... c'est en tous les cas ce que soutient une partie qui a omis de constituer avocat dans les délais, et qui a conclu bien après l'expiration de son délai de deux mois de l'article 909 du Code de procédure civile.

Cette argumentation tenant au caractère non conventionnel du décret n'est pas nouvelle.

Elle a été rapidement développée par des parties qui avaient laissé passé leur délai pour conclure.

Plus, précisément, c'est le moyen tiré de l'article 6 § 1 de la CEDH (Art. 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) qui est régulièrement invoqué pour tenter d'échapper à la rigueur de la nouvelle procédure d'appel. En effet, il est tentant pour un intimé, ayant omis de conclure dans son délai de deux mois, d'invoquer ce moyen pour s'opposer à l'irrecevabilité de ses conclusions.

 

Cependant, et comme cela a d'ailleurs encore été récemment rappelé, "s'il est exact que la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile a désormais encadré la procédure dans des délais très stricts sanctionnés d'office, elle l'a fait dans le but, conforme à l'intérêt général, d'accélérer le déroulement des procédures, ce qui n'est pas en contradiction avec le droit au procès équitable garanti par l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni avec le principe de proportionnalité entre le but poursuivi et les moyens mis en œuvre, l'automaticité des sanctions étant la condition nécessaire de l'effectivité de la réforme" (CA Versailles 1re chambre 4 juillet 2013, n° 11/04742).

la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile a désormais encadré la procédure dans des délais très stricts sanctionnés d'office, elle l'a fait dans le but, conforme à l'intérêt général, d'accélérer le déroulement des procédures

De manière unanime, les juges du fond considèrent que la réforme est conforme à la Convention, une sanction automatique n'étant pas en soi incompatible avec le droit à un procès équitable .

Faisant une application stricte des textes, les juges du fond appliquent donc la sanction sans être sensible à l'argument tenant au droit au procès équitable (CA Aix-en-Provence, 27 juin 2013, n° 13/09088 : "Les dispositions de l'article 909 du code de procédure civile qui ne laissent aucune marge d'appréciation au conseiller de la mise en état, sont destinées à favoriser la célérité de la justice et ne contreviennent ni aux droits de la défense ni au principe du contradictoire ni au principe du procès équitable dès lors que l'intimé dispose d'un délai raisonnable pour répondre à l'appelant et lui communiquer ses pièces." ; CA Paris, 7 juin 2013, n° 13/04062 : "la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile, réalisée par le décret du 9 décembre 2009, encadrant la procédure dans des délais stricts sanctionnés d'office pour chacune des parties au litige, n'est pas contraire au droit au procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni au principe de proportionnalité entre le but poursuivi et les moyens mis en œuvre, dès lors que l'automaticité des sanctions est la condition nécessaire de l'effectivité de la réforme" ; CA Aix-en-Provence, 28 mars 2013, n° 12/11501 ; CA Bordeaux, 7 décembre 2012, n° 12/05464 ; CA Paris, 6 décembre 2012, n° 12/18667 ; CA Bordeaux, 21 septembre 2012, n° 12/00586 : "s'il est exact que la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile, réalisée par le décret n° 2009-1524 du 09 décembre 2009, a désormais encadré la procédure dans des délais très stricts sanctionnés d'office, elle l'a fait dans le but, conforme à l'intérêt général, d'accélérer le déroulement des procédures, ce qui n'est pas en contradiction avec le droit au procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni avec le principe de proportionnalité entre le but poursuivi et les moyens mis en œuvre, l'automaticité des sanctions étant la condition nécessaire de l'effectivité de la réforme").

