Encore un arrêt de la Cour de cassation qui constitue un nouvel apport à la jurisprudence magendienne (Cass. civ.2e 4 septembre 2014, n° 13-22586 Publié au bulletin) :

Vu les articles 906, 908 et 911 du code de procédure civile ; 

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes qu'à peine de caducité de sa déclaration d'appel, l'appelant doit signifier ses conclusions aux parties qui n'ont pas constitué avocat avant l'expiration du délai de quatre mois courant à compter de la déclaration d'appel ; que l'appelant qui a remis au greffe ses conclusions dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile et les a signifiées à partie avant l'expiration du délai de quatre mois n'est pas tenu de les notifier à l'avocat constitué postérieurement à cette signification ; 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 14 octobre 2011, M. Y... a interjeté appel du jugement rendu par un tribunal de grande instance l'ayant condamné à payer à Mme X... une certaine somme en remboursement de reconnaissances de dettes ; qu'il a remis au greffe, le 22 décembre 2011, ses conclusions qu'il a signifiées, le 6 janvier 2012, à Mme X... qui a constitué avocat le 19 janvier 2012 ;

Attendu que, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient que M. Y... n'a pas signifié ses conclusions à Mme X... dans le mois suivant l'expiration du délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile, soit en l'espèce entre le 15 janvier 2012 et le 15 février 2012 et n'a pas notifié ses conclusions au conseil de l'intimée qui s'était constitué pendant ce délai ; 

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes qu'à peine de caducité de sa déclaration d'appel, l'appelant doit signifier ses conclusions aux parties qui n'ont pas constitué avocat avant l'expiration du délai de quatre mois courant à compter de la déclaration d'appel

 

Le plus étonnant dans cette affaire est que la Cour de cassation ait eu à se prononcer sur ce point de procédure.

L'intimé soutenait, en se fondant sur une lecture stricte du décret, que l'appelant devait nécessairement signifier ses conclusions à l'intimé défaillant entre le troisième et le quatrième mois de son appel. L'ayant fait avant l'expiration du délai de trois mois, sa déclaration était caduque. En d'autres termes, pour l'intimé, il existait une fenêtre de tir d'un mois pour notifier les conclusions.

pour l'intimé, il existait une fenêtre de tir d'un mois pour notifier les conclusions

Evidemment, si l'on fait une lecture "à la lettre" de l'article 908 du Code de procédure civile, il est possible d'en arriver à cette conclusion.

Mais c'est oublier que les textes ont aussi de l'esprit - et celui du 9 décembre 2009 ne fait pas exception -, et qu'il faut en faire une lecture tenant compte de ce qu'a voulu le législateur... ou à tout le moins de ce qui paraît acceptable.

Pour quelles raisons prévoir une ouverture d'un mois pour notifier des conclusions. Cela n'a aucun sens.

Les droits de la défense en seraient accrus ? Certainement pas !

rien ne justifierait que les conclusions doivent être notifiés dans un délai compris entre le troisième et quatrième mois de la déclaration d'appel

Si le décret dit "Magendie" du 9 décembre 2009 a compliqué la procédure, cette complexité n'est pas une fin en soi. Le décret de 2009 n'est pas un jeu vidéo. L'intimé n'est pas Mario et l'appelant n'est pas davantage Tomb Raider !

Le texte n'a pas eu pour objectif de prévoir un parcours semés exprès d'embûches, qu'il faut éviter pour aller au niveau supérieur... et d'ailleurs, contrairement à ce qui se fait dans les jeux vidéos, on a qu'une vie, et le game over, c'est tout de suite après la première gamelle sans possibilité de rejouer...

L'arrêt de la Cour de cassation était sans surprise.

La Cour précise que les conclusions doivent être notifiées avant l'expiration du délai de quatre mois, écartant ainsi l'exigence d'une notification entre les troisième et le quatrième mois.

Depuis qu'elle a eu l'occasion de se prononcer sur l'application du décret de 2009, la Cour de cassation fait preuve de rigueur et de souplesse. Comme l'écrivait il y a peu un "auteur", l'image qui caractérise le mieux cette jurisprudence est celle de la main de fer dans un gant de velours.

Il est vrai que la Cour de cassation ne se contente pas toujours de faire une lecture du décret, et qu'elle fait aussi dans la réécriture, mais c'est pour la bonne cause, le législateur ayant oublié que le décret mériterait quelques ajustements...

Merci tout de même à ce conseil imaginatif, sans qui nous n'aurions pas eu cet arrêt de cassation fort intéressant.

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Que se passe t-il si après avoir notifié au greffe sa déclaration d'appel et les conclusions, l'avocat de l'appelant démissionne de son barreau pour se réinscrire 2 mois plus tard dans un autre barreau? Entre-temps, un avocat s'est constitué pour l'intimé mais l'avocat de l'appelant n'a reçu ce message qu'au moment de la constitution d'un autre avocat en ses lieu et place (2 mois plus tard). La jurisprudence sous l'article 369 du CPC qui prévoit un peu ce cas n'est pas fournit.