CPC

 

La Conférence des Bâtonniers a rédigé un rapport tendant à un toilettage de la réforme de la procédure d'appel en matière civile.

Rappelons que la procédure civile d'appel a été récemment modifiée, par le décret du 9 décembre 2009, aussi appelé, à tort, le "décret Magendie". Il est donc proposé par la Conférence des bâtonniers une réécriture de certaines dispositions.

LES PROPOSITION DU PROJET DE REFORME

  • Article 902 du Code de procédure civile :

Il est proposé de décaler la signification de la déclaration d'appel à celle des conclusions. Cette proposition est heureuse en ce qu'elle évite au justiciable d'exposer le coût supplémentaire d'un acte d'huissier pour signifier la déclaration d'appel. En revanche, la rédaction proposée de cet article 902 du Code de procédure civile n'est peut-être pas la plus appropriée. Notamment, il n'y a aucun intérêt à préciser que les conclusions signifiées doivent "contenir" le bordereau.

Cette précision est parfaitement inutile dès lors que les conclusions de l'article 908 du Code de procédure civile sont nécessairement des conclusions de l'article 954 du Code de procédure civile, lequel prévoit depuis déjà quelques années l'annexion d'un bordereau (décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998).

En l'état des textes, il est déjà prévu que les conclusions signifiées contiennent un bordereau.

D'autre part, il est permis de s'interroger sur l'intérêt de préciser que la signification des conclusions doit être déposée au greffe. Cette précision risque d'aboutir à de nouvelles interrogations notamment en terme de sanction à défaut d'accomplir ces formalités. 

De plus, il n'est peut-être pas des plus judicieux d'encombrer un greffe, qui l'est déjà bien assez, par l'envoi d'un acte, alors qu'entre temps la partie a pu constituer avocat.

Il sera toujours temps d'adresser cet acte de signification au greffe dans l'hypothèse où se poserait le problème de la caducité de la déclaration d'appel soulevée d'office pour absence de signification des conclusions à un intimé défaillant.

L'encombrement des greffes milite pour un allégement de leur charge de travail, ce qui doit passer par une diminution des envois au greffe.

D'ailleurs, dans le même sens d'un allègement du travail des greffes, la pratique née en 2012, consistant à envoyer (de manière inutile) les pièces au greffe alors qu'aucun texte ne le prévoit, est remise en cause.

Il est à noter qu'avant le 1er janvier 2012 marquant la suppression des avoués, les pièces n'étaient jamais transmises au greffe par ces derniers.

Le problème de l'article 902 du Code de procédure civile, en sa rédaction actuelle, est surtout de savoir si la déclaration d'appel doit être signifiée dans l'hypothèse où entre temps, c'est-à-dire dans le délai d'un mois de l'avis de greffe, la partie constitue avocat. Il n'est rien prévu à cet égard et une lecture stricte du texte oblige, par sécurité, à faire signifier la déclaration d'appel en tout état de cause, dès lors que l'avocat de l'appelant s'est vu remettre l'avis du greffe. Il faudrait ajouter à cet article que "toutefois, si entre temps la partie a constitué avocat, il n'y a pas lieu de procéder à la signification de la déclaration d'appel".

  • Article 903 du Code de procédure civile :

Il est proposé d'insérer un renvoi à l'article 960 du Code de procédure civile.

Ce renvoi est inutile.

Quiconque maîtrise la procédure d'appel, ce qui est le cas de tous les avocats qui postulent devant les cours d'appel, connaît nécessairement cette disposition.

D'une manière générale, il est préférable d'éviter des renvois à d'autres articles, sauf lorsque cela est nécessaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Un renvoi peut poser des problèmes en cas de modification d'une disposition, avec les modifications en cascade qui s'ensuivent.

La modification proposée est sans intérêt, ou alors, il faudrait également modifier l'article 960 qui devrait renvoyer aux articles 2 et 3 de l'arrêté du 30 mars 2011, etc.

Il n'est pas inutile de rappeler que l'article 903 du Code de procédure civile est le pendant de l'article 756 du Code de procédure civile devant le tribunal de grande instance. Or, cet article 756 du Code de procédure civile ne renvoie pas quant à lui aux articles 814 et suivants du Code de procédure civile, lesquels sont les pendants des articles 960 et suivants du Code de procédure civile pour la procédure devant la cour d'appel.

