Et voilà la preuve que les juges d’appel n’apprennent pas leurs leçons.

Résultat ! C’est le rattrapage… aux frais de la partie, évidemment.

Cet arrêt me rappelle étrangement une affaire dans laquelle j’avais pris la suite d’une consoeur qui avait essuyé une caducité.

Je m’étais démené devant la cour d’appel, sur déféré, pour leur faire comprendre que le conseiller de la mise en état s’était planté.

Les présidents m’ont écouté attentivement, mais je voyais bien que mon argumentation ne les convainquait pas. Bref, je n’étais pas pris tellement au sérieux, et on me regardait plutôt comme celui qui essayait de jouer les pompiers.

Pourtant, je croyais à mon argumentation.

J’avais même plaidé en précisant que personnellement, je n’aurais jamais un tel incident.

Mais j’écris, j’écris, et vous ne savez toujours pas de quoi il s’agit.

Il s’agir de ceci (Cass. 2e civ., 30 sept. 2021, n° 20-15.057) :

« Réponse de la Cour
Vu les articles 748-3, 908 et 930-1 du code de procédure civile et les articles 2, 4, 5 et 8 de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel :
7. Il résulte de ces textes que l’appelant dispose, à peine de caducité de sa déclaration d’appel, d’un délai de trois mois à compter de cette déclaration pour remettre ses conclusions au greffe par la voie électronique et la cour d’appel est régulièrement saisie des conclusions que cette partie lui a transmises, par le Réseau privé virtuel avocat (RPVA), en pièce jointe à un message électronique ayant fait l’objet d’un avis électronique de réception mentionnant ces conclusions au nombre des pièces jointes.
8. Pour prononcer la caducité de la déclaration d’appel formée par M. et Mme [W], l’arrêt retient que si, pour échapper à la caducité, les appelants prétendent que les textes du code de procédure civile n’ont pas prévu le cas d’une partie qui dépose des conclusions dans le délai, mais sous un autre numéro de répertoire général comme en l’espèce, cette situation ne fait l’objet d’aucune distinction quant à la sanction que le juge doit, même d’office, appliquer.
9. L’arrêt retient également qu’il ne s’agit nullement d’une erreur matérielle mais d’une erreur portant sur l’identification de la procédure, objet du litige, que cette erreur a été commise en pleine connaissance de cause, le conseil de M. et Mme [W] ayant introduit tant un appel principal qu’un appel incident, que pour chacun d’entre eux, il lui a été attribué un numéro de répertoire général indispensable pour accéder à chacune des procédures distinctes via le système RPVA, de sorte qu’en introduisant sous le n° de RG de l’appel incident des conclusions destinées à l’appel principal, l’avocat était pleinement conscient de l’affectation de ces conclusions au dossier correspondant au numéro inscrit, tant au RPVA que sur lesdites conclusions, et que s’il en était besoin, la désignation de ses clients comme partie intervenante, et non comme appelant sur le RPVA lorsqu’il a procédé à la transmission, aurait dû attirer son attention.
10. L’arrêt énonce encore que la direction du procès, qui appartient à chaque partie pour les transmissions électroniques qu’elle est tenue de faire dans les délais fixés par les textes, ne peut supposer l’existence d’une initiative du greffe pour réaffecter des conclusions que celui-ci jugerait mal orientées, et ce d’autant que c’est à compter de la notification de ces conclusions que part le délai ouvert aux autres parties pour y répondre et qu’on ne saurait ainsi priver ces dernières d’un tel droit.
11. En statuant ainsi, tout en constatant que M. et Mme [W] avaient transmis au greffe de la cour d’appel des conclusions relatives à l’instance d’appel, dans un délai de trois mois suivant leur déclaration d’appel, de sorte qu’elle était saisie de ces conclusions en dépit de l’indication d’un numéro de répertoire erroné, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne comporte pas, a violé les textes susvisés.
»

La procédure est compliquée, et elle l’est de plus en plus.

Mais il faut aussi parfois faire preuve de logique, et essayer de comprendre le sens de la règle pour savoir si la partie a ou non respecté son obligation procédurale.

Cet arrêt est, sauf erreur, rédigé dans le même sens que dans l’affaire dont je faisais état plus haut.

Car oui, j’ai oublié de le préciser : il a fallu aller en cassation pour que entendre que la thèse que je soutenais devant la chambre des déférés n’était pas stupide (et je remercie en même l’avocat à la Cour de cassation qui a été parfait, comme toujours).

On demande à la partie de remettre des conclusions dans un délai déterminé, par voie électronique.

Si ça va dans le mauvais dossier, peu importe.

Lorsque nous étions à l’ère papier, le greffier prenait les conclusions mal rangées ou mal dirigées, et les mettait dans le bon dossier, sans sanction.

Pour quelles raisons en irait-il autrement aujourd’hui, au seul motif qu’on nous a facilité la vie avec la communication électronique ?

On peut admettre une procédure rigoureuse, avec des sanctions terribles. Mais on peut aussi faire preuve de logique, sans tomber dans un formalisme excessif dépourvu de sens.

Auteur: 
Christophe Lhermitte

Commentaires

Est-ce une ignorance, ou une

Est-ce une ignorance, ou une réticence ? 

Vu le nombre d'arrêts sur ce point, on en viendrait à croire à une fronde des CA, qui voudraient faire avaliser leur sanction des erreurs sur le n°RG par la Cour de cassation. 

L'ère numérique ayant à dessein transféré de nombreuses charges procédurales sur les avocats pour décharger les greffiers, comment les premiers osent-ils encore attendre des seconds qu'ils lisent les dossiers et corrigent les erreurs "d'étiquette" sur les conclusions ? cheeky

Portrait de Christophe Lhermitte

La réticence supposerait une

La réticence supposerait une prise de position procédurale.

Rien de tel, à mon avis.

Ce qui domine, malheureusement, c'est un incompréhention des règles de procédure, hormis pour le basique... et encore...

Les arrêts rendus sur ces problèmes de RG démontrent toute cette incompréhension. On fait de la procédure sans se poser de questions sur le sens, sur une vision globale, et sans lier les points de procédure entre eux.

On peut ne pas être d'accord avec les arrêts rendus par la Cour de cassaiton, mais force est de constater qu'il y a une incroyable cohérence entre les décisions. Tout s'emboîte. Rien de tel devant les cours d'appel, qui n'arrivent pas à comprendre qu'il s'agit d'une construction, d'un ensemble qui doit conserver sa cohérence. On se prononce au cas par cas, ce qui n'aide pas à établir une jurisprudence. Pour cette raison, en procédure, je ne regarde jamais ce que les cours d'appel rendent sur telle ou telle quesiton car il était aisé de trouver ujne chose et son contraire, même au sein de la même cour d'appel.