... ni du reste sur le compte Facebook du confrère...

Tout ce qui est envoi électronique ne vaut pas nécessairement notification au sens procédural, et notamment au sens des articles 748-1 et suivants du Code de procédure civile.

En l'espèce, l'avocat de l'intimé soutenait avoir effectivement adressé sa constitution par voie électronique à l'avocat de l'appelant... sauf que le conseil de l'intimé avait adressé cet acte de procédure sur la boîte mail du confrère, qui de plus se trouvait être un "alias" et non la véritable adresse du cabinet.

La question n'est même pas de savoir si le conseil de l'appelant a reçu cet envoi, ou s'il est resté bloqué dans les messages indésirables. Cela importe peu !

Il n'est pas envisageable d'envoyer les actes de procédure selon des modalités non prévues.

A admettre le contraire, il n'y aurait plus de limite et il faudrait alors accepter de recevoir la notification de conclusions via Facebook. Où se trouverait la limite entre l'acceptable et l'inacceptable : on accepte que la boîte professionnelle du cabinet, mais quid de l'adresse à la fois professionnelle et personnelle de l'avocat ?

La procédure civile exige des règles strictes et précises.

 

Les notifications par voie électronique entre auxiliaires de justice doivent être effectuées dans les conditions de l'arrêté du 30 mars 2011, modifié par l'arrêté du 18 avril 2012, et notamment des articles 5 et 7 de l'arrêté du 30 mars 2011 . Par conséquent, pour valoir notification, et générer le visa au sens de l'article 673 du Code de procédure civile, les actes de procédure doivent impérativement être adressées à l'auxiliaire de justice par la plate-forme de services de communication électronique sécurisée dénommée "e-barreau". Cette condition est édictée à titre de validité et non à titre de preuve.

Un envoi de conclusions ou d'un acte de constitution, ou de tout autre acte de procédure, sur une adresse électronique classique ne vaut pas notification au sens procédural. Cet envoi électronique, pour valoir notification, doit impérativement être adressé à l'adresse e-barreau de l'avocat. À défaut, il s'agit d'un envoi sans la moindre valeur, et ne pouvant être considéré comme valant acte de procédure.

Il en va de la sécurité des échanges.

D'ailleurs, la Cour de cassation, dans son récent avis du 9 septembre 2013, ne dit pas autre chose : "L’adhésion d’un avocat au “réseau privé virtuel avocat” (RPVA) emporte nécessairement consentement de sa part à recevoir la notification d’actes de procédure par la voie électronique" . L'avocat consent à recevoir notification d'actes de procédure sur le réseau privé virtuel avocat, c'est-à-dire sur la clé sécurisée à son nom.

Cela est rappelé par la Cour d'appel de Rennes (CA Rennes 4e 22 janvier 2014, n° 13-00101 - voir également CA Rennes OCME 6e 19 mars 2013, n° 12-00407).

Or, tout envoi de conclusions ou d’acte de constitution, pour valoir notification régulière, doit être adressée à l’auxiliaire de justice par la plate-forme de services de communication électronique sécurisée dénommée “ e-barreau”.

Ce procédé irrégulier de notification de la constitution rend celle-ci irrecevable.

Les règles de procédure civile imposent que les messages passent nécessairement, tant pour l'envoi que pour la réception, par le RPVA. C'est du reste la seule manière d'obtenir la preuve de la notification de l'acte de procédure, tout autre moyen ne générant au mieux qu'un accusé de réception ou de lecture sans certitude de qui a reçu le message et s'il a été effectivement lu par l'avocat. Avec le système RPVA, dont seul l'avocat a accès, il existe la garantie que le message a été reçu par l'avocat.

 

Ah, on voit de tout de nos jours !

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Cher Confrère, sachez que la Cour de Paris, dans un récent arrêt de décembre 2013, a estimé que la notification entre avocats, au sens du CPC (donc pas obligatoirement par RPVA, de conclusions d'intimé envoyées par erreur par email simple (sans contestation de leur réception par l'avocat de l'appelant) et dans le délai prévu - sachant que les conclusions avaient été notifiées au greffe par RPVA dans le délai -, était une simple irrégularité de forme qui, sauf preuve d'un grief, ne rendait pas les conclusions nulles ni irrecevables...
Elle avait déjà cette position dans un précédent arrêt de 2013.
VBD

Cher confrère,
C'est avec le plus grand intérêt que je prendrai connaissance le moment venu de l'arrêt de cassation qui cassera une telle décision qui me paraît a priori avoir pris les plus grandes libertés avec notre cher Code de procédure civile.
Car je suppose que la partie n'a pas manqué de faire un pourvoi, ce en quoi elle a été certainement bien inspiré.
Votre bien dévoué,

Christophe Lhermitte

Mon cher confrère,

Vous avez raison.
Surtout, entre temps, a été rendu l'arrêt du 16 octobre 2014 (commenté dans la Gazette du Palais) qui a fait preuve de la plus grande souplesse quant à la notification des actes de procédure entre auxiliaires de justice, avec un élargissement des conditions d'application de l'article 673.
La question reste néanmoins celui de la preuve.
L'envoi d'un acte de procédure sur une boîte mail rend difficile la preuve de l'envoi de ces acte et sa réception.

Bien à vous.

CL

Cher Confrère,

Sauf erreur les textes rendant obligatoire la communication électronique entre avocats constitués ne concernent que la déclaration d'appel et l'acte de constitution. En dehors de la décision du CME de la CA de RENNES, et malgré mes recherches, je n'ai trouvé aucun texte ni aucune décision majeure étendant cette obligation à la notification de conclusions entre avocats. Qui plus est, dans une décision du 7 décembre 2017 (16-19336), la haute juridiction précise que l'exigence de l'article 930-1 du CPC ne concerne que les actes de procédure destinés à la Cour d'appel.
Bien à vous.