Quitte à modifier l'article 903 du Code de procédure civile, il faudrait donc, en toute logique, modifier également l'article 756 du Code de procédure civile, ce qui n'est cependant pas proposé.

  • L'article 906 du Code de procédure civile :

La communication des pièces est devenu un problème avec l'avis regrettable de la Cour de cassation (avis n° 1200005 du 25 juin 2012).

La rédaction proposée par le projet de réforme n'est pas convaincante.

Le renvoi à l'article 954 du Code de procédure civile est inutile.

Il est évident, et la jurisprudence a pu le rappeler, que les conclusions de l'article 908, et de l'article 909 du reste, sont des conclusions répondant nécessairement aux dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile.

Le délai de huit jours pour communiquer des pièces n'est pas pertinent.

Le problème continuera de se poser de la communication de pièces en original à plusieurs parties, une communication à l'autre partie supposant une restitution de ces pièces en original.

Le plus simple serait très certainement de réécrire l'article 132 du Code de procédure civile, en rétablissant l'alinéa 3 supprimé par le décret du 9 décembre 2009.

  • L'article 909 du Code de procédure civile :

La proposition de laisser trois mois à l'intimé pour conclure est opportune.

Rien ne justifie en effet un délai plus court que celui laissé à l'appelant, lequel délai peut paraître encore plus court lorsque les conclusions de l'appelant sont notifiées en juin. En revanche, le point de départ proposé par la Conférence des Bâtonniers pose problème. 

Se pose déjà la question de savoir ce qu'est une "date tardive".

Surtout, la rédaction proposée laisse à penser que si l'appelant n'a pas de pièces à communiquer, ce qui est envisageable, l'intimé n'aurait aucun délai pour conclure.

De même, si l'appelant communique de nouvelles pièces, ce qui lui est bien évidemment possible, l'intimé aurait à chaque fois un nouveau délai, ou alors il pourrait conclure dans ce nouveau délai de trois mois alors même qu'il aurait omis de conclure dans le "premier délai".

Une telle rédaction est source de très nombreux problèmes.

La rédaction actuelle doit être conservée, sous réserve toutefois de porter le délai pour conclure à trois mois.

  • L'article 910 du Code de procédure civile :

Ce qui a été dit pour l'article 909 du Code de procédure civile vaut pour la proposition de modification de l'article 910 du Code de procédure civile.

Au surplus, un intervenant forcé, qui par définition n'aura communication des pièces que lorsqu'il constituera avocat, peut décider de retarder son propre délai pour conclure en différant sa constitution d'avocat.

En effet, tant qu'il n'aura pas constitué avocat, il n'aura pas communication des pièces de sorte que le délai de trois mois ne courrait pas.

En revanche, se pose le problème du délai pour conclure de l'intervenant volontaire.

Ce dernier n'a aucun [délai pour conclure|tag:délai pour conclure] et la notification des conclusions par les autres parties ne fait courir aucun délai à son encontre, faute pour lui d'être partie intimée.

Peut-être pourrait-il être envisagé que l'intervenant volontaire doit conclure dans le délai de trois mois de son intervention volontaire sous peine d'irrecevabilité relevée d'office.

  • L'article 910-1 nouveau du Code de procédure civile :

Cette nouvelle disposition proposée reste obscure.

L'objectif n'est pas très clair et il est difficile de voir l'intérêt d'un tel article qui au surplus laisse à penser qu'un intimé peut conclure une seule fois dans le délai de deux mois.

  • L'article 911-1 du Code de procédure civile :

Si le Conseiller de la mise en état peut d'office réduire les délais, il peut bien évidemment le faire tout autant à la demande d'une partie.

La modification proposée n'apporte rien au pouvoir du conseiller de la mise en état.

De la même manière que la caducité de la déclaration d'appel et l'irrecevabilité des conclusions doivent être relevées d'office, rien n'empêche la partie d'informer, par simple courrier, le conseiller de cette difficulté afin qu'il constate cette caducité ou prononce cette irrecevabilité.

  • L'article 912 du Code de procédure civile :

Prévoir l'accord des avocats est quelque peu excessif et peut être ressentie comme une marque de défiance à l'égard du magistrat.

Même si le procès est la chose des parties, le magistrat en est le chef d'orchestre, et il doit pouvoir décider de la fixation d'une affaire ou d'un délai pour conclure s'il le juge opportun.

