Tout comme en première instance, devant le tribunal de grande instance, que devant la cour d'appel, la partie doit, à peine d'irrecevabilité, préciser son domicile dans ses conclusions.

Le 24 septembre 2015, par arrêt publié, la Cour de cassation (Civ. 2e, 24 septembre 2015, n° de pourvoi 14-23169, Publié au bulletin) a considéré que :

Vu les articles 960 et 961 du code de procédure civile ; 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Le Vase de Sèvres (la société) a relevé appel du jugement du juge des loyers commerciaux d'un tribunal de grande instance qui avait fixé le loyer dû en vertu d'un bail consenti par Mme X...; 

Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à se déclarer irrégulièrement saisie des écritures de la société Le Vase de Sèvres, la cour d'appel retient que Mme X...ne prouve pas que l'irrégularité constituée par le défaut d'indication, dans le mémoire de la société Le vase de Sèvres, de son siège réel, lui cause un grief ; 

Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que le mémoire de l'appelante indiquait que son siège social était situé ..., 17000 La Rochelle, et retenu qu'il était établi par l'affirmation de Mme X..., non démentie par la société, que celle-ci avait quitté définitivement ce local le 12 juin 2012, ce dont il se déduisait que le siège social indiqué dans son mémoire n'était pas son siège réel, alors que l'irrecevabilité des conclusions d'appel d'une société qui mentionnent un siège social fictif n'est pas subordonnée à la justification d'un grief causé par cette irrégularité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE

 

Le double enseignement est que le domicile doit être réel, de sorte qu'il ne suffit pas de se contenter de mettre une adresse.

le domicile doit être réel

A cet égard, et pour reprendre ce qui peut parfois être entendu, l'élection de domicile chez l'avocat ne répond pas à l'exigences des textes. Et cela est bien facile à comprendre.

La preuve par l'exemple, pour mieux comprendre...

Imaginons par exemple une banque, qui poursuit son débiteur. Si ce dernier se contente du domicile de son avocat, la banque risque de bien s'amuser pour ensuite passer à l'exécution. De même, le parent de l'enfant souhaite légitimement connaître le domicile de l'autre parent qui accueillera l'enfant. Cela permet aussi de savoir si la partie bénéficie des délais de distance.

Et des exemples comme ceux-là, il y en a plein d'autres.

Comme je me plais à le répéter, les règles de procédure civile résulte bien souvent du bon sens.

Les règles de procédure ne sont pas imposées pour embêter le monde, ou pour nous donner la possibilité de nous amuser en introduisant des incidents de procédure. Je crois même à cet égard avoir entendu parler de malice dans le cadre d'une tel incident...

Ces règles permettent de protéger les parties, dans le respect de leurs droits, et dans le cadre d'un débat loyal et respectueux des principes élémentaires.

 

D'autre part, autre enseignement, il n'y a pas lieu de justifier d'un grief.

il n'y a pas lieu de justifier d'un grief

Cela paraît évident dès lors qu'il s'agit d'une irrecevabilité, et donc d'une fin de non-recevoir. Or, une fin de non-recevoir n'exige pas de justifier d'un grief.

Cet arrêt est conforme.

 

Reste la question de savoir si le magistrat de la mise en état est compétent pour prononcer l'irrecevabilité des conclusions sur ce fondement.

J'ai mon analyse, au regard notamment d'un récent arrêt du 29 janvier 2015 (de  mémoire), et d'un autre du 25 juin 2015 (de mémoire). J'y reviendrai peut-être plus tard à l'occasion.

En attendant, ayez soin que vos écritures respectent les article 960, 961 d'une part, 814 et 815 d'autre part.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Bonjour,

A la Cour, la désignation des parties figure dans leur constitution / ou déclaration d'appel. Est-ce à dire que leur domicile doit figurer aussi sur leurs conclusions ?

VBD

Bonjour,

Absolument. En appel, ce sont les articles 960 et 961 du CPC qui le prévoient. C'est une cause d'irrecevabilité des conclusions (fin de non-recevoir) mais la Cour de cassation a pu admettre une régularisation jusqu'à ce que le juge statue.
De plus, cette irrégularité peut aussi être couverte par les mentions portées sur les autres actes de procédure, et notamment la déclaration d'appel et la constitution, comme la Cour de cassation a pu le préciser (de mémoire, par un arrêt de 2008).

Il en va d'ailleurs de même en première instance, les articles 815 et 816 étant rédigées dans des termes identiques.

VBD.

CL

Bonjour,

Pourriez-vous indiquer le texte pour la 1ere instance car l'article 56 ne me semble couvrir que l'assignation et non les conclusions ultérieures?

Un grand merci d'avance.

Bonjour,

Le pendant de 960 et s. sont 814 et s. pour le TGI.

Cordialement,

CL

Bonjour,
dans la dernière partie de votre exposé vous dite "restes a savoir........." Vous citez deux arrêts, pourriez vous me les communiquer? arrêt du 29 janvier 2015 (de mémoire), et d’un autre du 25 juin 2015 (de mémoire). Je suis exactement dans le cas ou l'adresse du siège sociale mentionné n'est pas le bon dans une cour d'appel de renvois.

Bonjour,

En tapant 961 du code de procédure civile dans le moteur de recherche sur Légifrance, je pense que ces arrêts peuvent facilement être retrouvés.

En l'état, je n'ai pas les références, et devrais faire une recherche de cette manière.

Cordialement,

CL

Quid de l’épouse, en instance de divorce, qui ne veut pas que son mari (qui ne cesse de la harceler) connaisse l'adresse de son nouveau domicile ? (principe du divorce accepté, donc pas de grief).
En l’occurrence, elle s'est domiciliée à l'adresse de son fonds de commerce qu'elle exploite en nom propre ? (saisissable donc pas de grief).
J'ai le souvenir, du temps du Juge aux Affaires Matrimoniales, de la possibilité de déroger à la règle au motif du risque de harcèlement de l'époux (à une époque à laquelle la notion de harcèlement n'était pas juridique, mais uniquement comportementale).

Et si cette épouse est également mère des enfants. Il faut bien que le père connaisse l'adresse de ses enfants, non ?

Difficile avec des intérêts qui s'opposent. Tout peut être entendu, dans de tels cas.

CL

Sur la compétence du conseiller de la Mise en État ou de la Cour......C'est la Cour qui gagne (sinon on ne pourrait pas régulariser jusqu'à ce que la Cour statue).
Civ. 2e, 13 oct. 2016, F-P+B, n° 15-24.932

... à la précision que cette irrecevabilité ne peut être régularisée que jusqu'à la clôture de l'instruction. Le décret du 6 mai 2017 n'a pas repris intégralement la solution dégagée par la Cour de cassation dans le nouvel article 961.

CL

Bonjour,

C'est effectivement un problème.

De mémoire, la Cour d'appel de Paris avait se prononcer sur cette question. Ca devait être fin 90' ou début 2000.

Après, ce n'est pas la situation la plus courante ce qui explique que la jurisprudence sur cette question ne soit pas abondante, loin s'en faut.

Cdt,

CL

Quid de la personne qui n'a pas de domicile stable ou fixe?

(http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2016/07/cir_41117.pdf)