Sujet : "la constitution". Vous avez trois heures !
Cela paraît beaucoup, mais il ne faut pas s'y méprendre.
Les sujets d'apparence les plus simples peuvent s'avérer très compliqués, ou en tous les cas susceptibles de développements très longs.
Et nous voyons que cette notion de base, a priori simple, est loin d'être connue comme elle devrait l'être, et la lecture du Code étant très souvent imparfaite.

Ce constat m'avait déjà amené à rédiger un article de doctrine "Les conclusions valent-elles constitution ?" (Gazette du Palais) au demeurant cité sous l'article 815 du petit livre rouge de chez Dalloz.

Et en lisant cet arrêt récent du 15 octobre 2015 (Civ. 2e, 15 octobre 2015, n° 14-24322, Publié au bulletin), et publié, de la Cour de cassation, je me demande si la jurisprudence de 1979, que l'on nous sort de manière régulière lorsqu'on aborde cette question des conclusions valant constitution, sera maintenue lorsque la Cour de cassation devra se prononcer sur cette question :

"Vu les articles 908 et 911, ensemble les articles 114, 673, 748-3 et 960, du code de procédure civile ; 

"Attendu que la caducité de la déclaration d'appel faute de notification par l'appelant de ses conclusions à l'avocat de l'intimé dans un délai de trois mois suivant la déclaration d'appel n'est encourue qu'en cas de constitution par l'intimé d'un avocat, notifiée à l'avocat de l'appelant, régulièrement et préalablement à la remise par ce dernier de ses conclusions au greffe de la cour d'appel ; que lorsqu'elle est accomplie par la voie électronique, la notification entre avocats d'un acte de constitution doit faire l'objet d'un avis électronique de réception, indiquant la date de cette réception et valant visa par l'avocat destinataire de l'acte de constitution ; 

(...)

"Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que le courrier électronique en pièce jointe duquel figurait la constitution d'avocat de l'OPH avait été reçu par l'avocat de Mme X..., qui le contestait, de sorte que la régularité de la notification de la constitution d'avocat de l'intimé n'étant pas établie, la déclaration d'appel ne pouvait être déclarée caduque faute de notification, dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, par l'appelant de ses conclusions à l'intimé ayant préalablement constitué un avocat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;"

 

Combien de fois ai-je plaidé sur incident sur ce qu'est une constitution, et un acte de constitution ?

Depuis 2012, j'ai pu m'apercevoir à de nombreuses reprises que cette notion de "constitution", dans son sens le plus large, était incomprise, et que l'était tout autant celle de l'acte de procédure attaché à cette "constitution".

Cela a certainement été vain dès lors que l'on entend encore dire "je me suis constitué au greffe telle date", ou que "l'intimé s'est constitué", "j'ai signifié ma constitution", etc.

En l'espèce, une partie s'était enregistrée au greffe et s'étonnait que le confrère ne lui ait pas notifié ses conclusions.

Mais comme le rappelle la Cour de cassation, pour recevoir notification des conclusions, encore faut-il que l'avocat se soit préalablement et régulièrement constitué pour la partie... après qu'il ait évidemment été constitué par son client...

De là à penser que la Cour de cassation dira pareillement que pour conclure, encore faut-il que l'avocat ait préalablement et régulièrement informé son confrère de cette constitution, comme le précise l'article 903, j'espère qu'il n'y a qu'un pas que la Cour de cassation franchira...

 

Wait and see comme on dit outre Manche.

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Bonjour,

Dans le cas où l’intimé constitue avocat après le délai d'un mois suivant notification du greffe mais avant que l'appelant lui ait signifié sa déclaration d'appel (ordonné par le greffe), l'appelant a t-il malgré tout l'obligation de procéder à sa déclaration d'appel par voie de signification ?

Pour ma part, je ne le crois pas mais je préférerais avoir confirmation d'un spécialiste de la procédure d'appel.

Cordialement.

Bonjour,

Bonne question.

LA réponse n'existe pas.

Il n'y a pas de jurisprudence et si on s'en tient au texte, la "constitution entre temps" ne dispense pas de la signification à la partie. Elle est procéduralement inutile, mais en l'état actuel des texte, personnellement, je procède à la signification de la DA.

Certains vous affirmeront que c'est inutile. Je veux bien les entendre, mais c'est leur logique qui parle. Or, quand la logique se heurte à la lettre, il faut faire preuve de méfiance.

Donc, tant que la Cour de cassation n'a pas statué sur cette question, la prudence est de mise.