De plus, que se passe-t'il s'il a l'accord de l'un des avocats mais pas de l'autre avocat ? Le conseiller pourrait-il passer outre ?

Le magistrat doit rester maître du calendrier, même s'il doit tenir compte de la position des parties, lesquelles font part de leur avis.

 

LES QUESTIONS QUI RESTENT EN SUSPENS

Ce toilettage voudrait faciliter l'appréhension du procès d'appel par les avocats.

Cependant, en voulant résoudre quelques difficultés, ce projet en pose de nouvelles et surtout n'aborde pas les difficultés réelles que pose l'application du décret du 9 décembre 2009.

  • Le déféré des ordonnances déclarant recevables les conclusions de l'intimé :

Il a pu être vu que si l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui déclare irrecevables les conclusions de l'intimé peut être déférée à la formation collégiale de la cour (article 916 du Code de procédure civile), il n'en est pas de même de celle qui déclare recevables de telles conclusions.

Or, cela crée manifestement une insécurité, l'intimé sauvé par l'ordonnance pouvant en définitive se trouver en position très difficile dès lors que l'ordonnance du conseiller de la mise en état ne serait pas conforme aux textes.

Ainsi, l'appelant qui a été débouté de son moyen d'irrecevabilité, alors que ce moyen était sérieux, pourra alors décider de faire un pourvoi si l'arrêt de la cour, sur le fond, lui est défavorable.

Il s'agit là d'un faux cadeau fait à l'intimé.

Il serait pour le moins opportun de vider au stade de la cour d'appel tous les problèmes de procédure.

L'article 916 du Code de procédure civile mérite d'être complétée, pour permettre de déférer à la formation collégiale de la cour d'appel toutes les décisions statuant sur l'irrecevabilité des conclusions.

La référence même aux articles 909 et 910 du Code de procédure civile devrait être supprimée, dès lors que des conclusions peuvent être irrecevables par application des dispositions des articles 960 et 961 du Code de procédure civile.

Or, l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé au regard des articles 960 et 961 du Code de procédure civile est nécessairement liée à une irrecevabilité au regard de l'article 909 du Code de procédure civile. Pour cette raison, l'article 914 du Code de procédure civile pourrait donner compétence au conseiller de la mise en état de statuer sur toute irrecevabilité de conclusions, sans restreindre ce pouvoir aux seules articles 909 et 910 du Code de procédure civile.

  • Les procédures d'appel sans déclaration d'appel :

Il n'est pas non plus fait état des procédures d'appel dont l'acte introductif n'est pas une déclaration d'appel comme en matière de contredit.

En effet, le Code de procédure civile prévoit que si un contredit a été régularisé, alors que c'était la voie de l'appel qui était ouverte, la cour d'appel demeure néanmoins saisie, sans qu'il y ait lieu de former un acte d'appel (art. 91 du Code de procédure civile).

Or, dans un tel cas de figure, en l'absence de déclaration d'appel, le délai de l'article 908 du Code de procédure civile ne peut courir.

C'est donc l'appelant qui décidera de la date à laquelle il entend conclure, sauf injonction de conclure délivrée par la cour d'appel.

L'appelant qui ne conclura pas dans le délai de l'injonction ne court pas le risque que sa déclaration d'appel soit déclarée caduque. 

En revanche, l'intimé connaît un sort moins favorable dès lors que compte tenu de la rédaction de l'article 909 du Code de procédure civile, le délai de deux mois courra à compter de la notification des conclusions de l'appelant.

À l'extrême, il pourrait être envisagé que la partie qui souhaite échapper au délai de trois mois de l'article 908 du Code de procédure civile, et à la sanction de la caducité de la déclaration d'appel, pourrait former son appel par la voie du contredit.

  • La signification de la déclaration d'appel à la partie qui constitue entre temps avocat :

Le problème se pose aussi de savoir si la déclaration d'appel doit être notifiée à la partie qui constitue avocat dans le mois de la remise de l'avis du greffe de l'article 902 du Code de procédure civile.

Une lecture stricte du texte laisse à penser que cette diligence doit être effectuée, même si entre temps la partie a constitué avocat.

Une précision telle que celle contenue à l'article 911 du Code de procédure civile serait la bienvenue.

  • L'omission du jugement à la déclaration d'appel :

Un autre problème, non moins important, se pose quant à la rédaction de l'article 901 du Code de procédure civile, et notamment quant à l'obligation de joindre le jugement à l'acte d'appel électronique.

