C'est à cette question que la Cour de cassation répond par un arrêt du 15 mai 2013 qui fera l'objet d'une large diffusion, les juges suprêmes ayant décidé de sa publication (Cass. civ. 1re 15 mai 2013, F-P+B+I, pourvoi n° 12-11.516).

La réponse a cette interrogation est essentielle dès lors qu'elle conditionne la date à laquelle l'époux ou l'épouse cessera de devoir régler la pension alimentaire, et par conséquent la date à laquelle la prestation compensatoire sera exigible.

La Cour de cassation a statué en ces termes (graissé par nos soins) :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :  Vu les articles 254 et 255 du code civil, ensemble les articles 1121 et 1122 du code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 26 mai 2004 ; Attendu que la pension alimentaire allouée pendant la procédure de divorce prend fin à la date à laquelle le divorce devient irrévocable ; (...) Qu’en statuant ainsi, alors que la pension alimentaire ne cessait d’être due qu’à l’issue du délai ouvert pour former un pourvoi contre la disposition de l’arrêt qui avait confirmé le jugement ayant prononcé le divorce des époux, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a dit que M. Y... est créancier de Mme X... pour la somme de 27 945,67 euros au titre d’un trop versé de pension alimentaire, l’arrêt rendu le 26 septembre 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens

 

Cette décision ne constitue pas un revirement de jurisprudence, et n'est pas en soi une surprise.

Il est à noter qu'il est nécessaire que la cour d'appel se soit prononcée du chef du divorce.

Si la Cour d'appel n'était saisie que des mesures accessoires au divorce, il devrait être considéré que le divorce est devenu irrévocable dès le prononcé de l'arrêt.

Il est rappelé à l'occasion que l'époux qui a obtenu satisfaction du chef du prononcé du divorce ne peut se voir opposer le caractère irrévocable du divorce, et le défaut d'intérêt (art. 546 du CPC) à faire appel d'un chef pour lequel cette partie a pourtant eu satisfaction (voir l'avis de la Cour de cassation).

Il est donc dans l'intérêt de l'époux bénéficiaire de la pension alimentaire de conclure du chef du divorce devant la cour d'appel s'il souhaite continuer à bénéficier de la pension alimentaire le plus longtemps possible.

La Cour de cassation rappelle au passage qu'une décision qui n'est plus susceptible d'aucune voie de recours est une décision "irrévocable", et non une décision "définitive", qui est malheureusement le terme fréquemment utilisé pour qualifier ce type de décisions (le jugement définitif est celui qui tranche le principal, par opposition au jugement avant dire droit).

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Si j'ai bien compris ce jugement, pour ce qui me concerne mon divorce a été prononcé en avril 2011 et l'appel conclu en JUILLET 2012 mais pendant toute cette période et jusqu'à ce jour j'ai continué à verser le devoir de secours car elle avait refuser de payer l'enregistrement de la prestation compensatoire jusqu'à ce que je trouve une parade pour débloquer la situation. Je peux donc déduire de la prestation toutes les sommes que j'ai continué à verser depuis 2011? Merci de me répondre.

Cher Monsieur,

Vous comprendrez que ce blog n'a pas vocation à donner des avis, au demeurant gratuite, sur tel ou tel dossier. Et cela d'autant qu'une telle réponse nous engagerait, et qu'il n'est pas possible de donner un avis éclairé sans avoir tous les éléments en mains.
Je suis donc en l'état dans l'impossibilité de vous répondre.
Si toutefois vous avez besoin d'une réponse sur un point précis, je vous invite à contacter le cabinet. Nous vous répondrons de la manière la plus complète après avoir examiné les pièces de votre dossier.

Cordialement,

CL

Bonjour Maitre,
J'ai lu vos commentaires précédents il se trouve que ma situation est semblable : je verse un devoir de secours depuis le 31 janvier 2012 jour de passage devant au tribunal , le divorce a été prononcé le le le 24 octobre 2014 suite à cette décision j'ai fais appel concernant uniquement la prestation compensatoire , pouvez vous me dire si le versement du devoir de secours aurait du cesser ce 24 octobre 2014 .
Merci pour votre réponse Maitre.

