civile, et plus spécialement celle d’appel.

Mais je ne m’explique toujours pas pour quelles raisons, lorsqu’un doute existe, le juge n’interroge pas la Cour de cassation ? C'est une chance, et les juges n'en profitent pas. Cette possibilité de demander un avis est tout de même très rarement utilisée, alors qu’elle éviterait des aberrations. Cela permettrait en outre de gagner du temps, la solution étant donnée sans attendre un pourvoi en cassation.

Personnellement, si je pouvais interroger la Cour de cassation, je ne manquerai pas d’y avoir recours.

Désormais, espérons que tout le monde a comprius ce qu'est un renvoi de cassation, et ce qu'est une déclaration de saisine... ?

Auteur: 
Christophe Lhermitte

Commentaires

La demande d'avis n'est

La demande d'avis n'est possible que pour les questions de droit nouvelles, ce qui limite la possibilité pour les juges de remédier à un défaut de maîtrise de la procédure par ce biais ?

Le vrai problème est sans doute que la procédure n'est pas considérée comme une spécialité en juridiction. Par exemple, les recrutements de juristes assistants se font sur des compétences de droit substantiel, pas de droit procédural.

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Oui, mais les questions

Oui, mais les questions nouvelles sont nombreuses, et les juges d’appel préfèrent trop souvent donner leur vision, alors même qu’ils n’ont pas toutes les clés pour appréhender la difficulté dans toute son ampleur ?

Il est dommage que la procédure ne soit pas regardée comme une spécialité.

Et ça, c’est la faute à la profession, le CNB refusant d’en faire la 27e spécialité ?

C’est absurde alors que l’on sait que c’est la première cause de sinistre.

Je n’arrive vraiment pas à m’expliquer ce blocage, sachant que je ne veux pas penser qu’il s’agit des restes d’une vieille haine contre une profession disparue, et dont nous voudrions éviter la renaissance… même si, qu’on le veuille ou non, le phénix renaît de ses cendres ?…

Portrait de Christophe Lhermitte

Bien vu ?

Bien vu ?

Il semblerait que ce débouté doit être formé dès la première instance pour la partie comparante. Il en ira différemment si cette partie était non comparante, auquel cas ce débouté pourra être formé dans le cadre d’un appel, mais sans pouvoir former, a priori, d’autres prétentions.

De plus en plus, les choses se jouent devant le premier juge, et le rattrapage en appel va devenir problématique, avec une voie qui sera définitivement fermée avec Césaréo.