L'omission de ce jugement emporte-t'il l'irrecevabilité de la déclaration d'appel, comme a pu le juger la Cour d'appel de Rennes (notamment CA Rennes 4 octobre 2012), ou alors faut- il faire application de la jurisprudence en matière sociale (par exemple Soc. 19 juin 2007: Bull. civ. V, n° 108, JCP 2007. IV. 2571), étant précisé que la rédaction de l'article R146-1-1 du Code du travail n'est pas très différente de celle de l'article 901 du Code de procédure civile, en ce qu'il impose de joindre le jugement dont appel à l'acte d'appel.

L'article 930-1 du Code de procédure civile impose la voie électronique pour l'acte d'appel.

L'acte de procédure, au sens de 930-1, est l'acte d'appel (ou la constitution, etc.).

Or, le jugement visé à l'article 901 du Code de procédure civile n'est pas un acte de procédure mais une pièce de la procédure associée à l'acte de procédure.

L'omission de ce jugement pourrait donc être considérée comme une simple irrégularité de forme (art. 112 et suivants du Code de procédure civile), de telle sorte qu'elle devrait être soulevée par la partie, et sous condition de justifier d'un grief.

D'un autre côté, l'article 3 de l'arrêté du 30 mars 2011 fait état des "pièces" associées à l'acte d'appel, lesquelles pièces doivent être transmises par voie électronique.

Cela plaiderait en faveur de la caducité de la déclaration d'appel.

Il pourrait donc être opportun de préciser la nature de la sanction encourue en cas d'omission du jugement, même si ce genre de problème devrait rester relativement rare.

  • Le délai pour conclure de l'intervenant volontaire :

Si l'intervenant forcé est concerné par le décret du 9 décembre 2009, il n'en est pas de même de l'intervenant volontaire.

Ce dernier n'est soumis à aucun délai pour conclure, alors que l'intervenant forcé dispose quant à lui d'un délai de trois mois pour conclure (art. 910 alinéa 2 du Code de procédure civile).

Pour contraindre l'intervenant volontaire à conclure, la partie pourrait être incitée à l'assigner en intervention forcée.

Le plus simple serait de prévoir que l'intervenant volontaire doit conclure dans le délai de trois mois, ce délai pouvant courir à compter de la constitution d'avocat.

 

Ce n'est là que quelques points qui posent difficultés.

Cette liste n'est pas exhaustive, loin s'en faut.

Le décret du 9 décembre 2009, qui a certainement les défauts de sa jeunesse, et dont les problèmes ne sont apparus qu'à l'usage, mérite indiscutablement quelques réglages.

Cela étant, si des modifications seraient les bienvenues, l'économie même du texte doit être conservée, la rigueur imposée étant opportune au stade de l'appel.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Bonjour,

Je me permets de vous poser quelques questions concernant la procédure d'appel. Je suis étudiante en master 1 et je suis sur un cas pratique que je ne peux résoudre sans avoir la réponse aux questions suivantes. Mes recherches jurisprudentielles n'ayant rien donné, je me permets de vous soumettre mes questions.
Est ce que l'intervenant forcé en appel dispose lui aussi d'un délai de 15 jours pour constituer avocat ? Si oui, à compter de quand ce délai court-il ? Serait-ce à partir de l'assignation par l'intimé si c'est l'intimé qui demande l'intervention forcée ?

Respectueusement,
Anastasia Pobokova.

Bonjour,
La pratique a souvent été de mentionner un délai de quinzaine là où il n'y en avait pas, par attraction probablement des articles 755 et 908 (ancien) du CPC.
Or, le CPC n'a jamais prévu de délai de comparution pour l'intervenant forcé.
Par conséquent, que ce soit sous les actuelles dispositions, ou les anciennes, la partie assignée en intervention forcée n'a pas de délais. L'assignation pourrait donc parfaitement être délivrée quelques jours seulement avant l'audience, sans encourir la nullité.
Après, tout est question de dosage, et le principe de loyauté et celui de la contradiction incitent en fait à laisser le temps à l'intervenant forcé de se retourner.
En appel, il faut tenir compte du délai de trois mois qui est laissé à l'intervenant forcé pour conclure.
J'espère avoir répondu à vos interrogations.
Cordialement,

CL