Plus récemment, la Cour d'appel de Rennes, a considéré que "l’irrecevabilité des écritures de l’intimée résulte de l’application des règles contraignantes de la procédure d’appel qui ont été définies dans le but, conforme à l’intérêt général, d’accélérer le déroulement des procédures, sans contrevenir aux droits de la défense, ni au principe de proportionnalité́ entre le but poursuivi et les moyens mis en œuvre, l’automaticité des sanctions étant la condition nécessaire à l’effectivité de la réforme" (CA Rennes 2e 31 janvier 2014, n° 13-07135 - voir aussi CA Rennes 1re, OCME, 24 mars, n° 13-02387).

l’application des règles contraignantes de la procédure d’appel qui ont été définies dans le but, conforme à l’intérêt général, d’accélérer le déroulement des procédures, sans contrevenir aux droits de la défense (...)

l’automaticité des sanctions étant la condition nécessaire à l’effectivité de la réforme

 

Peu d'espoir, par conséquent, d'échapper à la sanction de l'irrecevabilité de conclusions sur ce fondement qui a fait long feu.

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Je partage votre avis quant aux risques de couper les magistrats des avocats.
L'informatique, c'est formidable, mais cela ne doit pas remplacer l'humain.
Personnellement, je regrette les conférences de mise en état physiques à l'occasion desquelles il y avait un échange avec le magistrat.
Aujourd'hui, avec des avocats postulants loin des cours d'appel, il est courant d'assister à des audiences sans les avocats concernés. Cela agace aujourd'hui les magistrats, et c'est tant mieux. Lorsque les magistrats prendront l'habitude de ne pas voir un avocat à l'audience, je crains qu'il ne sera trop tard.
Alors oui, le RPVA rend service, mais ne donnons pas une place trop importante à la voie électronique, qui doit rester un moyen aux services de la justice, mais ne doit pas devenir une fin en soi.
Et faisons en sorte que l'avocat soit présent aux audiences.
VBD,

L'objectif de célérité, louable en soi, ne pouvait effectivement être rempli que si des moyens étaient engagés pour soutenir cette réforme.
Il manque des magistrats pour que les nouveaux textes aboutissent à ce que les décisions soient rendues dans des délais plus courts.
Aucune réforme, même celle qui introduirait l'appel voie de réformation en remplacement de l'appel voie d'achèvement, ne parviendra à réduire les délais s'il n'y a pas davantage de magistrats pour rendre les décisions... sauf à purement et simplement supprimer la voie d'appel.
Et je doute tout autant que d'en mettre encore plus sur le dos du personnel des greffes - déjà bien surchargé -, au lieu d'augmenter le nombre de magistrats, soit la réponse la plus appropriée à cette problématique.
Mais ce n'est certainement pas dans l'air du temps d'injecter de l'argent dans le système judiciaire.

Votre bien dévoué,

Mes Chers Confrères,
Je laisserai de côté l'aspect RPVA pour revenir le délai de 2 mois pour l'intimé qui représente un couperet véritable, et ce d'autant plus lorsque les conclusions d'appelant sont signifiées par voie d'assignation par huissier délivrée en PV 659...
La jurisprudence de la Cour d'appel d'ORLEANS est hélas conforme à celles que vous citez.

Mes chers Confrère,

Outre le fait que le décret Magendie est vraisemblablement non conventionnel, à divers égards, il est vrai que les Magistrats ne veulent plus nous voir , mais plus grave , ne plus nous entendre , et sauf erreur de ma part , les décisions de supprimer et/ou d'empêcher les plaidoiries sont dans un certains nombre de dossiers, de plus en plus grandissants , imposant de manière unilatérale aux Avocats, sont en quasi totalité contraires à la loi, car fondées sur l'article 779; alinéa 1 et 2 du CPC qui dispose que :....."Sauf dans le cas où il est fait application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 764, le juge de la mise en état déclare l'instruction close dès que l'état de celle-ci le permet et renvoie l'affaire devant le tribunal pour être ......plaidée"..... ........l'alinéa 2 , exige, à la fois une demande des Avocats, avant une telle décision, mais aussi, l'accord ministère public, lorsqu'il intervient. Le texte est clair sur ce point : ...."Le président ou le juge de la mise en état, s'il a reçu délégation à cet effet, peut également, à la demande des avocats, et après accord, le cas échéant, du ministère public, autoriser le dépôt des dossiers au greffe de la chambre à une date qu'il fixe, quand il lui apparaît que l'affaire ne requiert pas de plaidoiries".....