Bonjour,

La matière est toujours délicate, et il est risqué - voire peu sérieux - de se prononcer sans avoir connaissance de toutes le pièces.

Même si a priori, je dirai que le devoir de secours reste dû, ce n'est qu'un a priori.

Je vous invite à interroger votre avocat qui doit avoir toutes les cartes en mains pour vous répondre.

Bien cordialement,

CL

Bonjour Maitre,
Merci de nous avoir éclairer sur cette question complexe du devoir de secours.
J'ai une petite question générale de principe si vous pouviez me répondre :
En cas d'appel uniquement limité au montant de la prestation compensatoire, et lorsque la réponse de l'intimé (la créanciere de cette prestation) ne constitue pas un appel incident et ne mettant pas en cause le jugement de divorce en lui meme prononcé lors de la premiere instance au TGI, serait il possible d'interrompre le versement de la pension alimentaire de secours due à la créancière, puisque le divorce est devenu irrévocable ?
Merci de me répondre clairement car je ne suis pas spécialiste en droit. en vous remerciant d'avance

Pas spécialiste en droit, mais votre question reflète déjà une certaine connaissance en procédure.
La jurisprudence est plutôt protectrice du bénéficiaire de la pension alimentaire au titre du devoir de secours.

Il y a quelques années, j'avais obtenu de la Cour d'appel de Rennes que le divorce soit reconnu comme ayant force de chose jugée sur le fondement de l'article 546 du CPC, dès lors que l'appel était limité, et que le bénéficiaire de la PA, intimé, n'avait pas intérêt au sens procédural à faire appel incident du chef du divorce prononcé aux torts de l'appelant.
Mais cette jurisprudence a fait long feu.
Un peu plus récemment (et bien avant le décret Magendie), j'avais tenté devant Rennes de faire reconnaître que le devoir de secours avait cessé à la date de conclusions, ce qui avait provoqué un avis de la Cour de cassation sur cette question. Comme attendu, la Cour de cassation a écarté ma thèse.

Désormais, ce que l'on peut retenir est que - a priori, et sous réserve de ce qui sera dit plus bas -, sauf acquiescement de part et d'autre du chef du divorce, il est quasiment impossible de mettre fin au devoir de secours en cours de procédure.

Je poursuis mon raisonnement pour être complet, mais cela devient plus technique. Vous m'en excuserez par avance.

Cela étant, la question reste posée avec les nouvelles dispositions issues du décret dit "Magendie". La jurisprudence de la Cour de cassation en la matière est-elle transposable ? J'en doute, a priori, dès lors que l'appel demeure une voie d'achèvement et que le délai posé par les articles 908 et 909 est un délai pour conclure, et non un délai pour présenter ses prétentions.

Dans votre cas, il serait considéré que l'intimé peut fort bien former un appel incident du chef du divorce, jusqu'à la clôture de l'instruction, malgré la limitation de l'appel. Le devoir de secours cesserait donc alors à la date de l'arrêt, voire à l'expiration du délai de pourvoi. Pour cette raison, l'intimé aurait intérêt à demander confirmation du jugement y compris en ses dispositions concernant le divorce. Ainsi, l'effet dévolutif serait étendu, et la cour serait saisie du chef du divorce qu'elle ne pourra que confirmer. Mais confirmer revient à prendre position de ce chef. L'intimé bénéficiaire de la PA doit donc veiller à ne pas limiter ses conclusions à la seule prestation compensatoire, faute de quoi le débiteur de la PA pourrait discuter de la date à laquelle il a été mis fin à ce devoir de secours... discussion qu'il ne faudra engager qu'à la fin du procès, lorsqu'il s'agira de faire les comptes.
Il y a une véritable stratégie à adopter en la matière, pour gagner quelques mois... ou en perdre.

