Le "débouté" est trop souvent l'oublié des conclusions.

On le regarde un peu comme une formule de style, ce qu'il n'est pas.

Ce n'est pas juste pour faire joli qu'il apparaît dans le dispositif des conclusions, mais bien parce qu'il correspond à quelque chose.

Cet arrêt de la Cour de cassation nous le rappelle, et le défendeur, en l'occurence la CPAM, l'apprendra à ses dépens (Cass. 2e civ., 9 sept. 2021, n° 20-17.435) :

« 5. L’article 563 du code de procédure civile ne permet aux parties en cause d’appel d’invoquer des moyens nouveaux, de produire de nouvelles pièces ou de proposer de nouvelles preuves qu’à l’effet de justifier des prétentions que ces parties avaient préalablement soumises au premier juge.

6. Ayant constaté qu’en première instance la caisse s’était bornée à soulever la péremption d’instance, de sorte qu’elle n’avait pas prétendu au rejet des prétentions adverses, c’est sans méconnaître les dispositions de cet article, qui autorise les parties en appel à invoquer des moyens nouveaux pour justifier les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, que la cour d’appel a retenu que la demande de rejet des prétentions adverses formées par la caisse était irrecevable. »

 

Lorsqu'une partie est en défense, et subit des prétentions, bien souvent, la seule prétention qu'il aura à former est une demande de débouté.

En matière prud'homale, c'est flagrant : un salarié présente un tas de prétentions dont l'employeur demande le rejet. Et en appel, l'employeur appelant conclura à l'infirmation du jugement et par conséquent au débouté des demandes du salarié. S'il ne le fait, ç a craint dur pour lui car, alors, il ne forme aucune prétention, et c'est une caducité qui lui pend au nez.

Donc, oui, il ne faut négliger cette demande de "débouté".

D'ailleurs, dans l'ouvrage Procédures d'appel, je le rappelais car je me suis rendu compte que c'est souvent oublié. Dans le cadre de mon activité de postulation, c'est très souvent que je suggère au confrère ou à la consoeur de modifier les conclusions pour y ajouter cette demande (c'est ça aussi, la plus value de l'avocat postulant).

 

 

 

Auteur: 
Christophe Lhermitte

Commentaires

Quid alors de 564 CPC qui

Quid alors de 564 CPC qui dispose "A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour (...) faire écarter les prétentions adverses (...)" ?

Portrait de Christophe Lhermitte

Bien vu ?

Bien vu ?

Il semblerait que ce débouté doit être formé dès la première instance pour la partie comparante. Il en ira différemment si cette partie était non comparante, auquel cas ce débouté pourra être formé dans le cadre d’un appel, mais sans pouvoir former, a priori, d’autres prétentions.

De plus en plus, les choses se jouent devant le premier juge, et le rattrapage en appel va devenir problématique, avec une voie qui sera définitivement fermée avec Césaréo.

Pour le coup, cela me semble

Pour le coup, cela me semble être une jurisprudence clairement contra legem.

Si l'on continue à présenter l'interdiction de prétentions nouvelles en appel comme le principe, il m'a toujours paru que les textes instauraient tellement d'exceptions que le principe était réduit à bien peu de choses...en particulier en raison de la recevabilité des demandes reconventionnelles, qui par essence élargissent l'objet du litige.

Il paraît d'ailleurs plus qu'étrange qu'on puisse formuler pour la 1ère fois en appel une demande reconventionnelle, mais pas conclure pour la 1ère fois au rejet de la demande adverse.

 

Ah, l'arrêt étant enfin

Ah, l'arrêt étant enfin accessible sur légifrance, j'ai pu voir que la Cour de cassation en prononce heureusement la cassation au visa de l'article 564 CPC.

C'est la rédaction de la décision qui prête à confusion: le pourvoi se fonde bizarrement sur la violation de 563 CPC (clairement hors sujet), et la Cour de cassation prend la peine de répondre à cet argument (qui contredit au passage celui donnant lieu à cassation) pour le dire mal fondé (en réalité, hors-sujet, puisque 563 CPC s'applique aux moyens et pas aux prétentions). On saluera au passage la CA de Versailles, qui a arrêté de lire le code à l'article 563 CPC...

Il n'en reste pas moins que, in fine, le pourvoi a raison de dire qu'une "demande" de débouté n'est en réalité qu'une défense au fond, en tant que telle recevable en tout état de cause.

 

Portrait de Christophe Lhermitte

"On saluera au passage la CA

"On saluera au passage la CA de Versailles, qui a arrêté de lire le code à l'article 563 CPC..." crying