L'article 910 du Code de procédure civile prévoit que "l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification qui lui en est faite pour conclure".

En l'espèce, l'intimé avait conclu et s'était porté appelant incident.

L'appelant, devenu intimé sur l'appel incident de l'intimé, avait attendu plus de deux mois pour conclure en réponse, et notamment pour répondre à cet appel incident.

Soulevée par l'intimé, l'irrecevabilité est déclarée par le Conseiller de la mise en état qui ne peut que constater que les conclusions de l'appelant répondent effectivement en partie à cet appel incident, et que ces conclusions sont hors délais (CA Rennes 1re chambre 24 juin 2013, OCME n° 89, RG 12/02790, réf. cabinet 100127).

Contrairement à ce qui était soutenu à l'audience par l'appelant, il n'appartient pas à la Cour de "faire le tri" entre ce qui est recevable et ce qui ne l'est pas. Les conclusions sont déclarées irrecevables (sous entendue dans leur globalité), à charge pour l'appelant d'établir de nouvelles conclusions expurgeant tout moyen constituant une réponse à l'appel incident de l'intimé.

Cette solution, pleine de bon sens, s'imposait.

La célérité et la qualité de la justice ne sauraient imposer au magistrat d'expurger lui-même les conclusions d'une partie, pour y extraire ce qui est recevable et ce qui ne l'est pas.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Je ne suis pas sûr de bien comprendre la portée pratique de cette ordonnance.
Si la Cour n'a pas à faire le tri, comment en pratique peut-elle (elle ou le CME) juger de la recevabilité ou non des écritures tardives (par rapport à l'appel incident s'entend) de l'appelant en réponse (supposée) à cet appel incident de l'intimé ?
Il y a qque chose qui m'échappe.
D'ailleurs, vous le dites vous-même en indiquant que dans cette espèce, le CME a déclaré les écritures irrecevables - précisément parce qu'il n'avait pas à faire "le tri" - et à renvoyé l'appelant à prendre des écritures expurgées.
Mais qui va vérifier ?
Et quid du cas où le CME n'est pas formellement saisi d'un incident ?
Doit-il relever la tardiveté d'office sous prétexte que ces écritures en réponse ont plus de 2 mois ?
J'ai en effet le cas: je suis intimé/appelant incident et en signifiant ses conclusions tardives, l'appelant par message RPVA affirme que ses écritures ne répondent pas à l'appel incident ?
Le CME doit-il le vérifier ?
L'irrecevabilité relevée d'office n'est-elle pas purement théorique
Merci de votre éclairage PRATIQUE.
Votre bien dévoué

Mon cher confère,

Le magistrat doit se pencher sur le contenu des conclusions pour estimer si elles contiennent des éléments qui auraient dû être évoqués plus tôt. Si elle fait ce constat, ce sont les conclusions (pour le tout) qui sont déclarées irrecevables. Celui qui a subi cette irrecevabilité devra alors expurger ses écritures avant de les régulariser.

Le CME devrait soulever d'office l'irrecevabilité, mais en pratique, ce sont les parties qui surveillent, et qui saisissent le CME d'un tel incident. C'est donc à la partie d'être vigilante, sans compter sur un CME qui n'a pas vraiment le temps de tout éplucher.

Le seul fait que des conclusions sont régularisées au-delà du délai de deux mois ne les rend pas, de seul fait, irrecevable. Tout dépend du contenu. Si l'un considère que ces conclusions sont en tout ou partie tardives, à charge pour lui d'introduire un incident.

Ai-je répondu à vos interrogations ?

Votre bien dévoué,

CL

Merci à vous, déjà.

On a jamais autant aimé les avoués que depuis qu'ils ont été éradiqués. Et il faut admettre qu'ils n'ont jamais eu autant de raison d'être aimés que depuis cette suppression.

A votre interrogation, je renverrais à la jurisprudence concernant les jugements qui indiquaient dans le dispositif "déboute toutes les parties de leurs demandes plus amples ou contraires" (ou une formule équivalente), formule qui n'avait pas plu, et à raison, à la Cour de cassation.

Donc, on mon avis, ça ne vaut rien. Ce serait trop facile sinon.

VBD.

CL

D'abord, merci pour vos commentaires toujours pertinents et bien utiles aux avocats de "souche" toujours avides des conseils avisés de nos anciens avoués...

Une question : quid si l'appelant principal avait "anticipé" dans ses premières conclusions en indiquant simplement dans sont dispositif l'habituel "débouter l'autre partie de l'intégralité de ses demandes", sans cependant dans ce 1° acte, répondre précisément à l'appel incident qu'il ne connait pas encore, puis lequel appelant principal, ayant reçu les conclusions de l'intimé formant appel incident, y répond de façon circonstanciée hors délai (les 1° conclusions de l'appelant n'étant pas motivées sur les raisons pour lesquelles les demandes contenues dans l'appel incident devraient être écartées mais demandant simplement un "débouté de l'intégralité des demandes").Vous remerciant de votre attention.

C'est très clair et vous en remercie

Bonjour,

En terme de jurisprudence, en procédure civile, il faut à mon avis privilégier la Cour de cassation.
Celle-là n'a toutefois pas pris position sur ce point de procédure, et les juges du fond ont des positions bien différentes les uns et les autres.
Wait and see ce que dira la Cour de cassation qui sera nécessairement saisi un jour ou l'autre de cette question.

En revanche, pour ma part, je considère que dans cette hypothèse, les conclusions sont irrecevables, à charge toutefois à la partie de les expurger et de les régulariser expurgées.
Ce n'est pas au magistrat ni à la partie adverse de faire le tri de ce qui répond et de ce qui ne répond pas.
Par ailleurs, dire que la partie devient irrecevable à conclure est excessif, et contraire à l'esprit. La partie ne peut seulement pas répondre à l'appel incident. Mais elle peut compléter ses précédents écritures. D'ailleurs, elle pouvait avoir une raison de ne pas répondre à un appel. Par exemple, il ne vaut rien ou alors il est imparable.

Cordialement,

CL

Bonjour, je cherche sans succès cet arrêt ou de la jurisprudence sur ce point, pourriez vous me donner le contenu de l'arrêt de Rennes