Cordialement,

CL

Je comprends très bien votre raisonnement et je suis certain de bien avoir compris le sens de ce jugement je vais donc faire ce que je fais depuis pas mal de temps cet à dire continuer à me débrouiller seul, ça prend un peu plus de temps mais j'arrive à avancer dans le bon sens. je fais simplement le travail de quelqu'un d'autre. Je vous remercie pour votre réponse. Cordialement.

Bonjour,

Comme j'ai pu l'indiquer sur ce blog, la jurisprudence n'existe pas aujourd'hui.
Le délai pour conclure est-il un délai pour présenter ses prétentions ? Aujourd'hui, a priori, non, mais cela sera-t-il toujours le cas ? Probablement que non.
Quoi qu'il en soit, quelle sera la position de la Cour de cassation qui a tout de même été protectrice des droits de celui qui perçoit la pension alimentaire au titre du devoir de secours ?
Je n'en sais rien.
Sur le plan strictement juridique, nous pourrions effectivement estimer que le divorce acquiert force de chose jugée à l'expiration du délai de l'article 909 lorsque l'intimé est irrecevable à conclure, et ce d'autant que la Cour de cassation a pu préciser que cette même partie ne retrouve pas son droit de conclure même si l'appelant conclut ou communique des pièces (Civ. 2e, 29 janv. 2015).
Mais la Cour de cassation n'a pas hésité à considérer, depuis longtemps, que même lorsque la partie intimé n'a pas intérêt - au sens procédural, CPC art. 546 - à se porter appelant incident (divorce aux torts exclusifs de l'appelant qui a limité son appel aux mesures accessoires), le divorce n'acquiert force de chose jugée qu'en cas d'acquiescement de part et d'autre.
Rigueur procédurale ou maintien des droits du "plus faible" ? Nous verrons...

A toutes fins, je vous précise que les mesures accessoires au divorce sont revêtues de droit de l'exécution provisoire dans les conditions de l'article 1074-1 du CPC. Donc, pour la contribution alimentaire, le droit de visite et d'hébergement, notamment, ce sont les dispositions du jugement de divorce qui s'appliquent, et non plus les mesures provisoires de l'ONC, nonobstant appel.
La problématique concerne la pension alimentaire devoir de secours, qui prendra fin lorsque le divorce aura force de chose jugée.

CL

Cher Maître

Je suis dans le même cas de Mr Samir, mais l'intimé est frappé par l'irrecevabilité de ses conclusions pour retard d'un mois,
Si je combine les articles 500 du code de procédure civile et 254 et 255 du code civil les procédures provisoires prennent fin lorsque le jugement de divorce passe en force de chose jugée , Le jugement est alors insusceptible d'un recours suspensif d'exécution
Ne pourrait on pas considérer que les mesures provisoires ont cessé puisque le jugement de Divorce ne peut plus faire l'objet d'un appel incident et que l'appel principal est limité aux aspects financiers

Bien à vous

Bonjour,

La question est compliquée, et dépend de beaucoup de paramètres.
Il n'est donc pas possible de donner une réponse exacte. Il faut voir avec tous les éléments.

Cordialement,

CL

quand le divorce a été prononcé par le TGI après accord des deux parties. peut-on arrêter de payer le devoir de secours. même si le bénéficiare n'a pas encore adressé son acquièsement à ce jugement. ?

il est écrit sur jugement divorce:(madame L.a entretenu une relation amoureuse quelques semaines après sa requete en divorce avant l'ordonnance de non- conciliation;) divorce torts partagés prononcés.Quand la pension alimentaire au titre de devoir de secours cesse-t-elle?je l'ai payée jusqu'a l'obtention de la garde alternée .

La problématique pension alimentaire devoir de secours est trop délicate pour qu'il puisse y être répondu de cette manière.

Désolé.

bonjour
mon divorce a été prononcé aux tords excusifs a mon ex mari et par force jugée et statué en premier ressort est ce qu il devient definitif
mon ex doit me verser suite au jugement des domages et interets peut il faire appel et quel delai a t il pour me verser la somme merci

Bonjour,

D'une manière général, l'appel est d'un mois pour un jugement.

