J'ai toujours pris fait et cause pour les huissiers, que je trouve indispensables pour un bon fonctionnement de la justice.
Et nous avons toujours les meilleurs rapports. Et je salue au passage les huissiers notamment rennais avec lesquels nous travaillons habituellement, et dont l'efficacité est très appréciable.
Mais il y a des moments où certains membres de cette belle profession m'exaspèrent me mettent en rogne (ça correspond davantage à la réalité).

En l'espèce, un huissier est saisi depuis un mois pour signifier un acte de procédure, sous peine de caducité. Après qu'il ait demandé une provision, je n'ai plus de nouvelles.

Relance pour savoir ce qu'il en est, et il m'indique refuser d'exécuter sa mission au motif... qu'il n'a pas reçu ses sous.

Je suis postulant, et je n'envisage pas d'avancer le coût de l'acte.

Je représente un appelant qui a pignon sur rue - mais dont nous savons les problèmes pour obtenir une provision - et qui réalise un chiffre d'affaires de près de 40 millions d'euros. A peine plus que le CA du cabinet, donc... Les risques de ne pas être payé sont donc... nuls !

Rappelant à l'huissier qu'il est officier ministériel, et qu'il encourt sa responsabilité, ce dernier campe sur ses positions.

Peu lui chaut la caducité encourue, et la responsabilité qui pèserait sur lui.

Monsieur veut ses sous, et il n'en démord pas.

Ah l'intelligence et le bon sens, où vous cachez-vous ?

L'argent aurait-il eu raison sur tout le reste chez cet huissier ? J'en ai peur. Tiens, une petite parenthèse car cela me fait penser à ce superbe film de doux dingues, de Capras, "Vous n'emporterez pas tout", ou un titre approchant. Je ferme la parenthèse.

Et évidemment, étant le président de la chambre des huissiers de cette ville du sud, à qui puis-je me plaindre ? J'avais d'ailleurs l'air fin de lui écrire en lui indiquant que j'adressais mon courrier au président... Apparemment, être président, ça peut aider à être perché...

Ce comportement est lamentable, et désolant.

Ayant été avoué, j'ai été officier ministériel.

Sitôt qu'il m'était demandé de faire appel, je m'exécutais. Et parfois, je n'étais pas payé.

C'est comme ça.

L'office ministériel, c'est un pack. Il y a du bon, et du moins bon, mais il n'est pas possible de faire le tri. On prend tout... ou on prend rien. Comme on dit, on ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre, et la crémière.

L'office ministériel est une émanation du service public.

L'officier ministériel ne peut refuser un dossier au motif qu'il ne lui convient pas, où qu'il n'est pas assez rémunérateur. Ca, c'est l'avocat qui peut le faire.

L'intérêt de l'office ministériel est la certitude, pour le justiciable, de trouver le professionnel qui exécutera la mission confiée.

C'est ainsi que j'ai exercé, sans faillir, lorsque j'étais avoué... même si parfois, j'aurai bien voulu refuser certains dossiers dont nous devinions qu'ils allaient immanquablement être sources d'emm... d'embêtements. Mais non, nous prenions ! en faisant la grimace, mais en le prenant !

Malheureusement, ces huissiers desservent la profession.

Ils donnent l'impression d'enfants gâtés, qui, en ayant beaucoup, en valent encore davantage !

Mais ils oublient de regarder autour d'eux, et de redescendre parmi les gens, voire ce qu'est la vraie vie.

Ils oublient aussi de comprendre comment travaillent leurs interlocuteurs, et notamment les avocats.

Nous sommes pourtant tous des auxiliaires de la justice. Nous oeuvrons pour un bon fonctionnement de la justice.

Heureusement, l'immense majorité donne une image de loin beaucoup plus valorisante de cette belle et indispensable profession.

Et merci également à cet huissier de la même ville que celui objet de mon courroux, qui a,lui, accepté de délivrer l'acte, ayant eu l'intelligence de comprendre que le risque d'impayé était insignifiant.

 

C'était mon coup de gueule de la journée. Et ça fait du bien !

Finalement, ce blog peut aussi remplacer ma psy. Je peux y décharger mon fiel du moment.

C'est décidé, je mets fin à ce qui me lie à ma psy...

... ah non, en fait, je ne peux pas, ayant souscrit avec cette dernière un engagement que l'on dit à vie...

 

 

Auteur: 
Christophe LHERMITTE

Commentaires

Merci pour votre retour.

Je comprends bien cette position, mais je trouve qu'elle manque parfois de souplesse. Nous pouvons, nous les postulants, nous retrouver dans une situation très difficile, et inconfortable.
D'ailleurs, tous les huissiers n'exigent pas nécessairement de provisions, fort heureusement, car ça alourdit tout de même les dossiers.
Et les impayés des actes, de ce que je peux voir au cabinet, sont rares, ce qui est assez logique dès lors que si nous ne sommes pas nous-mêmes payés, nous cessons généralement toutes diligences (ce que du reste nous ne pouvions pas faire lorsque nous étions avoués). Un "filtre" a donc déjà été opéré en principe.

Cela étant, et fort heureusement, tout se passe généralement très bien, et principalement en raison des relations que nous avons avec les huissiers avec lesquels nous collaborons de manière habituelle.
Et je le répète, je suis pro huissier pour de vrai. Une profession à sauvegarder.

A bientôt sur le blog, et encore merci pour votre contribution.

Cl

Bonjour,

J'aime votre humour incisif, malheureusement pour vous, la demande de provision est un droit pour l'Huissier, conformément à l'article 21 du décret tarifaire, qui dispose que "Les huissiers de justice doivent, avant de prêter leur ministère et pour les actes et formalités qui doivent être immédiatement diligentés, demander à la partie qui les requiert une provision suffisante pour couvrir leur rémunération et les débours correspondants". Nonobstant une relative urgence (1 mois c'est un délai très "large" pour signifier) ou la renommé de votre mandataire. Le fait d'être officier ministériel ne doit pas permettre à des personnes peu diligentes d'avoir l'opportunité de bénéficier d'un service gratuit. Qui dit officier ministériel (ou public) ne dit pas "prêteur de deniers". D'ailleurs, même le service public est désormais, pour partie, un service payant... Un tel point de vue est donc, de notre côté, tout à fait injustifié.

A bonne entendeur, Cher Maître !