L'acte d'appel est un acte important.

Il mérite que l'on prenne du temps, pour bien lire le jugement, et pour procéder aux vérifications utiles.

En l'espèce, un premier appel avait été régularisé, contre une société en liquidation judiciaire.

Cependant, l'appelant avait intimé la société, mais pas le liquidateur. Grave erreur ! Et c'est l'engrenage infernal...

La société en liquidation ne peut plus agir en justice (Com. 4 oct. 2005, Bull. civ. n° 195). C'est le liquidateur qui représente la société en justice.

C'est donc cet organe de la procédure qui doit être intimé.

Et ce n'est pas un cas d'école. D'ailleurs, aujourd'hui même, j'ai régularisé deux appels en intimant le liquidateur, et non la société... laquelle était pourtant partie à la procédure de première instance.

 

L'appelant pensait pouvoir couvrir cette irrégularité, en régularisant un nouvel acte d'appel intimant cette fois le liquidateur.

Mais cet appel était naturellement hors délai.

J'ouvre une parenthèse...

Cela me fait penser à une consoeur qui m'a appris l'existence de "déclaration d'appel complétive", qui serait un acte d'appel qui se rattacherait à un précédent acte. Il complèterait le précédent appel incomplet, et la seconde déclaration d'appel - hors délai - serait absorbée par la première... pour sauver le délai...

Bien sûr, et la marmotte...

C'est absolument n'importe quoi, et une aberration procédurale la plus complète !!!

... je n'oublie pas de fermer la parenthèse.

Si cette irrégularité pouvait être couverte, encore faut-il que ce soit dans le délai d'appel, comme la jurisprudence a déjà pu le préciser (Com. 10 déc. 2003, Bull. civ. n° 204 concernant l'intervention du liquidateur après l'expiration du délai d'appel).

Les appels sont donc déclarés irrecevables (Civ. 2e 25 juin 2015, n° 14-19663, non publié) :

"Mais attendu, abstraction faite des énonciations erronées selon lesquelles M. Y... n'aurait pas été partie en première instance en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Art resto, que l'arrêt retient exactement que l'appel ne pouvait être régulièrement formé sans que soit intimé, outre la société Art resto, M. Y..., ès qualités, ce qui n'a pas été le cas dans l'acte d'appel du 12 octobre 2012, et constate, par un motif non critiqué, que la déclaration d'appel du 9 avril 2013 dirigée contre M. Y..., ès qualités, est intervenue après l'expiration du délai d'appel ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise qui ne lui était pas demandée, en a déduit à bon droit que l'appel était irrecevable ; "

Arrêt non publié, car il est conforme à la jurisprudence en la matière.

 

La morale de l'histoire est que l'établissement d'une déclaration d'appel requiert du temps.

Il faut lire attentivement le jugement, pour plusieurs raisons.

Notamment, certaines parties peuvent avoir été oubliées dans l'entête - il m'est arrivé de constater l'oubli d'une partie, sur la centaine de copropriétaires concernés -, ou alors l'intimation doit être limitée à certaines personnes seulement. Cela permet aussi de s'apercevoir qu'il existe une mesure de redressement ou de liquidation judiciaire à l'égard d'une partie, ou qu'il existe une mesure de curatelle ou de tutelle dont il convient de tenir compte.

Quand ça part mal, c'est souvent difficile de redresser la situation.

C'est cela qui explique que les honoraires de postulation peuvent parfois paraître élevés. Mais il est certain que qui fait appel sans lire le jugement et se contente de l'entête gagne un temps énorme, ce qui permet de réduire le prix de la prestation... mais aussi sa qualité... mais augmente également les risques d'erreurs, ce qui se traduit en responsabilité et en déclaration de sinistres.

C'est comme tout, quand c'est pas cher, c'est qu'il y a un truc...

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

bonjour SOS lumières!
je suis confrontée à un problème.
dans une affaire prud'homale une ordonnance du Conseiller de la mise ne état a été rendue le 12 janvier 2018.
je viens de déposer une requête en déféré ce jour le 23 janvier 2018 mais j'apprends de mon client: le salarié, que la société a été mise en RJ le 17 janvier 2018, dois je régulariser ma requête comme dans un appel classique et la diriger contre l'administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire et les AGS?
merci de votre réponse car le délai du déféré expire le 27 janvier!
VBDC

Cher Monsieur,

Un déféré n'est pas dirigé contre une partie. Son objet est de demander à la Cour de revoir la copie de son CME.

Donc, la question ne se pose pas en ces termes.

Il n'en demeure pas moins que vous aurez peut-être à régulariser la procédure pour qu'elle soit reprise s'il y a lieu.

VBD

CL

Mon cher confrère,

Il me semble effectivement opportun de tenter un déféré.

Vous nous tiendrez informé des suites.

VBD

CL

Cher Confrère,
en tant qu'intimé, je suis confronté au problème identique que vous avez évoqué concernant l'absence d'intimation du liquidateur qui était pourtant partie en première instance.
Le créancier appelant d'une ordonnance du Juge Commissaire a intimé uniquement le débiteur en liquidation judiciaire sans intimer le liquidateur.
se rendant compte de son erreur il a régularisé un second appel uniquement contre le liquidateur alors qu'il n'était plus dans le délai, l'ordonnance ayant été signifiée.
J'ai soulevé l'irrecevabilité des deux appel le premier pour absence du liquidateur et le second pour avoir été formulé hors délai.
Le Conseiller a déclaré les appels recevables au visa de l'article 552 du cpc dès lors que le premier appel est recevable au moins à l'égard d'une partie et que l'instance est toujours en cours, le second appel pour régularisation est recevable.
cette décision est contraire à l'arrêt CIV 2EME DU 25 JUIN 2015 14-19663 dont vous faisiez état dans votre note.
Pensez-vous que j'ai des chances de tenter un déféré.
Cordialement