Mon cher confrère,
bravo pour le travail réalisé
sur la question de l'intérêt général lié aux prétendus raccourcissements de la procédure, l'argument a été vrai pendant quelques mois les cours ayant laissé de côté les procédures anciennes au profit des procédures nouvelles mais désormais l'embouteillage s'est reproduit de sorte que si le moyen manque en droit il est par contre tout à fait pertinent en fait
sur un autre sujet et même si aucun système n'est jamais parfait le RPVA nous permet tout de même de gagner un temps précieux à faire autre chose que d'attendre des audiences interminables
le seul inconvénient mais je l'avais écrit il y a 10 ans c'est qu'à force que les juges ne veuillent plus nous voir ils vont bientôt finir par ne plus vouloir nous entendre ce qui est tout de même une tendance qui se généralise tant en première instance qu'en appel dénaturant la notion même d'avocat qui devrait demeurer celui qui parle pour
votre bien dévoué confrère
Francis TISSOT (Paris)

Cher confrère,
La motivation rennaise évoquée dans votre article : " application des règles contraignantes de la procédure d’appel qui ont été définies dans le but, conforme à l’intérêt général, d’accélérer le déroulement des procédures " relève de la pétition de principe lorsque l'on voit qu'une ou deux années après que les parties aient respecté les délais de 3 et 2 mois, les affaires ne sont pas encore fixées malgré les demandes des uns ou des autres. Ce qui accélérait le cours de la Justice, c'est un nombre croissant de magistrats dans les cours d'appel permettant de traiter, dans des délais conformes au voeu du législateur, l'important contentieux qu'elles ont à gérer.
VBD

Effectivement comme vous l'indiquez la spécialisation est devenue obligatoire soit peine de responsabilité professionnelle . C'est bien pour cela qu'il existe la spécialisation "procédure d'appel" pour éviter cette mise en cause de la responsabilité professionnelle préjudiciable à l'ensemble de la profession (du fait des risques d'augmentation importante des primes d'assurance responsabilité civile professionnelle) et que certains ont recours à ces spécialistes de la procédure d'appel .

Et pourtant le monde judiciaire a suivi la même formation !
Cette réforme et les sanctions qu'elle engendre sont indignes de notre Etat de droit, reporte sur les justiciables et les auxiliaires de justice que nous sommes la carence de l'administration dans l'exercice de sa prérogative. Le contrôle de proportionnalité n'est jamais effectué par les décisions citées, par des motifs précis et in concreto comme l'exige la norme supérieure.
De plus pourquoi ce traitement discriminatoire avec les autres procédures sans représentation ? La célérité de la Justice ne serait-elle pas soumise à la même exigence ?
Cette réforme omet les obligations incombant au seul Juge et les pouvoirs mis à sa disposition ; injonction, fixation autoritaire du calendrier, clôture d'office, réouverture des débats, radiations administratives, etc... les moyens sont nombreux et échappent à tout contrôle des avocats et justiciables.
Or, ils existaient déjà, pourquoi ne pas les avoir appliqués pour permettre une justice plus rapide et efficace ?
Force est de constater, en outre, que le respect de la réforme Magendie ne permet pas plus qu'avant d'obtenir des décisions plus rapidement et de meilleure qualité.
L'administration de la Justice comporte un personnel judiciaire équivalent à celui à la fin du XIX ° siècle (sauf erreur...), pourtant les temps changent, les contentieux industriels et commerciaux ont pris une part substantielle, la spécialisation est devenue obligatoire sous peine de responsabilité professionnelle, l'Europe est née. L'exigence de Justice est toujours plus légitime et indispensable; le décret Magendie prend le monde à contre-courant niant un défaut de conventionnalité flagrant.
Il est à craindre que cela remette en cause, un jour les fondement de notre architecture et que, notamment l'irresponsabilité des magistrats dans l'exercice de leurs fonctions soit remise en cause ; la CEDH ayant apportée sa première pierre dans un passé récent. Ce serait ouvrir la boîte de Pandorre pour le confort, bien cher payé, donné à certains groupes de pression et une autorité judiciaire persistant à nier l'effectivité de principes le plus souvent internationaux qu'elle rebute.
La responsabilité égale de l'avocat et du magistrat dans l'application de l'état du droit sera bientôt incontournable.