S'il y a exécution provisoire, ordonnée ou de droit, l'appel ne sera pas suspensif et celui qui fait appel doit exécuter la décision. Dans le cas contraire, il faut attendre l'expiration du délai d'appel ou de l'appel.

Je vous invite à consulter un avocat.

Cordialement,

CL

Merci Maître d'avoir pris la peine de me donner votre avis sur la question.

J'ai également lu votre article "Appel Général et Mesure d'instruction" et je commence à trouver mon "hiver 233" moins glacial.

Cordialement

Bonjour Maître,

Vous notiez en mai 2013, tout en haut de cette page :"...... l’époux qui a obtenu satisfaction du chef du prononcé du divorce ne peut se voir opposer le caractère irrévocable du divorce, et le défaut d’intérêt (art. 546 du CPC) à faire appel d’un chef pour lequel cette partie a pourtant eu satisfaction (voir l’avis de la Cour de cassation)".

Pensez vous, avec la réforme de l'appel et la fin de l'appel général, que cela soit toujours vrai ou bien qu'au contraire, un divorce prononcé conformément aux dispositions des articles 233 et 234 du Code Civil ne peut plus être remis en question devant la Cour?

Bonjour,

C'est un des points qui m'a posé question, lorsque j'ai pris connaissance de la réforme de mai 2017 (voir à cet égard D. avocats juin 2017, commentaire de la réforme).

D'un point de vue strictement procédural, je dirais que la nouvelle rédaction de 562 devrait avoir pour conséquence d'appliquer à la "nouvelle" procédure d'appel la jurisprudence que nous connaissons sous l'article 1087.

Mais la Cour de cassation trouvera peut-être une parade, comme elle l'a déjà fait après la réforme du divorce de 2004, pour éviter que le débiteur de la pension alimentaire de voir de secours se retrouve sans le sous nonobstant l'appel. La Cour de cassation avait pu considérer que celui qui avait obtenu un divorce aux torts de l'autre continuait de percevoir la pension alimentaire, retenant que le divorce ne pouvait acquérir force de chose jugée qu'en cas d'acquiescement de part et d'autre... et ce alors même que l'appelant était dépourvu d'intérêt au sens de l'article 546 à faire appel du chef du prononcé de divorce aux torts de l'autre. J'obtenais de la Cour d'appel de Rennes des décisions favorables au créancier de la pension alimentaire, en invoquant l'article 546.

Mais ce sera alors une position d'opportunité de la part de la Cour de cassation, motivée par ce que l'on pourrait qualifier l'équité, car au regard des textes, le divorce devrait acquérir force de chose jugée dès son prononcé, nonobstant appel, dans les divorces 233.

Cordialement,

CL

Bonjour Maître,

J'ai lu toute la discussion qui s'étale sur plusieurs années et qui est fort intéressante.J'avais une question plus actuelle...

Lors d'un appel d'un jugement de divorce limité à la prestation compensatoire, postérieurement à la réforme de l'appel de septembre 2017, savez vous jusqu'à quand est dû le devoir de secours dorénavant si l'autre partie ne fait pas d'appel incident ? est ce différent d'avant la réforme?

Bonjour,

La réforme a, à mon avis, modifié la situation (voie Dalloz Avocats juin 2017).

La question se pose aujourd'hui, mais restera en suspens tant que la Cour de cassation n'aura pas donné sa lecture.

Mais selon moi, la jurisprudence sous 1087 du CPC devient transposable en appel.

Cordialement,

CL

Merci Maître,

En transposant avec les règles du pourvoi, j'en déduis que depuis septembre 2017, lors de l'appel principal d'un jugement de divorce limité à la prestation compensatoire, le devoir de secours ne cesserait d'être dû qu'à l'issue du délai ouvert pour faire appel contre le jugement de divorce et non pas le jour de l'appel principal. Il serait par conséquent dû encore un mois à compter de la signification du jugement de divorce comme avant la réforme de l'appel, serait dû plus longtemps en cas d'appel et cesserait d'être dû le jour du rejet de l'appel et non pas avant de façon rétroactive..