Cordialement,

CL

Bonjour,
Le seul cas, je crois, où le juge peut soulever d'office son incompétence territoriale c'est en matière d'état des personnes (art 93 du CPC).
Dans les autres cas, il appartient au défendeur qui entend soulever cette incompétence de constituer avocat pour la faire valoir in limine litis en la motivant et en indiquant la juridiction qu'il estime compétente (art 75 CPC).
Le recours contre ce jugement sera le contredit si le juge ne statue pas sur le fond naturellement (15 jours du prononcé).
Le juge a l'obligation en se déclarant incompétent de désigner la juridiction qu'il estime compétente et le greffe transmet le dossier à son homologue compétent, passé le délai de contredit.
Vous serez alors invité à constituer avocat (une 2ème fois par conséquent) auprès de la nouvelle juridiction désignée et ce, dans le mois de l'avis donné par le greffe aux parties (par LRAR à peine de radiation) à moins que vous ne saisissiez votre correspondant postulant qui se constituera en se manifestant auprès du greffe destinataire avant l'émission de l'avis (art 97 CPC).
Il ne s'agit en effet que d'une poursuite de l'instance en 2 temps.
Cordialement,
V

Qu'ajouter ? Rien. Merci cher confrère.

CL

Bonjour,

Pour ma part, j'estime que les conclusions pourraient valoir intervention volontaire, et dispenser d'un acte de constitution.

Je me permets à cet égard de vous renvoyer à un article, cité sous l'article 872 du CPC édition Dalloz, dans la Gazette du Palais intitulé tout bêtement "Les conclusions valent-elles constitution ?".

Cordialement,

CL

Dans le cas où l'intimé constitue avocat postérieurement au dépôt des conclusions de l'appelant mais avant la signification desdites conclusions par huissier (temps de transmission oblige) le tout dans le délai de 3 mois, l'appelant qui n'a eu connaissance de cette constitution qu'après le délai de 3 mois est-il tenu de (re)signifier ses conclusions à son confrère par RPVA ou peut-il s'en dispenser ?
Et s'il doit le refaire dans quel délai (3 mois + 1) ou plus de délai du tout ?
Moi je penche pou dire que l'appelant n'est pas tenu de le faire mais seule de justifier d'una assignation régulière.
Le grand spécialiste est d'accord avec moi je suppose.
Procédurale ment dévoué

Bonjour,

L'appelant ne peut pas avoir connaissance d'une constitution en différé, qui doit lui être notifiée par voie électronique... sauf à considérer que l'avocat de l'appelant se dispense de consulter sa messagerie RPVA, ce qui serait fautif.
Si l'avocat de l'appelant n'a pas connaissance d'une constitution, c'est peut-être que l'avocat de l'intimé ne s'est pas correctement constitué, auquel l'appelant ne peut prendre en compte cette constitution. Cela arrive souvent, trop souvent...

Dans le cas contraire, si la constitution est antérieure à la signification par huissier, c'est la notification à avocat qui s'impose, sous peine de caducité de l'acte d'appel.

Quant au délai, si l'acte de constitution intervient après que l'avocat de l'appelant ait remis ses conclusions au greffe, la Cour de cassation considère que le délai pour notifier les conclusions à l'avocat est de 4 mois à compter de la déclaration d'appel.

Enfin, pour l'appelant, il suffit de signifier les conclusions - et le cas échéant la déclaration d'appel - sans que s'impose un acte d'assignation que les textes n'exigent plus (l'ancien article 908 est mort). Mais il est vrai qu'en pratique, l'assignation reste utilisée.

Cordialement,

CL

PS : grand spécialiste, c'est à voir... même si je ne vais pas nier que je pense connaître pas trop mal la procédure d'appel... allez, disons spécialiste de la procédure d'appel, ce qui au demeurant est ma spécialité ;-)

Bonjour,

Pour en revenir au conclusions ne valant pas constitution, pourrait-on dire également que les conclusions ne valent pas intervention volontaire ?
Car il arrive que l'avocat intervienne pour une partie par voie de conclusions alors même que le cadre de la communication électronique formalise de manière stricte et isolée non seulement l'acte de constitution, mais aussi une demande d'intervention volontaire qui doit faire l'objet d'une inscription au rôle séparée (formulaire de "déclaration de saisine" au niveau du RPVA) jointe ensuite au dossier principal.

Cordialement

Bonjour,

La règle de territorialité de la postulation s'applique. Pour être représenté devant chaque juridiction, il faudra que vous constituiez un avocat pouvant postuler devant la juridiction concernée.

Cordialement,

Bonjour,

Dans le cas d´une assignation faite auprès d´un TGI territorialement incompétent, faut-il faire deux fois une constitution d´avocat, la première devant le TGI territorialement incompétent avec un avocat postulant qui se constitue, une deuxième fois devant le TGI territorialement compétent, une fois l´affaire renvoyée devant ce dernier ?

Cordialement,

Soso

Bonjour

Je me permets de vous solliciter en tant que spécialiste des procédures d'appel, étant chef d'entreprise en liquidation judiciaire....

L'administration fiscale relève appel d'un jugement rendu par un tribunal administratif la condamnant , et le liquidateur judiciaire reçoit une copie de la requête uniquement au bout de sept mois !

Durant sept mois : personne n'a reçu copie de la déclaration d'appel par le Greffe, n'a été signifié de cet appel par l'administration, et le liquidateur reçoit une simple copie de la requête au final...

Cet appel est il donc nul ?
Merci de votre précieuse collaboration